| SAUTE, subst. fém. A. − 1. Au plur. Mouvements brusques et désordonnés. Les deux bougies tremblotaient d'une manière fatigante, produisant des sautes continues d'ombre et de lumière (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 365). − [À propos du regard] Les mains derrière le dos, le vieux Tancogne allait et venait. Ses yeux avaient des sautes rapides, dardaient de brefs regards auxquels rien n'échappait (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 19). 2. Saute de vent. Brusque changement de la direction et de la force du vent. Les vents sautèrent alors du sud au nord avec assez de violence, sans que cette saute de vent eût été annoncée par aucun nuage; le ciel était clair et serein, mais il devint très-noir, et je fus obligé de m'éloigner de terre pour ne pas être affalé avec les vents d'est (Voy. La Pérouse, t. 2, 1797, p. 389).[En synt. libre] La température, modifiée par une saute du vent dans le nord-est, se refroidit sérieusement (Verne, Île myst., 1874, p. 73). B. − Au fig. 1. Brusque changement de l'humeur, des dispositions d'esprit de quelqu'un. On prétendait que son caractère changeait, elle était prise en effet d'humeurs inexplicables, avec des sautes continuelles, gaie, puis triste, puis bourrue et mauvaise (Zola, Terre, 1887, p. 204).Sûrement Lewis n'était pas tout à fait au net avec lui-même, c'est ce qui expliquait ses sautes de conduite (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 519). ♦ Saute d'humeur. Depuis quelques mois, nous remarquons chez la princesse des sautes d'humeur sanguine, des colères qui crèvent sur n'importe qui, à propos de n'importe quoi (Goncourt, Journal, 1868, p. 442). 2. Passage brusque d'une idée à une autre, d'un sujet à un autre, dans une conversation, dans un raisonnement. Sous une apparence de liaison, il [Renan] a des sautes d'idées incroyables, et ce sont continuellement des abus de mots, des équivoques imperceptibles, parfois un ravissant galimatias (Lemaitre, Contemp., 1885, p. 212).[Albertine] usait, non par raffinement de style, mais pour réparer ses imprudences, de ces brusques sautes de syntaxe ressemblant un peu à ce que les grammairiens appellent anacoluthe ou je ne sais comment (Proust, Prisonn., 1922, p. 153). 3. Variation brusque d'une température, d'une intensité, en rupture avec une progression ou une évolution régulières. Saute de température, de pression, de tension; sautes des cours de la Bourse. La nuit, la température de l'enfant avait des sautes effrayantes; elle passait sans transition de la grosse fièvre à l'anémie. Il brûlait, il tremblait de froid (Rolland, J.-Chr., Matin, 1904, p. 146). − Au plur. [À propos de la voix] Synon. de éclats.Hubert, avec des sautes de voix, des apartés, des parenthèses (...) commença de raconter sa journée de Paris (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 208). 4. Passage d'un état à un autre état, qualitativement différent. Et tout d'abord qu'une saute essentielle soit possible entre deux états ou formes, même inférieures, de conscience, ceci est parfaitement concevable (Teilhard de Ch., Phénom. hum., 1955, p. 91). Prononc. et Orth.: [so:t]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1. 1771 saute de vent (Trév.); 1923 sautes de température (Du Bos, Journal, p. 302); 2. a) 1868 des sautes d'humeur sanguine (Goncourt, loc. cit.); 1887 des sautes (Zola, loc. cit.); b) 1878 sautes de tendresse (Id., Page amour, p. 1003); c) 1891 sautes des cours (Id., Argent, p. 338). Déverbal de sauter*. Fréq. abs. littér.: 149. |