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SABORDER, verbe trans.
A. − MAR. Couler volontairement un navire. Le cargo Poitiers, venant de Dakar et filant vers Libreville, ayant été arraisonné par les Anglais, fut sabordé par son commandant (De Gaulle,Mém. guerre, 1954, p. 102).Empl. pronom. réfl. La majeure partie de notre flotte stationnée dans le port de Toulon se sabordait (...) en novembre 1942 plutôt que de se rendre aux Allemands (Procès Pétain, t. 2, 1945, p. 1120).
P. métaph. Si le ministre anglais n'avait pas sabordé le Ministère grec, les brigands n'auraient tué personne (Mérimée,Lettres Mmede Beaulaincourt, 1870, p. 169).
B. − Au fig.
1. Mettre fin volontairement à l'activité d'une entreprise. Saborder son entreprise. Empl. pronom. réfl. Les journaux de province (...) du moins ceux qui ne s'étaient pas sabordés en 1940 (...) poursuivaient leur publication avec difficulté (Coston,A.B.C. journ., 1952, p. 59).
P. ext. Ruiner. Si ce pauvre Charlot n'avait pas prématurément péri (...), il aurait sans doute achevé de la saborder [la fabrique]: il était comme son père entreprenant à l'excès (Beauvoir,Mém. j. fille, 1958, p. 197).
2. Fam. ou arg.
Saborder qqn.Détruire quelqu'un psychologiquement, ruiner sa confiance en lui. [Le vieux marin:] Mais quelle idée, aussi, cette Parisienne de malheur (...) d'aller saborder [= gâter de ses amours vicieuses] un mousse comme Marie-Pierre, un morveux! (Richepin,Glu, 1883, p. 18).« Une gosse »... Je la détestais pour ce mot. Il m'humiliait. Il y a deux jours (...) quelqu'un m'avait vue autrement. Il avait essayé de me donner de la force. Elle, elle me sabordait (J. Boissard,L'Esprit de famille, t. 5, Cécile, la Poison, Paris, Le Livre de poche, 1990 [1984], p. 220).
Être (tout) sabordé par qqc.Être (tout) retourné, bouleversé par quelque chose. [Le vieux marin:] Ah! je suis tout sabordé par ces histoires-là (...), moi (Richepin,Glu, 1883, p. 26).
Prononc. et Orth.: [sabɔ ʀde], (il) saborde [-bɔ ʀd]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1. Mar. a) 1831 trans. (Will.); b) 1945 pronom. (Procès Pétain, loc. cit.); 2. a) 1946 saborder son journal (Abellio, Pacifiques, p. 280); b) 1958 « ruiner » (Beauvoir, loc. cit.). Dér. de sabord*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 17.
DÉR.
Sabordage, subst. masc.Action de saborder ou de se saborder. a) [Corresp. à supra A] Au lendemain de cette destruction [à Toulon], qui privait la France d'un admirable instrument de combat le maréchal Pétain, loin de regretter que la flotte ne s'y soit pas soustraite en gagnant le large, félicitait l'amiral de Laborde d'être resté sourd à l'appel de la dissidence. Plutôt le sabordage que de se joindre aux forces françaises libres ou à nos alliés (Procès Pétain, t. 1, 1945, p. 28).b) Au fig. [Corresp. à supra B] Pourquoi le nierais-je? Ce sabordage de l'Express quotidien nous a surpris. Nous l'avons ressenti comme un coup (Mauriac,Bloc-Notes, 1958, p. 216).[sabɔ ʀda:ʒ]. 1reattest. 1894 (Sachs-Villatte ds Quem. DDL t. 5); de saborder, suff. -age*.