| SAPIENCE, subst. fém. A. − [Dans des cont. relig. notamment judéo-chrét.] 1. Sagesse de celui/celle qui possède le savoir, la science à un degré élevé ainsi que les qualités de jugement, d'habileté, de raison, de prudence. Les rois étaient sacrés par l'huile, car l'huile signifie renommée, gloire et sapience (France,J. d'Arc, t. 1, 1908, p. 517).La sagesse millénaire de ses docteurs [du judaïsme] qui (...), des temps bibliques jusqu'à nos jours, n'a dédaigné aucune fontaine de sapience humaine (Weill,Judaïsme, 1931, p. 16). 2. Vx. Dieu ou sa parole. Synon. verbe, logos.Je verrai l'église des saints formée des fils de la sapience (Saint-Martin,Homme désir, 1790, p. 331).[Un fleuve à Jérusalem] arrose le céleste Éden, et roule dans ses flots l'amour pur et la sapience de Dieu (Chateaubr.,Martyrs, t. 1, 1810, p. 183). 3. La Sapience. Titre du Livre de la Sagesse (v. sagesse I C 1 a). (Dict. xixeet xxes.). B. − HIST. Pays de Sapience. La Normandie. [P. allus. à la sagesse des lois que lui donna Rollon ou à cause du caractère prudent de ses habitants (d'apr. Littré)] Vrai pays de sapience! Cette Normandie, qui, en tant de choses, a servi de modèle à la France et à l'Angleterre (Michelet,Peuple, 1846, p. 294). C. − [Dans un style littér. et archaïsant] Sagesse abstraite, intellectuelle; savoir issu de la connaissance livresque ou considéré globalement en tant que somme des connaissances. Synon. science.Tous les exercices de la classe et les jeux de la récréation doivent fournir prétexte à sapience (...) il n'est pas jusqu'au modèle d'écriture qui ne porte ses fruits (Frapié,Maternelle, 1904, p. 148).Son notaire (...) plein de sapience, le regardait s'agiter, l'écoutait (La Varende,Caval. seul, 1956, p. 17). − P. iron. ou p. plaisant. Ce n'est point là (...) un blanc-bec pédant, fort en sciences, lettres, théologie et sapience (Hugo,Misér., t. 1, 1862, p. 787).[Un savant qui avait] une cervelle comme un comprimé de la Bibliothèque Nationale, un réjoui plein de sapience (Arnoux,Calendr. Fl., 1946, p. 228). REM. 1. Sapient, -ente, adj.[Dans des cont. relig. ou littér.; corresp. à supra A 1] a) Qui possède la sagesse, le savoir. C'était une chose que les chanoines n'avaient pas vu souvent, tout chanoines sapients qu'ils étaient (Fabre,Oncle Célestin, 1881, p. 260).b) Qui symbolise la sagesse. Vous parlez comme Pallas elle-même, aux bons jours de cet oiseau sapient dont on la coiffe (Claudel,Otage, 1911, II, 1, p. 256).c) En partic. Sapient de soi-même. Qui fait œuvre de clairvoyance, qui met en œuvre son jugement, son esprit critique, sa raison en vue d'une meilleure connaissance de soi. Je me propose donc d'être avant tout sapient de moi-même; et je ne veux plus m'appliquer qu'à cela (Larbaud,Barnabooth, 1913, p. 143). 2. Sapientiel, -elle, adj.[Corresp. à supra A] a) Rare. [En parlant de l'homme considéré en tant que possédant le savoir, la sagesse] V. homme ex. 7.b) [Dans un cont. relig.; en parlant d'un texte, de son écriture] Synon. de sapiential.[Une page] d'allure sapientielle, qui déroule une série de béatitudes (Philos., Relig., 1957, p. 42-3). Prononc. et Orth.: [sapjɑ
̃:s]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1121-34 « sagesse de Dieu [qui a créé le monde, connaît tout et dispose de tout] » (Philippe de Thaon, Bestiaire, 737 ds T.-L.); 1remoit. xiies. (Psautier de Cambridge, éd. Fr. Michel, L, 7); b) id. « savoir-faire, dextérité [de Dieu] » (Psautier d'Oxford, éd. Fr. Michel, CIII, 25: trestuses coses en sapience fesis); c)
α) id. « sagesse de l'homme [qui vient de Dieu et le rend capable de distinguer le bien et le mal] » (ibid. XVIII, 8: sapience dunant as petiz; XXXVI, 32);
β) ca 1170 spéc. désigne la sagesse de Salomon obtenue de Dieu par la prière [cf. 1 Rois III, 6-14] (Rois, III, X, 4, éd. E. R. Curtius, p. 135: la frant sapience Salomun); d) 1130-40 « science, connaissance [des choses divines] » en parlant d'une personne (Wace, Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 44: parlot par grant sapience [l'abbé]); e) 1146-70 « connaissance du bien et du mal que tente d'acquérir l'homme par ses propres forces, au mépris du privilège divin » (Jeu d'Adam, éd. W. Noomen, 157: Ço [le fruit défendu] est le fruit de sapience, De tut saveir done science); f) fin xiies. sapïence de Deu désigne le Verbe, le Logos (Sermon de St Grégoire sur Ezéchiel, 12, 20 ds T.-L.); 2. ca 1150 « savoir, science » en réf. à l'Antiquité class. (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 7); cf. en parlant des Grecs (Guiot de Provins, Bible, 67 ds
Œuvres, éd. J. Orr, p. 12); 3. 1291-95 [impr. 1529] titre du ,,Livre de la Sagesse`` (Bible en françois, trad. Guiart des Moulins, Paris, J. Petit, t. 2, non fol.: Cy commence Sapience), cf. I c β. Empr. au lat.sapientia, dans la lang. class. « intelligence, jugement; sagesse [gr. σ
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α]; science, savoir, en partic. recherche de la vérité, philosophie [gr. φ
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α] »; dans la lang. chrét. « sagesse, piété envers Dieu (Vulgate, Eccli.); sagesse [que Dieu donne à ceux qui lui sont unis] (Vulgate, passim); don de découvrir les mystères; sagesse de Dieu [qui crée le monde et dispose de tout] (déb. iiies., Tertullien); le Saint-Esprit (St Irénée); le Verbe (ives. Prudence; Vulgate ds Blaise, Lat. chrét.) ». 3 est tiré du titre Liber Sapientiae (Vulgate). Fréq. abs. littér.: 22. Bbg. Anderer t. 2 1981, pp. 384-385 (s.v. sapientiel). − Brucker (Ch.). Prudentia/ prudence aux 12eet 13es. Rom. Forsch. 1971, t. 83, p. 467; Sage et son réseau lex. en anc. fr. Lille-Paris, 1979, p. 522, 608, 632, 663, 675. − Kogelschatz (B.). Theorie und Praxis des sprachlichen Feldes. München, 1981, pp. 103-104; 175-176 (s.v. sapient). − Schalk (F.). Sapience und Sagesse. Rom. Forsch. 1953, t. 65, pp. 241-255. |