| SARABANDE, subst. fém. A. − MUS., DANSE 1. Danse populaire, vive et lascive, accompagnée de castagnettes et de tambours de basque, apparue en Espagne à la fin du xvies. La bohémienne dansait. Elle faisait tourner son tambourin à la pointe de son doigt, et le jetait en l'air en dansant des sarabandes (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p. 292).Au dessert, me faisant des castagnettes avec une assiette de porcelaine de Chine cassée, j'exécutai une sarabande si folle, si lascive, si enragée qu'elle eût damné un saint (Gautier, Fracasse, 1863, p. 194). 2. Danse noble et grave, à trois temps (3/4 ou 3/2), de forme binaire, dont chaque phase débutait sur un temps fort, qui se dansait par couples et qui fut introduite à la cour de France au xviies. Il crut voir (...) la baronne et le marquis se tenant par la main et dansant une sarabande (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 165).Les cinq positions classiques furent imaginées et mises au point par les maîtres de danse de la cour du XVIIesiècle. Elles servirent depuis lors de canevas et de points de repère pour la composition et l'exécution de toutes les danses anciennes (pavane, sarabande, gavotte, menuet, passe-pied, etc.) (Bourgat, Techn. danse, 1959, p. 43). 3. Au xviiies., un des éléments fondamentaux de la suite classique située entre la courante et la gigue. Sarabandes de Bach, de Haendel. Comme Cécile avait triomphé, elle a, pour célébrer cette victoire amicale, joué une petite pièce de Haendel, une sarabande légère et mélancolique, mais d'une noble et charmante élégance (Duhamel, Maîtres, 1937, p. 76). B. − Familier 1. Suite désordonnée de gens qui courent ou s'agitent en faisant beaucoup de bruit. Quand ils voyaient passer la horde sacrée des joueurs de flûtes et de cymbales, des hurleurs, des danseurs et des échevelées entourant leurs prêtres (...), beaucoup pris de frénésie entraient, pour un bout de chemin, dans la sarabande orgiaque (Barrès, Pays Lev., t. 1, 1923, p. 92). ♦ P. anal. Je vous cède ma chambre, la seule à peu près où il ne pleuve pas (...). Surtout, n'allez pas avoir peur (...) des sarabandes des souris (Gautier, Fracasse, 1863, p. 34). − Faire la sarabande. Faire beaucoup de bruit, créer une grande agitation. Par derrière, dans le jardin, une troupe retardataire arriva, qui fit la même sarabande, criant cette fois: − À l'abordage! (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p. 129). 2. P. anal. a) Multitude de choses qui s'agitent. [Le soleil] entrait dans les pièces de la maison, faisant danser autour de ses rayons des sarabandes de poussières (Pergaud, De Goupil, 1910, p. 233).On entend claquer sec à la brise une sarabande de linges (Gracq, Beau tén., 1945, p. 68). b) Suite désordonnée (d'éléments disparates). Le soir, elle (...) causa avec une chaleur, une expansion de toutes ses facultés qui entraînèrent tout l'entourage dans une véritable sarabande d'idées joyeuses, actives et rapides (Duranty, Malh. H. Gérard, 1860, p. 24). Prononc. et Orth.: [saʀabɑ
̃:d]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) α) 1605 zarabanda « danse vive et lascive d'origine espagnole » (Le Loyer, Spectres, l. VIII, chap. 3, p. 858: les Espagnols ont à present leur zarabanda); 1605 serabante ([J. Bordier], Ambassade en Turquie de Jean de Gontaut Biron, éd. Th. de Gontaut Biron, 1888, p. 39: gavotte ou serabante); 1606 sarabande (Victor, s.v. çaravanda); 1615 sarrabande (F. de Rosset et V. d'Audiguier, Les Nouvelles de Miguel de Cervantes, trad. d'esp. en fr., 173 v ods Fonds Barbier: la sarrabande et la chaconne);
β) 1636 sarabande « ancienne danse française à trois temps, grave et lente » (Mersenne, Harmonie universelle, L. second des chants, p. 165); b) 1623 « air sur lequel la sarabande se dansait » (Ch. Sorel, Francion, l. 4, éd. E. Roy, t. 2, p. 31: sonnez moy le bransle [...] ou la sarabande); 2. a) 1840 « suite effrénée, déchaînée » (Balzac,
Œuvres div., t. 3, p. 276: une sarabande de crimes et de niaiseries); b) 1863 « tapage, agitation, mouvement bruyants » (Gautier, op. cit., p. 34); 1877 (A. Daudet, Nabab, p. 85: les écriteaux dansant leur folle sarabande au vent); c) 1891 « suite de personnes agitées » (Huysmans, Là-bas, t. 1, p. 117: la sarabande des sociétés démoniaques). Empr. à l'esp.zarabanda « danse vive et gaie accompagnée de mouvements lascifs, en usage en Espagne aux xvieet xviies. » (att. dep. 1539 d'apr. Cor.), mot d'orig. obsc. Cor. rapporte plusieurs hyp.: − zarabanda remonterait au persan sarband « bandeau noué autour de la tête » (sar « tête », band « lien »), mais le sens « sorte de danse » n'est pas att. en persan. − zarabanda remonterait au persan dastband « danse au cours de laquelle on joint les mains » (dast « main »), par l'intermédiaire de l'ar. dastaband « jonction des mains au cours de la danse », att. au xes.; mais cette hyp. se heurte à des difficultés sém. et phonét. − zarabanda résulterait d'une déformation arg. intentionnelle (comparable au « javanais ») de l'esp. zaranda « crible, van », p. allus. au mouvement rythmique de cet ustensile. En concl., Cor. pense que le n. de cette danse, inventée en Espagne au xvies., est prob. de création indigène. Fréq. abs. littér.: 42. Bbg. Pohl (J.). Contribution à l'hist. de qq. mots. Fr. mod. 1963, t. 31, p. 302. − Reinh. 1963, p. 89. − Rey (A.). Le Lex.: images et modèles. Paris, 1977, pp. 226-227; La Sarabande: essai de sém. hist. R. Ling. rom. 1964, t. 28, pp. 190-201. |