| SANS, prép., loc. conj. et adv. I. − Prép. et loc. conj. A. − Préposition 1. [Devant un n. ou un pron.] a) [Marque l'absence, le manque, l'exclusion d'un être ou d'une chose] Anton. avec.Être sans argent, sans bagage(s), sans emploi, sans ressources; sans esprit, sans honneur, sans jugement, sans malice, sans méchanceté; bière sans alcool, café sans sucre, régime sans sel; chèque sans provision; robe sans manches. Même sans la musique le victimae paschali laudes est un admirable poème en vers libres (Gourmont, Esthét. lang. fr., 1899, p. 250).Rendez-moi rendez-moi mon ciel et ma musique Ma femme sans qui rien n'a chanson ni couleur Sans qui mai n'est pour moi que le désert physique Le soleil qu'une insulte (Aragon, Crève-cœur, 1941, p. 37).V. être1ex. 56 et même ex. 15. − Loc. verb. Être sans le sou, être sans un (pop.). Être sans argent ou sans argent liquide. Et puis j'ai prêté − qu'elle dit! − cinquante balle à Myriame pour payer sa pelure, et puis y a l'une, y a l'autre qui rappliquent, qui disent qu'elles sont sans un... Est-ce que je sais! (Colette, Vagab., 1910, p. 69). − Sans domicile fixe*. − En partic. [Marque que tel ou tel élément n'est pas pris en compte] Chambre sans le petit déjeuner; sans les frais. ♦ Loc. verb. Compter sans qqn, sans qqc. Ne pas prendre en considération; ne pas se méfier de. Elle avait fait raser ses magnifiques cheveux (...) elle espérait que ce pénible sacrifice (...) lui en épargnerait de plus pénibles encore. Elle avait compté sans son hôte. M. de Maurescamp (...) trouva que cette coiffure de petit soldat lui prêtait quelque chose d'original et de piquant (Feuillet, Paris., 1881, pp. 29-30). ♦ Loc. adv. Sans plus. V. plus I A 3 b. b) [Dans un tour à valeur hyp.] Le plus beau printemps je ne sais qu'en faire sans toi (Aragon, loc. cit.). La science ne s'établissant que par voie de comparaison, la connaissance de l'état pathologique ou anormal ne saurait être obtenue sans la connaissance de l'état normal (Bariéty, Coury, Hist. méd., 1963, p. 660). − Sans cela. V. cela I C 4. c) [L'idée de négation porte sur la façon dont se déroule le procès; sans est suivi d'un subst.] Pendant que l'aîné assourdit un côté de la table, le petit frère se met de la partie et assourdit l'autre côté! Et ça continue des deux côtés, sans tact, sans merci, sans miséricorde pour la table (Goncourt, Journal, 1892, p. 184). − Loc. adj. ou adv. Sans appel (v. ce mot D 1), sans arrêt (v. ce mot I A 1 a), sans blague(s) (v. blague2B), sans bornes (v. borne I B 2 b), sans cérémonie*, sans cesse*, sans commentaire (v. ce mot B 2 b), sans conséquence*, sans consistance, sans conteste*, sans contredit*, sans crainte*, sans délai*, sans discontinuation*, sans effort*, sans entrain, sans équivalent*, sans espérance, sans espoir, sans exception, sans excès (v. ce mot B 3 b), sans exemple (v. ce mot C 1), sans fard*, sans faute (v. ce mot I B 4), sans fin (v. fin1A 4 a β), sans frein*, sans garantie, sans gêne, sans gloire (v. ce mot III C), sans hâte, sans interruption (v. ce mot A 2), sans limite, sans merci (v. ce mot I A), sans murmure (v. ce mot A 3 b), sans nom (v. ce mot II B), sans nombre (v. ce mot B 2 a β), sans partage (v. ce mot A 2), sans peine (v. ce mot C), sans peur (v. ce mot A 1 b γ), sans pitié (v. ce mot A 1), sans prix (v. ce mot II 2), sans quartier (v. quartier2), sans répit (v. ce mot B), sans réserve (v. ce mot A 2 a), sans restriction (v. ce mot I A), sans retard (v. ce mot C 1), sans réticence (v. ce mot B), sans retour, sans succès, sans trêve. Sans doute, sans doute que (v. doute D). Sans égal (v. ce mot II A), sans équivalent, sans pareil (v. ce mot II A 4), sans précédent. Sans acception de (v. acception ex. 4 et 5), sans distinction de (v. distinction ex. 4), sans préjudice de (v. préjudice B). Sans égard à, pour (v. égard A 3 c). d) Empl. subst. masc., p. plaisant. [Hulot:] − Je suis sans un liard, sans espérance, sans pain, sans pension, sans femme (...) [Josépha:] − Pauvre vieux! c'est bien des sans! (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 320). Rem. 1. Le subst. qui suit la prép. sans est gén. sans art.: mais l'art. s'emploie quand le subst. est déterminé par une épith. ou un compl. J'imaginais qu'à droite et à gauche de l'étroite bordure il y avait un précipice et que je devais avancer sans le moindre faux pas (Duhamel, Confess. min., 1920, p. 90). 2. Ce subst. est souvent au sing. parce qu'il évoque l'unité, l'abstr. ou le non comptable; le plur. est plus fréq. quand le subst. appartient au concr. Tout cela usait Félicie. Par-dessus tout, elle était sans nouvelles d'Alain (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 321). 2. [Devant un verbe à l'inf.] a) [Marque que l'on écarte une circonstance] Sans s'arrêter, sans s'interrompre, sans tergiverser; accepter sans se faire prier; agir sans penser à mal; écrire sans discontinuer; répondre sans hésiter; être deux jours sans boire et sans manger. J'étois si fâché contre votre dernière petite lettre, chère sœur, que je voulois être encore longtemps sans vous écrire, mais je n'ai pu tenir à ma grande colère (Chateaubr., Corresp. gén., t. 1, 1810, p. 354).V. acception ex. 6. − Loc. et expr. Sans compter que (v. compter I A 3 b); sans coup férir*; sans désemparer; sans mot dire (v. mot II B 2); cela va sans dire (v. dire1II C 5 b); sans mentir*. b) [Marque que l'on écarte une conséquence] Nos admirables confrères avaient besoin d'une naïveté pénétrante et surnaturelle qui s'étonnât de voir ce que tout le monde voit sans s'étonner (Valéry, Variété IV, 1938, p. 180). c) [Marque une concession] J'ai dit, sans être convaincu de ce que j'avançais, qu'à partir du jour où Delacroix avait su que son Journal serait lu par le public, il s'est mis à écrire pour le public (Green, Journal, 1937, p. 114).V. aucunement ex. 11. 3. [Devant un subst. ou un verbe à l'inf.] N'être pas sans. V. être12eSection I B 3 b β. B. − Loc. conj. Sans que + subj. Mêmes valeurs que sans + verbe à l'inf. Par pudeur de souvenir et par fierté, elle ne pouvait se résoudre à le revoir. Et Christophe ne se crut point permis de venir, sans qu'elle l'y invitât (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1504).On peut dire que si Swann épousa Odette, ce fut pour la présenter, elle et Gilberte, sans qu'il y eût personne là, au besoin sans que personne le sût jamais (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 470). − Sans que... ne (peu usuel). Pas moyen de faire une affaire avec ce juif-là, sans qu'il ne vous agrippe quelque chose (Virmaitre, Dict. arg. fin-de-s.,Suppl. 1899, p. 14). C. − [Constr. partic.] 1. Sans ou sans que, suivi d'un autre terme négatif.V. aucun I B 3; aucunement II C; jamais II A; nul I A 3 et 4; nullement C; personne2D; rien I B. 2. Sans guère de + subst.(v. guère I D).Sans plus de + subst.L'auteur (...) nous fait part sans plus de malice (...) de ses observations (Breton, Manif. Surréal., 2eManif., 1930, p. 155). 3. a) Sans... ni + subst.V. ni II D 1 et aucun ex. 35. − Loc. Sans feu ni lieu (v. ni II D 1 et feu 1ex. 10);sans foi ni loi, sans queue ni tête, sans rime ni raison, sans sou ni maille, sans tambour ni trompette (v. ni II D 1);sans peur ni reproche (v. peur A 1 b γ).Sans... ni sans (v. ni II D 1 rem.). b) Sans... et sans + subst.Sans trouble et sans courroux, s'exprimant simplement Comme elle est intrépide en son attachement! (Samson, Art théâtr., 1863-65, p. 87). 4. Non sans + subst. ou verbe à l'inf.;non sans que + subj.,non pas sans + subst.V. non II C 1. II. − Adv., pop., fam. Anton. avec.Il faut vous dire qu'en ce moment, il n'y a qu'une chose dont on s'occupe là-bas, la minéralogie. Chacun a son marteau, on ne sort pas sans (Goncourt, Journal, 1863, p. 1328). Prononc. et Orth.: [sɑ
̃]. Homon. cent, sang, formes de sentir. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Prép. 1. 2emoit. xes. sens devant un nom ou un pronom, exprime la privation, l'absence, l'exclusion (St Léger, éd. J. Linskill, 84); déb. xiies. sanz (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 235); en partic. a) 1549 non sans (Est.); b) 1910 être sans un « être démuni d'argent » (Colette, loc. cit.); 2. ca 1170 devant un inf. marque le manque, l'absence d'une manière d'être ou d'agir (Marie de France, Lais, éd. J. Rychner, Guigemar, 574). B. Loc. adv. 1. a) ca 1150 senz ceo que + ind. (Wace, St Nicolas, 261 ds T.-L.); 1562 sans que + ind. (Monluc, Lettres, 59 [IV, 161] ds Hug.); b) ca 1160 senz ce que + subj. (Eneas, 714 ds T.-L.): 1377 sans que + subj. (Gace de La Buigne, Le Roman des Deduis, éd. Å. Blomqvist, 5522); 2. a) 1538 sans cela (Est.); b) 1694 sans quoi (Ac.). C. Adv. 1821 (Desgranges, Petit dict. du peuple, p. 156 ds Goug. Lang. pop., p. 121). Du lat. sine « sans », avec s adverbial; cf. aussi l'a. prov. sen, sens, senes, l'esp. sin, ainsi que l'a. fr. senoec « sans cela », ca 1180 sanoec (Hue de Rotelande, Ipomedon, éd. A. J. Holden, 1310), du lat. sine hoc « id. ». Fréq. abs. littér.: 168 908. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 244 673, b) 223 969; xxes.: a) 234 665, b) 248 436. Bbg. Clédat (L.). Sans et sans que. R. philol. fr. 1929, t. 41, pp. 164-167. − Cristea (T.). Le Couple avec/sans en fr. contemp. B. de la Soc. roum. de ling. rom. 1970, t. 7, pp. 63-71. − Damourette (J.). Courte note sur la synt. de sans que. Fr. mod. 1938, t. 6, pp. 234-242. − Gaatone Nég. 1971, pp. 118-120. − Glättli (H.). Encore des rem. sur sans que... ne. Vox rom. 1987, n o46, pp. 87-90. − Halmøy (J.O.). Le Gérondif. Trondheim, 1982, pp. 342-350. − Moignet (G). Les Signes de l'exception dans l'hist. du fr. Genève, 1973, passim. − Morel (M.-A.). Ét. sur les moy. gramm. et lex. propres à exprimer une concession en fr. contemp. Thèse, Paris, 1980, pp. 652-657, 831-837, 851-859. − Riegel (M.). La Représentation sém. de sans que. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1977, t. 15, n o1, pp. 337-359. − Togeby (K.) Gramm. fr. t. 4: les mots inv. Copenhague 1984, pp. 252-253. |