| SALER, verbe trans. A. − Mettre du sel (dans, sur quelque chose). 1. ALIMENTATION a) Assaisonner un aliment, un plat avec du sel. Saler un rôti, une sauce, une soupe. Assister à la destruction de tout ce qui faisait la distinction de ce jeune homme, − distingué entre tous, − le voir saler son poisson à la salière, prendre sa fourchette à pleines mains, manger comme un pauvre enfant, c'est trop (Goncourt, Journal, 1870, p. 556). − [P. méton.] Vieilli. Saler le pot. Mettre du sel dans le pot où cuit la viande. (Dict. xixes.). − Empl. abs. Il regardait Rosalie prendre de la farine, hacher du persil, saler, poivrer, d'un air profondément intéressé (Zola, Page amour, 1878, p. 864).Louise ne salait jamais assez; lui, il aurait vidé la salière dans un œuf à la coque (Pourrat, Gaspard, 1931, p. 140). − P. métaph. Peut-être ma crainte venait-elle des brimades dont c'était jadis l'usage de saler votre discours d'accueil (Cocteau, Poés. crit. II, 1960, p. 171). b) Imprégner un aliment de sel ou de saumure, afin de le conserver. Saler du bœuf, du porc, des harengs. Nous prîmes plus de huit cent morues. J'ordonnai de saler, et de mettre en barriques l'excédant de notre consommation (Voy. La Pérouse, t. 3, 1797, p. 23).Un cochon de lait (...) donnait du lard, que l'on salait et fumait (Van der Meersch, Empreinte dieu, 1936, p. 26). − Empl. pronom. à valeur passive. Le saladero, ainsi que son nom l'indique, est l'endroit où se salent les viandes (Verne, Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p. 193). − AGRIC. Saler le foin. Répandre du sel sur le foin au moment de le rentrer au fenil, pour mieux le conserver et le rendre plus appétissant. Si l'on n'a pas eu la précaution de saler le foin mal récolté, il faudrait au moins avoir soin, avant de le donner aux animaux, de le secouer fortement à l'air (Ch. Durand, Industr. minér. Lorr., 1893, p. 32). 2. ÉQUIP. Répandre du sel (ou un autre produit) sur les chaussées pour faire fondre la neige ou le verglas et les rendre moins glissantes. Saler les routes, les chaussées. (Dict. xxes.). 3. MÉGISS. Saupoudrer de sel les peaux dont le tannage n'est pas immédiat, afin de les conserver dans de bonnes conditions. (Ds Lar. 19e, dict. xxes.). B. − Fam. [Gén. avec un compl. désignant une partie du corps] Envoyer une décharge (de gros sel ou p. anal. de plomb) dans. Le père Coudreux se retourna vivement vers le chien, le menaça de son parapluie en disant au chasseur: − Crédié, Mosieu, je tue votre chien, s'il avance! − Si vous y touchez, mon brave homme, je vous salerai les jambes! (Balzac,
Œuvres div., t. 2, 1830, p. 237).L'angoisse du monsieur qui, pour s'être fait saler les fesses, jadis, du coup de fusil d'un chasseur maladroit, ne saurait voir une arme chargée dans les mains de son prochain (Courteline, Linottes, 1912, VI, p. 94). C. − Au fig., pop., fam. [P. réf. à l'action mordante, piquante du sel] 1. Saler qqc.Présenter une addition, une facture, une note dont le montant est excessif, exorbitant. Synon. assaisonner, corser.[P. méton.] Saler un client. Lui réclamer un prix trop élevé. Jamais, d'ailleurs, elle n'achetait aux vendeuses de sa connaissance; celles-là « salaient » trop leur monde (Zola, E. Rougon, 1876, p. 335). 2. Punir trop sévèrement par rapport à la faute commise. Se faire saler par le tribunal. J'aurais bien voulu lui donner une leçon avant que l'animal ne machinât dans sa cervelle d'homme de loi Dieu sait quelle manigance contre moi, et comme je pouvais être salé dans l'affaire, autant me payer d'avance (Cendrars, Main coupée, 1946, p. 135). Prononc. et Orth.: [sale], (il) sale [sal]. Homon. et homogr. sale, salle. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1150 « assaisonner avec du sel » (Wace, Vie S. Nicolas, 1107 ds T.-L.); b) 1150 « imprégner de sel pour conserver » (Flore et Blancheflor, éd. J.-L. Leclanche, 1436: char salee); 2. a) α) 1174-77 « malmener, battre » (Renart, éd. M. Roques, VIIb, 6494);
β) 1810 « critiquer, gronder vivement » (Geoffroy, Journ. des Débats, Lettres à Mmede Valory ds Larch. 1872, p. 220);
γ) 1885 « punir sévèrement » (Zola, Germinal, p. 1338); b) α) 1588 [éd.] saler qqc. « vendre trop cher (quelque chose) » (P. de Saint-Julien de Balleure, Mél. hist., p. 635);
β) 1819 saler qqn (Boiste);
γ) 1866 saler une note (Delvau, p. 352). Du lat. *salare (d'où le roum. săra, l'ital. salare, le cat., l'esp. et le port. salar), issu par changement de conjug. du lat. salire « saler », dér. de sal « sel »; cf. le part. passé salatus « salé », v. FEW t. 11, p. 83b; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 62. |