| * Dans l'article "RÔDER,, verbe" RÔDER, verbe A. − Empl. trans., vx. Parcourir un lieu, une région en errant. [Germinie Lacerteux] va le soir, dans l'ombre des murs; elle rôde les barrières, elle est toute impureté et scandale (Zola,Mes haines,1866, p. 63). B. − Empl. intrans. 1. Péjoratif a) Errer, aller et venir dans un lieu avec une intention hostile ou suspecte. Voleur qui rôde. Il fut reconnu possesseur d'une somme de soixante francs dont il ne put justifier la provenance; ses vêtements portaient des traces de sang. Deux témoins l'avaient vu rôder autour de la ferme dans la nuit du crime (A. France,Orme,1897, p. 193).Boris repéra du coin de l'œil un monsieur à moustache rouge qui rôdait souvent dans les parages et qu'il soupçonnait d'être un poulet (Sartre,Âge de raison,1945, p. 147). b)
α) Aller et venir dans un lieu ou tourner autour de quelqu'un dans un but intéressé. Un petit mendiant, dont on dit qu'il fait la bête mais qu'au fond il est finaud, vient rôder autour de nous (Renard,Journal,1894, p. 242). − [P. méton. du suj.] [Bonnaire] évoqua l'étroite, la noire rue de Brias (...). Le travail blême et rageur y traînait sa fatigue, la faim et la prostitution y rôdaient le soir, les ménagères pauvres y allaient de boutique en boutique, soucieuses, en quête de petits crédits (Zola,Travail, t. 2, 1901, p. 265).
β) En partic. Chercher à séduire par des moyens détournés. Beaucoup d'hommes et de jeunes gens rôdaient maintenant autour de moi. Les mœurs d'après-guerre étaient assez libres. J'étais seule (Maurois,Climats,1928, p. 161). 2. a) Errer, aller ça et là, flâner, se promener sans but, au hasard. Synon. fam. déambuler.Rôder comme une âme en peine, rôder dans les bois. Ses enfants rôdent ça et là dans la maison qui est sale, et où règne une odeur d'oignon. Sa femme a l'air de sa servante (Delécluze,Journal,1825, p. 271).Malgré l'heure, malgré ma fatigue, je rôdai par les rues et ne me décidai pas à rentrer, tant il me semblait porter en moi quelque chose d'inassouvi (Lacretelle,Am. nupt.,1929, p. 138). − En partic. [Le suj. désigne une expression du visage] Passer fugitivement. On voit rôder sur ces visages une finesse native qui dépasse l'intelligence, une noblesse ailée qui n'a pas besoin de morale, une grâce vivante supérieure à la beauté (Faure,Hist. art,1921, p. 113).Une espèce de sourire rôda sur son visage; il saisit la gamine par ses bras frêles, durs pourtant, bruns de crasse et de hâle sous les loques qui les laissaient demi-nus (Genevoix,Raboliot,1925, p. 93). b) P. anal.
α) [Le suj. désigne un animal] Vagabonder, divaguer, errer en quête de nourriture. Le dromadaire avait sans doute aperçu quelque panthère qui rôdait le long des rochers, et dans sa frayeur avait pris sa course la plus allongée (Du Camp,Nil,1854, p. 277).Par contre, en Palestine et en Anatolie, on laisse les chiens « parias » rôder à l'état demi-sauvage, se nourrir de charognes et faire office de vidangeurs publics (Lowie,Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p. 54).
β) [Le suj. désigne une chose] Flotter, circuler dans un espace. D'autres [jardins] pleins de fleurs et d'abeilles, où des parfums rôdaient, si forts qu'ils eussent tenu lieu de mangeaille et nous grisaient autant que des liqueurs (Gide,Nourr. terr.,1897, p. 235).Le bruit opiniâtre des avions rôdait dans la salle, coupé par la rafale d'une mitrailleuse républicaine (Malraux,Espoir,1937, p. 720). c) MAR., vieilli. [Le suj. désigne une embarcation] Faire des embardées autour de son ancre. De terribles rafales soufflent de l'ouest et de l'ouest-sud-ouest. Les vents blancs enveloppent la corvette, qui rôde vivement sur son ancre (Gaimard,Voy. Islande,1852, p. 34). d) PÊCHE. Pêche à rôder. ,,Pêche qui s'effectue en déambulant le long des rives (...) ou simplement en changeant la ligne d'emplacement si cet acte est à dessein répété constamment`` (Pollet 1970). 3. P. anal. Être disposé au hasard, être placé dans un endroit incongru. Synon. fam. traîner.S'étalaient sur les rayons d'une mignarde étagère en bois de rose, ornée de fleurs et d'oiseaux fabuleux en émail, force coupes et force bassins ciselés autour desquels rôdaient une kyrielle de petites boîtes en or, en argent (Cladel,Ompdrailles,1879, p. 372).Je joue avec une paire de vieux éperons qui rôdent sur la table (Vallès,J. Vingtras, Enf., 1879, p. 145). 4. Au fig. Se manifester de manière plus ou moins fugitive, obsédante et quelquefois désespérante ou morbide. Synon. planer.L'idée de mariage rôde sans cesse dans toutes les maisons à grandes filles et prend toutes les formes, tous les déguisements, tous les moyens (Maupass.,Contes et nouv., t. 2, MllePerle, 1886, p. 629).Un ennui plein de menaces rendait opaque notre vie: la peur et le désespoir rôdaient dans mon âme désolée (Daniel-Rops,Mort,1934, p. 232). Prononc. et Orth.: [ʀode], (il) rôde [ʀo:d]. Ac. 1694-1740: roder; dep. 1762: rôder. Étymol. et Hist. 1. 1418 verbe trans. rodder un endroit « errer dans, parcourir à l'aventure » (Caumont, Voy. d'oultremer en Jherusalem, 121 ds Delb. Notes mss); 1539 rôder le pays (Est.); 1588 roder les yeux « promener, diriger çà et là » (Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, p. 1045); 2. 1530 verbe intrans. rauder « aller çà et là, sans but précis » (Palsgr., p. 570); 3. 1668 « tourner autour d'un endroit, ou de personnes avec des intentions suspectes » (Molière, G. Dandin, II, 4); 4. 1831 mar. rôder sur son ancre (Will.). Empr. à l'a. prov.rodar « vagabonder, tourner çà et là » (ca 1300 ds Levy Prov.), du lat. rotare « mouvoir circulairement, faire tourner », « faire rouler », fig. « se mouvoir en rond, tourner ». Fréq. abs. littér.: 1 079. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 766, b) 2 175; xxes.: a) 2 359, b) 1 347. DÉR. 1. Rôdailler, verbe intrans.,fam. Rôder ça et là, traîner, tourner autour de. Je n'ai pas envie d'une chambre dans l'appartement d'une vieille dame, ou chez des gens que je sentirais grouiller, rôdailler, papoter, toussailler, au delà d'une porte qui ajuste mal, ou de deux battants à vitres dépolies (Romains,Hommes bonne vol.,1939, p. 25).− [ʀodɑje], [-a-], (il) rodaille [-ɑ:j], [-aj]. − 1reattest. 1839 (Barb. d'Aurev., Memor. 2, p. 323); de roder, suff. -ailler*. 2. Rôde, subst. fém.,fam. Fait de rôder, de flâner ça et là. Çà et là des chiffonniers, accroupis sur la chaussée vide, crochetaient les ordures en agitant leur lanterne. On avait l'impression d'un Paris livré aux seules rôdes solitaires et mornes (Estaunié,Ascension M. Baslèvre,1919, p. 154).− [ʀo:d]. − 1resattest. 1440 tenir en raude « laisser rôder, en parlant des animaux qui cherchent leur nourriture en vaguant dans la campagne » (Ctes Et. N., vol. 190 ds Pierreh. 1926), 1913 la rôde (Estaunié, Choses voient, p. 166); déverbal de rôder. 3. Rôderie, subst. fém.,rare. Flânerie, fait de se promener sans but, de rôder. Entre elle et l'ancien amant, quelque lien subsistait, offensant, déshonorant. Ainsi s'expliquaient les rôderies autour du parc, la rencontre à Corbeil (A. Daudet, Pte paroisse,1895, p. 271).− [ʀodʀi]. − 1reattest. 1864 (Barb. d'Aurev., Memor. pour l'A... B..., p. 421); de rôder, suff. -erie*. BBG. − Quem. DDL t. 12 (s.v. rôdailler). |