| SALETÉ, subst. fém. A. − 1. État de ce qui est sale, malpropre. Synon. malpropreté, saloperie (pop.); anton. netteté, propreté.La salle était d'une saleté noire, le carreau et les murs tachés de graisse, le buffet et la table poissés de crasse; et une puanteur de ménage mal tenu prenait à la gorge (Zola,Germinal, 1885, p. 1220).Quand j'allais avec maman rendre visite aux fermiers de grand-père, l'odeur du purin, la saleté des intérieurs où couraient des poules (...) me semblaient traduire la grossièreté de leurs âmes (Beauvoir,Mém. j. fille, 1958, p. 131). 2. Matière sale, souillée, tachée; ce qui salit. Synon. crasse, ordure, merde (trivial).Vivre dans la saleté; patauger dans la saleté. On ne peut (...) pas (...) s'y risquer à pied tellement est épaisse la couche de saleté qui les recouvre [les rues]; songeons à la boue, aux gravats, au crottin de cheval, aux résidus de cuisine, aux déjections des passants, qui s'y soulagent innocemment (P. Rousseau,Hist. transp., 1961, p. 147). − Au plur., p. euphém. Excréments. Elle était (...) heureuse de nettoyer ses saletés d'enfant, comme si ces soins intimes eussent été une confirmation de sa maternité (Maupass.,Contes et nouv., t. 1, Hist. fille de ferme, 1881, p. 32).Ces chats! dire qu'il y a quatre ans qu'on les a, et qu'ils font encore leurs saletés partout! (Montherl.,Célibataires, 1934, p. 739). B. − 1. Chose méprisable, contraire à la morale, à l'honneur; chose dénuée de délicatesse; action malhonnête, basse, vile, faite dans l'intention de nuire à quelqu'un. Synon. méchanceté, rosserie (fam.), vacherie (pop.), vilenie (littér.).Faire des saletés à qqn. J'en ai vu des choses, de près... J'en ai vu des gens tout nus... Et j'ai reniflé l'odeur de leur linge, de leur peau, de leur âme... Malgré les parfums, ça ne sent pas bon... Tout ce qu'un intérieur respecté, tout ce qu'une famille honnête peuvent cacher de saletés, de vices honteux, de crimes bas, sous les apparences de la vertu (Mirbeau,Journal femme ch., 1900, p. 103).Le plus joyeux souvenir que je garde de vous est celui de vous avoir vu au lendemain de la Libération (...) mendiant l'absolution de toutes les saletés que vous avez commises sous l'occupation (Aymé,Tête autres, 1952, p. 88). − En partic. Propos, acte obscène. Mais quand on les complique volontairement d'invention perverse [les histoires de coucheries] (...) ce sont des saletés (Léautaud,Théâtre M. Boissard, 1926, p. 188). 2. Chose sans valeur, sans importance, négligeable qui cause ou peut causer des désagréments; chose néfaste, mauvaise. Synon. cochonnerie (fam.), saloperie (pop.).Manger, sucer des saletés; avoir une saleté dans l'œil. Cette maison offrait un amas confus de saletés et de magnifiques choses (Balzac,Vieille fille,1836, p. 229).Je vais demander qu'on examine mon sang, oui, que l'on cherche si je n'ai pas quelque saleté dans le sang (Duhamel,Passion J. Pasquier, 1945, p. 169): Ils peuvent l'attendre longtemps, leur petit Noël noir! Ils peuvent les mettre dans la cheminée, leurs souliers! Voilà déjà que le diable se lasse d'y déposer des tas de mécaniques aussi vite démodées qu'inventées, il n'y met plus maintenant qu'un minuscule paquet de cocaïne, d'héroïne, de morphine, une saleté de poudre quelconque qui ne lui coûte pas cher. Pauvres types! Ils auront usé jusqu'au péché.
Bernanos,Journal curé camp., 1936, p. 1045. − En interj., fam. [À propos d'une chose] Saleté de machine! Saleté de temps! Voilà trente-cinq ans qu'il m'empoisonne avec sa saleté de cuisine (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Alexandre, 1889, p. 758). − P. antiphr. Vraiment, vous ne vous laissez pas tenter? ajoutait MmeSwann et tout en tendant une assiette de gâteaux: vous savez que ce n'est pas mauvais du tout, ces petites saletés-là. Ça ne paye pas de mine, mais goûtez-en, vous m'en direz des nouvelles (Proust,J. filles en fleurs, 1918, p. 604). 3. Fam. Personne méprisable, antipathique, qui est source d'ennuis ou dont la conduite est immorale. Synon. ordure; (pop.) salaud, salope.Cette fille-là est une saleté! C'est elle qui a débauché notre petit Lucien! Jamais le pauvre enfant n'aurait pensé au mal, si une créature de cabaret ne l'avait pas entraîné! (Aymé,Nain, 1934, p. 85). − En interj. Saleté de gosse! Saleté, va! Ah! la saleté d'homme! cria-t-elle (Zola,Assommoir,1877, p. 693).Eh! dis donc, saleté! crie l'ouvrier. Pourquoi on l'a porté au pouvoir ton patron? Pour qu'il enfile des perles? (Sartre,Engrenage, 1948, p. 27). Prononc. et Orth.: [salte]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1563 « caractère de ce qui est sale » (Palissy, Recepte veritable, éd. A. France, p. 31: les saletez et ordures des linges); 2. 1563 « ce qui est sale, mal tenu » (Id., ibid., p. 51); 3. 1571 « parole, acte qui porte atteinte à la pudeur, à l'honneur » (Guevare, Livre du Mont de Calvaire, Paris, G. Mallot, p. 335). Dér. de sale*; suff. -té*. Fréq. abs. littér.: 657. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 234, b) 904; xxes.: a) 1 901, b) 965. Bbg. Quem. DDL t. 10. − Vaganay (H.). Pour l'hist. du fr. mod. Rom. Forsch. 1913, t. 32, p. 158. |