| * Dans l'article "SAUVER,, verbe trans." SAUVER, verbe trans. I. − Empl. trans. A. − [Le compl. désigne un être vivant] 1. Tirer quelqu'un d'un danger, de la mort. Sauver des blessés; sauver qqn au péril de ses jours. « Si le pouls revenait... », pensa Antoine. Il eût donné dix ans de sa propre vie pour ranimer ce petit cadavre. « Quel âge ça a-t-il? Sept ans? Si je la sauve, avant dix ans d'ici elle fera de la tuberculose, dans ce taudis. Mais la sauverai-je? (...) » (Martin du G.,Thib., Belle sais., 1923, p. 877). − Empl. passif. [Avec compl. introd. par de désignant le danger] C'était encore un petit enfant comme les autres héros, un petit enfant sauvé des eaux par la fille du pharaon, à l'heure du bain (Adam,Enf. Aust., 1902, p. 111). − Absol. Leur affaire à eux n'était pas de résister. On se laisse faire à qui sauve (Hugo,Travaill. mer, 1866, p. 436). 2. P. ext. Faire échapper, quelqu'un ou une collectivité, à un grave danger, lui épargner un grand malheur, une catastrophe. Sauver les Bourbons, la France, la patrie. Il y a des familles désignées pour sauver le pays. C'est un honneur. Après mon fils et mon frère, j'achèverai de le mériter (Bordeaux,Fort de Vaux, 1916, p. 83).Il ne songeait plus qu'à sauver Catherine, à la contraindre à être heureuse selon l'idée qu'il avait du bonheur (Nizan,Conspir., 1938, p. 154). 3. THÉOL. Assurer, procurer le salut éternel. Formule lapidaire de G. Crespy: « Alors que Dieu sauve les hommes en se faisant homme, les idéologies cherchent à sauver l'homme en le faisant idée » (Univ. écon. et soc., 1960, p. 66-2). − Empl. passif. Le monde peut être sauvé par un seul juste, dit l'Écriture (Flaub.,Corresp., 1871, p. 279). − Empl. pronom. Il porte le poids de tous les crimes. Il ne croit pas seulement à la société des âmes, il en fait la douloureuse et personnelle expérience. Nous sommes embarqués, mais tous ensemble... Vouloir se sauver tout seul c'est être certain de se perdre (Philos., Relig., 1957, p. 36-14). − Absol. On s'imagine que la foi est comme un talisman qui sauve par sa vertu propre; qu'on sera sauvé si l'on croit telle proposition inintelligible, sans s'embarrasser de la comprendre (Renan,Avenir sc., 1890, p. 484). ♦ Il n'y a que la foi qui sauve! Ce que l'on croit prime sur la réalité: ... tu crois manger du turbot (...) c'est du carrelet que tu béquilles, c'est comme les choses qui seraient véritablement bonnes, ça n'existe pas! C'est décidément bien vrai qu'il n'y a que la foi qui sauve... et la bêtise...
Huysmans,Marthe, 1876, p. 95. 4. Sauver qqn de + subst.Éviter, épargner quelque chose à quelqu'un, préserver quelqu'un de quelque chose. Sauver un créancier de la ruine; sauver qqn de l'échec, de la gêne, du désespoir. Je suis un ilote. Qui me donnera la liberté? Qui me sauvera de la déchéance? (Duhamel,Confess. min., 1920, p. 207).Souvent une fraternité heureuse a sauvé un enfant d'une parenté déplorable. Mais pas plus qu'aucun des autres liens familiaux le lien fraternel n'est franc de toute primitivité (Mounier,Traité caract., 1946, p. 103). − Sauver qqn de + inf.Nos aventures n'ont fin ni sens, et nous oublions les avanies. Notre médiocrité nous sauve de nous perdre (Guéhenno,Jean-Jacques, 1948, p. 12).Que la souffrance me sauve de mourir de bonheur! (Claudel,Poés. div., 1952, p. 316). − [Sans compl. d'obj. dir.] La disposition d'esprit dont vous parlez est dangereuse. Mais elle sauve de dangers plus grands, que vous ne soupçonnez même pas (Michelet,Journal, 1844, p. 882).Moins de vingt ans après, le chef de la nouvelle armée française, Bonaparte, prit aussi congé de ses compagnons; tant les hommes et les empires passent vite! Tant la renommée la plus extraordinaire ne sauve pas du destin le plus commun! (Chateaubr.,Mém., t. 1, 1848, p. 417). − [Sans compl. prép.] Votre petite fabrique de chocolat vous procure-t-elle au moins des bénéfices? − Oui, c'est elle qui nous sauve (Huysmans,En route, t. 2, 1895, p. 289). B. − [Le compl. désigne un inanimé] 1. Éviter la perte, la disparition, la destruction de. Sauver des biens. Veux-tu que je chante? J'ai pu sauver ma guitare, mais elle n'a plus de cordes (Claudel,Soulier, 1944, 1repart., 2ejournée, 8, p. 1024).Jules Guichaoua perdit du temps à chercher du regard son camarade, à hésiter, à se demander s'il ne tenterait pas de sauver la barque (Queffélec,Recteur, 1944, p. 132). − Empl. passif. Nous arrivâmes à Château-Gontier, le matin au petit jour; là, je vis avec un véritable attendrissement nos deux pièces sauvées de la débâcle (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 234). − Sauver qqc1. de qqc2.Éviter quelque chose à quelque chose. Prendre enfin de grandes mesures et sauver nos maisons du pillage (Marat,Pamphlets, Aux braves Paris., 1792, p. 302).À mon insu, je rendais l'honneur à leur père. C'est une histoire qui vaut qu'on la sauve de l'oubli (Barrès,Cahiers, t. 14, 1922, p. 53). ♦ Empl. passif. Le conseil municipal, la ville ayant été sauvée de la peste, s'engageait à payer chaque année quatre taureaux qui seraient toréés « pour l'amour de Dieu » (Montherl.,Bestiaires, 1926, p. 515). − Sauver la vie de qqn. J'oubliais le principal. Il y a douze ans, vous m'avez sauvé la vie, ou peu s'en faut, vous et vos amis (Farrère,Homme qui assass., 1907, p. 6). − Sauver sa tête, sa peau. La vie errante du capitaine Lyrisse qui sauve à grand'peine sa tête (Adam,Enf. Aust., 1902, p. 468).Les lâches jadis se réfugiaient dans les églises pour s'y mettre en sûreté et sauver leur peau (Bernanos,Joie, 1929, p. 698). 2. Maintenir intact. Sauver la réputation de qqn. L'honneur? Tel gréviste le sauve en acceptant de continuer d'avoir faim (Guéhenno,Journal « Révol. », 1938, p. 184). − Sauver les apparences . V. apparence.Sauver la face*. Sauver l'honneur* (dans une compétition sportive). Fam. Sauver la mise* (à qqn), sauver les meubles. V. meuble1B 2. 3. Vieilli a) Épargner, éviter quelque chose d'ennuyeux, de fâcheux à quelqu'un. Sauver un remords à qqn. Vous voyez qu'il reste encore une forte besogne à notre imprimerie, et que, de plus, ceci lui sauve l'achat de deux feuilles (64 pages) de caractères perle (Hugo,Corresp., 1853, p. 155).La marmotte est un mineur habile dans son oblique souterrain, qui lui sauve le vent de l'hiver (Michelet,Oiseau, 1856, p. 209). − Sauver de + inf.[En tournure nég.] Ne pas empêcher de. Il y a des images qui sont belles; il y en a qui sont laides; il y en a (...) que leur nouveauté ne sauve pas d'être ridicules (Gourmont,Esthét. lang. fr., 1899, p. 305). b) Faire passer, excuser quelque chose en masquant les défauts. L'état de mari a cela de fâcheux, que le mari qui a le plus d'esprit peut être de trop partout, même chez lui, ennuyeux sans ouvrir la bouche, et ridicule en disant la chose la plus simple. Être aimé de sa femme sauve une partie de ces travers (Chamfort,Max. et pens., 1794, p. 64). II. − Empl. pronom. A. − Se tirer d'un mauvais pas, échapper à un danger, à la mort. Garde bien mes lettres, Ernest, je t'en conjure; un jour peut-être, au bord de nos solitaires étangs, ou sur nos froids rochers, nous les relirons, si toutefois ton ami se sauve du naufrage qui le menace (Krüdener,Valérie, 1803, p. 60).L'humanité s'est sauvée, dans le passé, des périls les plus graves (J.-R. Bloch,Dest. du S., 1931, p. 167). B. − S'échapper, quitter rapidement l'endroit dans lequel on se trouve. Un bagnard nous offre un cahier de lettres et dessins amoureux, piqués avec l'épingle. Quelques-uns sont bien mis, avec des pantalons blancs (...). Ce qu'il y a de plus horrible, c'est cet accouplement de la chaîne. Ils paraissent abattus ou insouciants. Cependant il s'en sauve tous les jours (Michelet,Journal, 1831, p. 92).Réjane, qui vient de jouer le tableau des fortifications, est rappelée et applaudie à tout rompre... Je me sauve, de peur que ça se gâte (Goncourt,Journal, 1888, p. 883). − [Le suj. désigne une réalité concr.] Un peu de fumée se sauve, qui va bleuir un morceau de la pente (Pourrat,Gaspard, 1931, p. 298). ♦ En partic. [En parlant d'un liquide que l'on chauffe] Le lait s'est sauvé. S'échapper du récipient, déborder. Il était tout à elle, lorsqu'un bruit d'eau qui se sauve arriva de la cuisine où le miel fondait au bain-marie (Pourrat,Gaspard, 1925, p. 139). − Se sauver de qqn.Fuir quelqu'un. C'est celui-là qui nous a tant fait courir après lui, dans le temps, de domicile en domicile de banlieue, pour porter un livre à sa critique. Il se sauvait de ses créanciers (Goncourt,Journal, 1864, p. 7). − Se sauver de + lieu que l'on quitte.Il s'est sauvé de Paris, après avoir été quatre mois caché dans une soupente, chez une blanchisseuse (Sénac de Meilhan,Émigré, 1797, p. 1681).Elle me contait les événements du bourg, l'histoire d'une vache qui s'était sauvée de l'étable (Maupass.,Contes et nouv., t. 2, Clochette, 1886, p. 662). − Se sauver à, dans + lieu dans lequel on va, se sauver chez qqn.Il s'est échappé, est monté à cheval, et s'est sauvé à Lunéville (Marat,Pamphlets, Relation fid. affaires Nancy, 1790, p. 248).Le roi est mort, les ducs aussi et le jeune Bougrelas s'est sauvé avec sa mère dans les montagnes (Jarry,Ubu, 1895, iii, 3, p. 60).La veille du premier de l'an, comme il s'était montré plus brutal encore que de coutume, la pauvre fille, exaspérée, s'était sauvée chez une amie (Gide,Journal, 1902, p. iii). C. − S'enfuir, chercher refuge dans la fuite. Je crois qu'on me jette des pierres, je me sauve sans savoir, tout tourne, tout tourne. Quand on n'a pas mangé, c'est très drôle (Hugo,Misér., t. 1, 1862, p. 881).Je ne sais ce que tu comptes faire, dit-il, mais si tu ne te sauves pas, tu feras aussi bien de te livrer ce soir (Green,Moïra, 1950, p. 243). − Se sauver à toutes jambes. S'enfuir à toute vitesse. Sitôt qu'elle fut libre, elle se cracha sur le poignet, sur la main, sur sa plaie, partout où il l'avait touchée, et elle hurla qu'elle se confesserait quand même. Elle se sauvait à toutes jambes (Queffélec,Recteur, 1944, p. 183). D. − Prendre congé, se retirer rapidement (de chez quelqu'un). Adieu, dit en souriant la jeune femme. Voyez comme tout le monde vous regarde, vous! C'est intimidant, je me sauve. Elle s'éloigna par le trottoir de la petite cour (Vogüé,Morts, 1899, p. 22). REM. 1. Sauvetable, adj.Qui peut être sauvé. Synon. sauvable (infra dér.).Pour échafauder quatre poutres au-dessus d'un navire échoué, pour découper et isoler dans ce navire la partie sauvetable (...) il eût fallu tant de préparatifs, tant de travaux, tant de tâtonnements (Hugo,Travaill. mer, 1866, p. 298). 2. Sauveter, verbe trans.,synon. de sauver.César: Parce que tu as volé une médaille à Piquoiseau! Escartefigue: Ne plaisante pas avec ça. C'est ma médaille des sauveteurs du quai du Canal. César: Qu'est-ce que tu as sauveté? Escartefigue: Ce que j'ai sauveté? Le jour où l'omnibus du Faro est tombé dans le Vieux Port... eh bien, c'est moi!... César: C'est toi? Escartefigue: Oui, c'est moi qui ai donné l'alarme (Pagnol,Marius, 1931, IV, 2, p. 211). 3. Sauvoir, subst. masc.Vivier, réservoir à poissons. On n'y voyait ni gibet seigneurial, ni moulin fortifié, ni sauvoir, ni colombier à piliers, ni four banal, ni grange à nef, ni châtelet, ni ponts fixes ou levis (Proust,Guermantes 2, 1921, p. 28). Prononc. et Orth.: [sove], (il) sauve [so:v]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Trans. A. 1. a) 842 salvar « faire échapper (quelqu'un) à un grave danger » (Serments Strasbourg ds Bartsch Chrestomathie, p. 3); ca 1165 avec suj. de chose sauver (Troie, éd. L. Constans, 2570: onc li haubers nel pot sauver); b) 1remoit. xiies. sauver de (Psautier Oxford, éd. F. Michel, 58, 2: des humes de sanc salve-mei); 2. fin xes. salvar relig. « opérer le salut de » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 68); ca 1050 salver trans. et pronom. (Alexis, éd. Chr. Storey, 11 et 547); ca 1535 part. passé subst. (Melin de Sainct-Gelays,
Œuvres compl., éd. P. Blanchemain, t. 3, p. 87: Les saulvez). B. 1. a) Ca 1050 « empêcher la destruction, la ruine, la perte de (quelque chose) » (Alexis, 605: sunt lur anames [= âmes] salvedes); b) ca 1165 sauver la (les) vie(s) (Troie, 7988: a cui en sauvera les vies); 1830 p. exagér. « rendre un grand service » (Balzac, Gobseck, p. 410: tu me sauves la vie); c) 1580 sauver sa tête (Montaigne, Essais, I, 24, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 125: ma teste que j'ay sauvée de tant de guerres civiles); d) 1729 sauver sa peau (A. Piron, École des pères, éd. 1776, p. 56: à sauvé note piau [sic]); 1732 (A. Lesage, Hist. de Guzman, éd. 1825, t. 4, p. 250: sauver ma peau); 2. a) ca 1165 (Troie, 17834: vostre regne sauver); b) 1548 sauver l'honneur (N. Du Fail, Baliverneries, éd. J. Assézat, p. 158: sauver l'honneur des femmes); c) 1588 sauver les apparences (Montaigne, op. cit., III, 10, p. 1019); d) 1865 sauver la mise « (ici) chercher à se procurer une tenue présentable » (Vallès, Réfract., p. 17); 1866 sauver la mise à qqn « lui éviter une humiliation, un ennui; lui prêter à temps de l'argent » (Delvau, p. 406); 1903 sauver la mise « à défaut de bénéfices, retirer au moins l'argent engagé » (Nouv. Lar. ill., s.v. mise); e) 1914 sauver la face (Jaurès, Eur. incert., p. 78); f) 1918 sauver les meubles (d'apr. Esnault, Notes compl. Poilu, 1956: sauver les meubles [...] se sauver soi-même ou ses effets personnels); 1931 (Bernanos, Gde peur, p. 149), v. meuble1; 3. 1370 spéc. « faire accepter quelque chose de médiocre ou de mauvais » (Oresme, Éthiques, éd. A. D. Menut, p. 161: le moien la sauvast [la bonté de l'uevre]). II. Pronom. 1. ca 1280 « s'enfuir pour échapper à un danger » (Girard d'Amiens, Escanor, éd. H. Michelant, 784: qu'il se sauveroit); 2. 1673 « prendre congé promptement » (Molière, Malade imaginaire, II, 7); 3. 1795 « déborder (en parlant d'un liquide) » (Dorvigny, Jocrisse changé de condition, p. 31 ds Quem. DDL t. 32). Du b. lat. salvare « rendre bien portant; maintenir, conserver; délivrer », lat. chrét. « procurer le salut éternel »; dér. du lat. salvus « bien portant, sauf ». Fréq. abs. littér.: 11 143. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 16 673, b) 17 130; xxes.: a) 16 601, b) 14 000. DÉR. Sauvable, adj.a) Qui peut être sauvé. Synon. sauvetable (supra rem.).Peut-être m'auriez-vous sauvé, si j'avais été sauvable (Du Camp,Mém. suic., 1853, p. 304).b) Que l'on peut garder, conserver (intact). Plus, par le rayonnement propre de sa conscience, le vivant émerge des masses anonymes, plus grande se fait par voie d'éducation et d'imitation, la part transmissible, sauvable, de son activité (Teilhard de Ch.,Phénom. hum., 1955, p. 250).− [sovabl̥]. − 1resattest. a) 1remoit. xiies. salvable subst. « secours, salut » (Psautier Oxford, éd. F. Michel, 9, 15), ca 1165 sauvable adj. « salutaire, profitable » (Troie, éd. L. Constans, 27391: conseil [...] sauvables), sens att. jusqu'au xvies., b) 1853 « qui peut être sauvé » (Du Camp, loc. cit.); de sauver, suff. -able*. BBG. − Becker 1970, p. 319, 327. _ Quem. DDL t. 22 (s.v. sauver les apparences t. 32). − Verreault (Cl.). Les Adj. en -able en franco-québécois. Trav. de ling. québécoise. 3. Québec, 1979, p. 217 (s.v. sauvable). |