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SABLE1, subst. masc. et adj.
I. − Subst. masc.
A. −
1. Roche sédimentaire meuble, constituée de petits fragments provenant de la désagrégation de roches de nature diverse (notamment silice). Synon. littér. arène.L'argent file entre mes doigts comme du sable, c'est effrayant (Bernanos,Journal curé camp., 1936, p. 1035):
La moitié du temps, il est échoué sur le sable, et cela le fatigue. C'est que c'est une bonne embarcation, voyez-vous, et qui s'est admirablement comportée pendant ce coup de vent qui nous a assaillis si violemment au retour. Verne,Île myst., 1874, p. 360.
Sables siliceux. Pour séparer les sables siliceux des sables calcaires, on arrose d'acide un poids déterminé du premier dépôt jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'effervescence (A. Pérès,Pierres et roches, 1896, p. 54).
Sable gras. La lourdeur du sable gras double le poids de la pioche massive (Pesquidoux,Livre raison, 1928, p. 101).
Bain de sable. ,,Sable qu'on interpose entre un foyer et un récipient qu'on ne veut pas chauffer à nu`` (Duval 1959). Pour préparer le baume de soufre simple, on met 8 onces d'huile de lin dans un grand vase de terre au bain de sable (Kapeler, Caventou,Manuel pharm. et drog., t. 1, 1821, p. 115).
Mur de sable. ,,Masse de sable soulevée par le vent et qui progresse à l'avant des fronts froids très actifs sur les déserts`` (Lar. 20e).
Mer de sable. Ensemble de dunes. Le conducteur de peuples d'autrefois (...) eut pitié, immensément, de sa mort. Non de sa mort individuelle, mais pitié de l'espèce qu'effacera la mer de sable (Saint-Exup.,Vol nuit, 1931, p. 121).La première de ces deux-là, Adra-Motril, longe, après Almeria, une côte monotone, faite du même contrefort dénudé plongeant cent fois dans une mer de sable gris (T'Serstevens,Itinér. esp., 1963, p. 91).
Tempête, vent de sable. Vent violent s'élevant brusquement et transportant du sable. Je ramenais avec moi l'odeur âcre des solitudes, le tourbillon des vents de sable, les lunes éclatantes des tropiques! (Saint-Exup.,Terre hommes, 1939, p. 179).Tu ne connais pas le désert, quand il y monte une tempête de sable... Les yeux cuisent, le sang vous aveugle, on n'y voit plus clair (Gracq,Syrtes, 1951, p. 296).
CONSTR. Substance pulvérulente utilisée dans la confection de mortiers. Les mortiers de sable grenu sont plus difficiles à appliquer mais ils sont beaucoup plus résistants et plus étanches (Bourde,Trav. publ., 1928, p. 176).
PSYCHOL. Jeu de sable. Jeu qui se pratique dans un bac rempli de sable (ou d'eau) et qui permet au sujet d'objectiver les conflits de l'inconscient et de rechercher des solutions (d'apr. Virel Psych. 1977).
Au fig.
Grain de sable. Un rien. Je m'estime moins qu'un de ces grains de sable, Car ce sable roulé par les flots inconstants, S'il a moins d'étendue, hélas! a plus de temps (Lamart.,Harm., 1830, p. 350).
Statue de sable. Personne inconsistante. Il s'éboula ainsi qu'une statue de sable (Genevoix,Raboliot, 1925, p. 273).
Loc. verb.
TECHNOL. Jeter en sable. ,,Couler la matière en fusion dans un moule de sable`` (Lar. Lang. fr.).
P. anal. ou au fig.
Bâtir sur le sable. Fonder un projet, une entreprise sur quelque chose de peu solide. Anton. bâtir sur le roc (v. roc1).C'était un vrai quine à la loterie; la tête me tournait d'une telle circonstance; mais je bâtissais sur le sable, et je devais expier cruellement ces premiers instants d'illusion (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 619).
Pop., fam. (Être) sur le sable. (Être) sans argent et sans travail. J'y avais [au journal] pourtant connu des gens influents (...). L'un d'eux, alors que je me retrouvais sur le sable, me reçut fort aimablement (Vialar,Carambouille, 1949, p. 274).
Pop. Jeter en sable. Avaler d'un trait. (Ds Hautel 1808, Esn. 1966). Jeter en sable un verre de vin (France1907).
Avoir du sable dans les yeux. Avoir les yeux qui piquent, quand on a sommeil; avoir envie de dormir. Le sommeil commençait à jeter du sable sous les paupières des voyageurs (Gautier,Fracasse, 1863, p. 84).Fam. [Pour signifier qu'un enfant a sommeil] Le marchand de sable est passé (Rob.).
Se perdre dans le sable/les sables. Ne pas avoir d'issue, demeurer sans suite. Impossible de le savoir... Toute enquête, ici se perd dans le sable (Malraux,Espoir, 1937, p. 539).
SYNT. Sable argileux, aurifère, boulant, calcarifère, fin, grossier, micacé, marin, rouge, stanifère; sable blanc, gris; sables asphaltiques, bitumeux, noirs, verts; sable de carrière, de mer, de moulage, de rivière, de verrerie; banc, carrière, château, désert, dune, grève, fond, jet, langue, plage, poignée, tas de sable.
2. P. anal., MÉD. Concrétion qui se forme dans un organe cavitaire (notamment dans l'appareil urinaire) sous forme de petits grains innombrables (d'apr. Villemin 1975). Synon. calcul2, gravelle, lithiase, pierre.Le fameux grain de sable qui s'était mis dans l'uretère de Cromwell en serait aujourd'hui promptement évacué (Valéry,Variété V, 1944, p. 45).
B. − Au plur.
1. Vaste étendue désertique. Les glaces de l'Islande et les sables embrasés de l'Afrique ne manquent point d'habitans (Chateaubr.,Génie, t. 1, 1803, p. 221).Si tu savais comme ces ombrages sont peu de chose! Qu'ils semblent bien perdus parmi les sables, les granits, les forêts vierges, les marais de la terre (Saint-Exup.,Terre hommes, 1939, p. 179).
2. Vin de sable(s). Cru blanc et rouge du sud de la France. L'autre [bouteille], un vin de sable trop chaleureux, couleur d'ambre, convient à la salade (Colette,Naiss. jour, 1928, p. 6).
3. Sables mouvants. Sables humides, peu consistants, dans lesquels on s'enfonce; au Sahara, sables secs que les vents déplacent (d'apr. Lar. encyclop.). Il se sentait épuisé, et même vaguement effrayé et vaguement humilié, comme si on venait de l'arracher, après des heures de lutte, à des sables mouvants (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 238).
P. métaph. Au matin j'ai peine à « sortir des sables »; sables mouvants. Je me sens au bas d'une pente qu'il n'est nullement certain que je remonte (Gide,Journal, 1949, p. 339).
P. anal. Fantasia de cavaliers et de dromadaires. Spectacle médiocre. Le sol est du sable mouvant, l'espace manque, les chevaux galopent mal (Fromentin,Voy. Égypte, 1869, p. 126).
II. − Adj. inv. De couleur beige clair, comme le sable. Saharienne coton mercerisé lavable. Blanc, sable, kaki ou châtaigne (Catal. Madelios,été 1951,p. de couv.).
Prononc. et Orth.: [sɑ:bl̥], [sabl̥]. Littré [a]; Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930, Warn. 1968, Lar. Lang. fr. [ɑ]; Martinet-Walter 1973 [ɑ], [a] (12, 5). Mart. Comment prononce 1913, p. 30 ,,l'a est encore un peu fermé et assez long``, v. aussi Fouché Prononc. 1959, p. 57. Homon. sable2. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. A. Ca 1150 « substance pulvérulente due à la désagrégation de certaines roches » fig. semer ses paroles en sable « les prodiguer en pure perte » (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 7582). B. Id. « étendue de sable » fém. (ibid., 8195); ca 1200 (Chans. de Guillaume, éd. J. Wathelet-Willem, 228). II. A. 1. 1482 soble (A. Montbéliard ds Gdf. Compl.); 1483 fém. la sable (A. Nevers, ibid.); 1530 sable masc. (Palsgr., p. 265a); a) 1552 horologe de sable « sablier » (Rabelais, Quart livre, XXXI, éd. R. Marichal, p. 146, 48); 1578-1583 p. abrév. sable (A. d'Aubigné, Printems, Odes, XLI ds Œuvres, éd. E. Réaume et Fr. de Caussade, t. 3, p. 203); b) 1636 jeter an sable « faire couler le métal en fusion dans un moule, un chassis de bois ou de fer rempli de sable » (Monet, p. 463b); 1684 id. fig. « avaler tout d'un coup et sans perdre haleine » (La Fontaine, Ragotin, II, 7); 2. fig. a) ca 1618 bâtir sur le sable (Racan, Stances sur la Retraite, 8 ds Œuvres, éd. L. Arnould, t. 1, p. 177); b) 1690 [en parlant d'une pers. qui s'endort] le petit homme luy a jetté du sable dans les yeux (Fur.); c) 1827 être sur le sable « être à court d'argent » (Ragot, Vice puni ou Cartouche ds Sain. Sources Arg. t. 1, p. 336). B. 1503 plur. « vaste étendue, désert de sable » se sauver sur les sables (Jean d'Auton, Chron., éd. R. de Maulde la Clavière, t. 3, p. 237); 1628 sables mouvants (A. d'Aubigné, Tragiques, V, Les Fers, éd. A. Garnier et J. Plattard, t. 3, p. 219). C. 1588 « calcul urinaire » (Montaigne, Essais, III, 13, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, p. 1087: luy avoit cuit le sable dans les roignons). L'a. fr. sable [I], faiblement att. (en a. et m. fr. on trouve surtout sablon* et areine/arène*), est (de même que l'ital. sabbia, le port. saibro, le galicien jebra, REW 7486) issu du lat. sabulum « sable »; spéc. « gros sable, gravier », forme syncopée sablum (fin vies., Venance Fortunat; gl.). Étant donné le hiatus chronol. entre I et II, ce dernier est prob. un dér. régr. de sablon* (cf. aussi l'a. fr.-prov. a. fribourgeois sablon 1470-90, Comptes [de Fribourg] d'apr. J. Girardin ds Z. rom. Philol. t. 24, 1900, p. 232 et l'a. prov. sablon dep. le xiies., Peire Rogier, Belh Monruelh, 11 ds Œuvres, éd. C. Appel, p. 92); sable fém. s'explique, dans cette hyp., non par un plur. sabula, mais p. anal. avec des groupes tels que glace-glaçon; FEW t. 11, p. 17b. Fréq. abs. littér.: 4 745. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 6 612, b) 8 764; xxes.: a) 5 718, b) 6 402.
DÉR.
Sablerie, subst. fém.Partie d'une fonderie où l'on prépare les sables de moulage. (Ds Jossier 1881, Lar. Lang. fr.). [sablə ʀi], [sɑ-]. Ds Martinet-Walter 1973, proportion de réponses [a], [ɑ] 5, 12, comme pour sable. Le timbre exact du segment noté conventionnellement [ɑ] est donné par Martinet-Walter 1973 comme étant le plus souvent [œ], [-blœ ʀi]. 1reattest. 1870 (Littré); de sable1, suff. -erie*.
BBG.Quem. DDL t. 16.