| SAUVAGERIE, subst. fém. A. − Caractère rude, inhospitalier, peu accessible d'un lieu, d'un site où la nature est restée sauvage. Campagne rendue à la sauvagerie. Rencontre d'un site assez remarquable pour sa sauvagerie: le chemin descend par une pente subite dans un petit ravin où coule un petit ruisseau (M. de Guérin, Journal, 1833, p. 152).La sauvagerie charmante du pays le tentait (Maurois, Ariel, 1923, p. 116). B. − 1. Condition des hommes antérieure à la civilisation dite évoluée. Les pensées qui contractent le visage étrange de la reine restent un mystère pour tous (...). Est-ce tristesse ou abrutissement? (...) Regrette-t-elle son indépendance et la sauvagerie qui s'en va, et son peuple qui dégénère et lui échappe? (Loti, Mariage, 1882, p. 104).Pour eux, l'art n'est au fond qu'un vestige de la sauvagerie primitive, et le génie est un danger permanent pour la société (Larbaud, Barnabooth, 1913, p. 113). 2. Caractère de ce qui appartient aux civilisations primitives. Dans cette pelote on enferme une petite bouteille à laquelle on adapte un goulot saillant en bois que l'on bouche avec de courtes plumes d'autruches. Cela est fort étrange et d'une grande sauvagerie (Du Camp, Nil, 1854, p. 159).Des ornements d'une sauvagerie primitive et sombre, accrochés un peu partout, comme si la lointaine Polynésie fût venue à moi pendant mon sommeil (Loti, Rom. enf., 1890, p. 281). C. − Caractère, comportement d'une personne qui fuit les contacts humains et recherche la solitude. Elle était heureuse de sa solitude, de cette sauvagerie où elle vivait enfermée, comme au fond d'un refuge (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 516).J'aurais dû mettre en avant, pour expliquer ma sauvagerie et mes retraits, une crainte extrême de la fatigue. Dès que je ne puis m'y montrer parfaitement naturel, toute fréquentation m'exténue (Gide, Si le grain, 1924, p. 527).V. sauvage II A ex. de Goncourt. D. − Caractère, comportement d'une personne farouche, entière dans ses sentiments et ses actes. Parmi les Italiens les bons sont ceux qui ont encore un peu de sauvagerie et de propension au sang (Stendhal, Amour, 1822, p. 290).Antonia n'avait (...) nullement la sauvagerie d'une gitane (Romains, Hommes bonne vol., 1939, p. 135). E. − Caractère inhumain, cruel, barbare d'une personne, d'un comportement ou d'un acte. Sauvagerie d'un assassin; sauvagerie d'un combat, d'une agression, d'une guerre. La plupart des objets précieux, classés au musée de Cluny, et échappés par miracle à l'immonde sauvagerie des sans-culottes, proviennent des anciennes abbayes de France (Huysmans, À rebours, 1884, p. 104).Nous allons voir les lutteurs dans le West End. Ce genre de sport dépasse en sauvagerie ce que je pouvais imaginer, car, au bout de quelques minutes, les lutteurs se transforment en enragés et ne pensent visiblement qu'à une chose, qui est de tuer l'adversaire (Green, Journal, 1936, p. 73). Prononc. et Orth.: [sovaʒ
ʀi]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1. Ca 1739 « manière, humeur, habitudes de celui qui ne peut souffrir la société ou n'en a pas l'habitude » (Loisirs d'un ministre in Mémoires du marquis d'Argenson, [éd. Barnère], p. 258 ds Gohin, p. 243); 2. a) 1807 « condition des hommes et des groupes humains dont le mode de vie est resté proche de l'état de nature » l'etat de sauvagerie (Destutt de Tr., Comment. sur Espr. des lois, p. 275); b) 1833 « (d'un lieu) qui a gardé la violence, la rudesse de la nature vierge » site assez remarquable pour sa sauvagerie (M. de Guérin, loc. cit.); 3. 1822 « caractère barbare, féroce, d'une personne » un peu de sauvagerie et de propension au sang (Stendhal, loc. cit.); 4. 1846 « caractère exclusif, passionné, violent d'une personne ou de ses actions » la sauvagerie de ses dernières paroles (Balzac, Cous. Bette, p. 14). Dér. de sauvage*; suff. -erie*. Fréq. abs. littér.: 318. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 144, b) 523; xxes.: a) 720, b) 514. Bbg. Gohin 1903, p. 243. |