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SAUVAGEON, -ONNE, subst. et adj.
A. − Subst. masc., ARBORIC.
1. Arbre ou arbuste qui a poussé spontanément dans la nature, et qui peut être prélevé et greffé. Greffer un sauvageon, sur sauvageon. Presque tous les arbres du verger étaient des sauvageons; il les écusonna et leur fit donner d'excellents fruits (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 677).Les sauvageons sont utilisés, mais actuellement de moins en moins, comme porte-greffe des variétés cultivées (Agric.1977).
Empl. adj. Mais en quoi cette verdure consiste-t-elle? en quelques saules chétifs, en quelques sillons d'orge et d'avoine qui croissent péniblement et mûrissent tard, en quelques arbres sauvageons qui portent des fruits âpres et amers (Chateaubr., Voy. Amér. et Ital., t. 2, 1827, p. 311).Le lierre, le chiendent, l'églantier sauvageon, Font depuis trois cents ans, l'assaut de ce donjon (Hugo, Légende, t. 1, 1859, p. 322).
P. métaph. Cette sorte de greffe unique au monde, (...) où Rome fournit la force et les Grecs la pensée, où Rome fournit l'ordre, et les Grecs l'invention, (...). Où Rome fournit le sauvageon, et les Grecs le point de culture (Péguy, Argent, 1913, p. 1218).Michel (...) nous explique qu'il a trouvé en D'Estrème un pur, au double sens du mot: un homme animé par le souci de la moralisation de la politique, mais dépourvu d'idéologie à un point incroyable. Il se flatte de greffer des idées socialistes sur ce sauvageon (Abellio, Pacifiques,1946, p. 360).
2. Plant d'arbre obtenu en pépinière à partir de semis, destiné à être utilisé comme porte-greffe. Les sauvageons portent des fruits âpres (Ac.1935).
3. ,,Rejet sauvage de la partie non greffée d'un arbre greffé`` (Bén.-Vaesk. Jard. 1981).
Empl. adj., au fig. On entrevoit en quoi Diderot tenait d'elle [de sa sœur], et en quoi il en différait: elle était la branche restée rude et sauvageonne, lui le rameau greffé, cultivé, adouci, épanoui (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 3, 1851, p. 294).L'origine toute provinciale d'un rameau de la famille de Guermantes, resté plus longtemps localisé, plus hardi, plus sauvageon, plus provocant (Proust, Guermantes 2, 1921, p. 494).
B. − P. anal.
1. Subst. masc. ou fém.
a) Enfant qui a grandi sans recevoir d'éducation. Est-ce que cette sauvageonne finirait par devenir une jolie fille? (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 533).Françoise-Louise de La Tour (...) avait grandi élevée par ses tantes, comme une sauvageonne, dans un vieux manoir (...) très tôt livrée, comme Jean-Jacques, à elle-même (Guéhenno, Jean-Jacques, 1948, p. 44).
Au masc. [En parlant d'une fille] Annette: Par où cette fille-là peut-elle te plaire? Lucien: Par un point capital: c'est un sauvageon, et ils deviennent de plus en plus rares (Augier, Contagion, 1866, p. 355).Il avait eu ce sauvageon d'une rouleuse de routes, ramassée sur le revers d'un fossé, à la suite d'une foire, (...) l'enfant, à peine sevrée, avait poussé dru, en mauvaise herbe (Zola, Terre, 1887, p. 46).
b) Littér. Enfant issu d'un peuple sauvage (v. ce mot I D). Quand elle s'abandonnait ainsi, les épaules rondes, les seins lourds, les traits détendus, elle perdait subitement tout le charme de sa jeunesse. Ce n'était plus « Nigrette », la sauvageonne, mais une quelconque esclave de couleur, au corps appesanti (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 640).
Au masc. [En parlant d'une fille] Et c'est cette fillette, ce sauvageon des îles, que nous aurions pour souveraine! (A. Daudet, Port-Tarascon, 1890, p. 202).
2. Adj. [En parlant d'une pers. ou, p. méton., de l'une de ses particularités] Qui n'a pas subi les influences de la culture, fruste. Madame Gervaisais appréciait en lui cette espèce d'intelligence sauvageonne des races méridionales (Goncourt, MmeGervaisais, 1869, p. 211).Si le Grand Roi (...) Courtisait une petite bohémienne (...), Dont quelques charmes sauvageons, (...) décèlent La lointaine lignée souveraine (Claudel, Poés. div., 1952, p. 315).
Prononc. et Orth.: [sovaʒ ɔ ̃], fém. [-ɔn]. Ac. dep. 1694: sauvageon (arbre). Étymol. et Hist. I. 1. a) 1remoit. xiiies. sauvechon « pomme sauvage » (Guillaume de Palerme, 3207 ds T.-L.), chez cet aut. uniquement; b) fin xiiies. [ms.] sauveçon « pommier sauvage » puns de sauveçon (De Marie et de Marthe, Richel. 1553, f o270 r ods Gdf., s.v. sauveçon); 2. 1396 sauvarjon « jeune arbre venu spontanément et sans culture » (Insiticia silvestris arbor, in Lit. remiss., ex Reg. 150, ch. 100 ds Du Cange, s.v. sylvaticus); av. 1563 sauvageon (La Boétie, 241 ds Littré); 3. 1597 « arbre qui n'a pas été greffé et qui peut servir de sujet pour la greffe » (Ch. Estienne, J. Liébault, L'Agric. et Maison Rustique, livre III, chap. IX, p. 409); 4. 1933 « partie végétale repoussant en-dessous du point de greffe d'une plante » (Lar. 20e). II. 1. 1793 adj. « qui est de la nature du sauvageon » (Fr. Rozier, Cours complet d'agric., Paris, t. 7, p. 7, s.v. mûrier); 2. 1869 adj. « qui a un caractère rude, fruste » intelligence « sauvageonne » (Goncourt, loc. cit.); d'où a) 1883 subst. « garçon ou fille qui a grandi en liberté, sans éducation » (Zola, Bonh. dames, p. 533); b) 1928 « enfant d'un peuple exotique » (Martin du G., Thib., Consult., p. 1089: cette fille d'une mulatresse malgache [...] qui avait tout l'air d'une sauvageonne). I dér. de sauvage* étymol. I 4; suff. -on*. II 1 empl. adj. de I; 2 empl. métaph. de I et par attraction de sauvage*, étymol. I 2 a. Fréq. abs. littér. Sauvageon: 31. Sauvageonne: 10.