| SANCTUAIRE, subst. masc. A. − RELIGION 1. Lieu le plus saint d'un édifice religieux. L'oëris, à ces mots, prit Thamar par la main, lui fit franchir le premier pylône, et la conduisit, à travers l'allée de colonnes et la salle hypostyle, dans la seconde cour, où s'élève le sanctuaire de granit, précédé de deux colonnes à chapiteaux de lotus; là, appelant Timopht, il lui remit Thamar (Gautier,Rom. momie, 1858, p. 301). 2. En partic. a) Synon. de Saint des saints (v. saint III).Le grand-prêtre seul pouvait entrer dans le sanctuaire (Ac.). ♦ Poids du sanctuaire. Poids de pierre dont les prêtres juifs avaient la garde et qui servaient d'étalons. Au fig., vx. Peser au poids du sanctuaire. Examiner avec la plus grande rigueur. (Ds Ac. 1798-1878). b) Sanctuaire d'une église. Dans une église, partie du chœur où se trouve le maître-autel. Étendu sur un peu de paille et de cendre, dans le sanctuaire de l'église, ses frères rangés en silence autour de lui, il les appelle à la vertu, tandis que la cloche funèbre sonne ses dernières agonies (Chateaubr.,Génie, t. 2, 1803, p. 395).Il est tout seul devant le foyer qui l'éclaire Comme l'hostie cachée au fond du sanctuaire, L'enfant-Dieu jusqu'au jour garde ses petits frères (Claudel,Corona Benignitatis, 1915, p. 436).Lampe* du sanctuaire. B. − RELIG. Lieu saint; édifice consacré à la pratique d'un culte. Les sanctuaires de la Grèce. L'Apollon, le Laocoon, l'Antinoüs et le Persée de Canova, ornent de petits sanctuaires réservés à chacun d'eux (J.-J. Ampère, Corresp., 1824, p. 257).Mais le sanctuaire de Saint-Jacques de Compostelle est presque aussi réputé, les grâces que l'on y reçoit ne sont pas de moins bon aloi − et le parcours est à peu près aussi difficile (P. Rousseau,Hist. transp., 1961, p. 67). C. − P. anal. 1. Lieu fermé, secret, séjour privilégié. En achevant ces mots, le ci-devant marchand de crin sort de la chambre en sautillant, puis il monte dans le sanctuaire conjugal, où il ôte ses bottes et tout ce qui peut le gêner (Kock,Pucelle, 1834, p. 44).Pendant plusieurs générations encore, les hommes continuent à vivre hors de la ville, en familles isolées qui se partagent la campagne. Chacune de ces familles occupe son canton, où elle a son sanctuaire domestique et où elle forme, sous l'autorité de son pater, un groupe indivisible (Fustel de Coul.,Cité antique, 1864, p. 297). − Vx. Le sanctuaire des lois, de la justice. Le palais de justice ou le parlement. Tous les membres, debout, font éclater par des cris la profonde impression que leur cause l'apparition des baïonnettes et du général qui vient militairement dans le temple de la législature: « Vous violez le sanctuaire des lois, retirez-vous!... » lui disent plusieurs députés (Fouché, 1820ds Rec. textes hist., p. 107).Et je fus au palais de justice à midi: c'est le bon moment. (...) du sanctuaire de la justice je n'admirai que la grille, qui est toute en fer, toute dorée (Janin,Âne mort, 1829, p. 40). 2. Au fig. Partie secrète, difficilement pénétrable. Quant aux personnes célèbres, je ne m'attribue pas le droit d'ouvrir le sanctuaire de leur vie intime, mais je regarde comme un devoir d'apprécier l'ensemble excellent de leur vie par rapport à la mission qu'elles remplissent, quand je suis à même de remplir ce devoir en connaissance de cause (Sand,Hist. vie, t. 4, 1855, p. 253).Par les yeux, les oreilles, par les canaux sinueux des veines, par le labyrinthe des filaments nerveux, nous nous glissons jusqu'au sanctuaire de la pensée et nous touchons, oui, nous touchons l'inconnu qui vibre au plus intime de la personne humaine (Curel,Nouv. idole, 1899, II, 3, p. 201). D. − Spécialement 1. DÉFENSE. Territoire d'importance vitale qui doit être défendu à tout prix; en partic., territoire protégé par une force de dissuasion atomique. Puisque le « sanctuaire » total n'est plus possible, il faut lui substituer autre chose, que le général Méry appelle le « sanctuaire élargi ». Il s'agit, tout en maintenant la France sous son ombrelle atomique, d'intervenir militairement, s'il le faut, sur ces franges sensibles que sont l'Europe et le bassin méditerranéen (Le Nouvel Observateur, 7 juin 1976, p. 36, col. 1). 2. ÉCOL. Lieu protégé, refuge. Les grandes réserves d'animaux sont celles qui remplissent le mieux leur rôle de sanctuaire de la faune sauvage (...). La valeur écologique d'un « sanctuaire » naturel tient à son inviolabilité (La Vie du rail, 30 juin 1974ds Gilb. 1980). Prononc. et Orth.: [sɑ
̃ktɥ
ε:ʀ]. Fér. 1768 [sɑ
̃ty:ʀ] (v. sanctifier). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1remoit. du xiies. saintüaries (Psautier Cambridge, 67, 36 ds T.-L.); 2. a) ca 1150 saintuaire « lieu le plus saint d'un temple, d'une église » (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 992); b) 1690 « partie de l'église où se trouve le maître-autel » (Fur.); 3. xiiies. selonc le pois del saintuaire (B.N. 899, f o54 ds Trenel, L'Anc. test. et la langue fr. au Moy. Âge, p. 338); 1542 peser ces motz au pois du Sanctuaire (Rabelais, Pantagrueline Prognostication, éd. M. A. Screech, p. 6, var. 57); 4. 1657-62 « lieu secret » (Pascal, Pensées, éd. Brunschvicg, Boutroux, Gazier, section XIII, p. 273); 5. 1677 sanctuaire de la justice (Flechier, Lamoigon ds Littré); 6. 1788 « séjour, lieu privilégié (en parlant d'une maison) » (Barthelemy, Anach., ch. 5, ibid.); 7. 1970 « lieu d'asile, réserve d'animaux » (Burn.); 1970 « territoire qui pendant un conflit armé se trouve soustrait aux hostilités » (L'Express, 29 juin ds Gilb. 1980). Empr. au lat.sanctuarium « cabinet d'un roi » et en b. lat. eccl. « lieu sacré, sanctuaire »; les sens 7 sont une francisation d'empl. spéc. de l'angl. sanctuary (xives.), lui-même empr. au fr. (v. Rey-Gagnon Anglic. 1980). Fréq. abs. littér.: 1 038. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 192, b) 1 603; xxes.: a) 1 526, b) 765. |