| RÉTROGRADE, adj. A. − 1. [Postposé à un subst. désignant un déplacement en avant] Qui se fait en arrière, en sens inverse. [Jomini, grâce aux archives] a contemplé à l'envers la marche rétrograde de nos armées, après avoir servi à les guider en avant (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 371).Par bonds vifs, saccadés, successifs, rétrogrades suivis de lents retours, il aperçoit d'un endroit à l'autre de l'étendue de sa vision remuer d'une façon particulière une sorte de petits signes, assez peu marqués, translucides, à formes de bâtonnets, de virgules, peut-être d'autres signes de ponctuation (Ponge, Parti pris, 1942, p. 69). − BILLARD. Effet rétrograde. Effet donné à la bille pour qu'elle revienne en arrière après avoir heurté la bille visée. V. effet1A 1 b β ex. de Verne.Rare, empl. subst. masc. Coup à effet rétrograde. Et « monsieur » est au café! Il fait le beau autour du billard. Il joue un coup difficile, la queue derrière le dos, « en officier ». Et des massés! Et des rétrogrades! Et des quatre-bandes! (Coppée, Contes rap., 1889, p. 245). Rem. Le terme usuel est rétro (v. rétro2). − RHÉT., VERSIF. Phrase, vers rétrograde. Phrase, vers dans lesquels on trouve les mêmes mots en lisant à rebours, comme par exemple Roma tibi subito motibus ibit amor. Synon. palindrome. (Dict. xixeet xxes.). 2. ASTRON., TRIGONOMÉTRIE. En sens inverse du sens direct. Aux yeux de l'observateur terrestre, la rotation de la terre se traduit par le mouvement diurne dont semblent animés tous les corps célestes. Ce mouvement étant rétrograde (de l'Est vers l'Ouest), la rotation de la Terre est donc de sens direct (de l'Ouest vers l'Est), comme sa translation autour du soleil (Géophys., 1971, p. 53 [Encyclop. de la Pléiade]). − Mouvement rétrograde des planètes. Mouvement apparent des planètes qui, pour l'observateur terrestre, à certaines époques, se déplacent en sens contraire de la succession des signes du Zodiaque. (Dict. xixeet xxes.). B. − 1. Rare. Qui remonte (en pensée) le cours du temps, dans le passé. Synon. rétrospectif.Ce petit monde obéissait, sans le savoir peut-être, à la grande loi qui régit la haute société, dont la morale implacable se développa tout entière aux yeux de Raphaël. Un regard rétrograde lui en montra le type complet en Foedora (Balzac, Peau chagr., 1831, p. 264). − MÉD. Amnésie rétrograde. Amnésie ,,qui concerne les faits antérieurs à la cause qui a provoqué cette amnésie`` (Man.-Man. Méd. 1980). 2. Qui cherche à restaurer ou qui reste attaché à l'ordre politique et aux valeurs d'une période historique révolue. Synon. réactionnaire, passéiste; anton. progressif (vieilli), progressiste.Être regardé comme un esprit rétrograde. Contre les prétentions rétrogrades de l'aristocratie, les rois et les peuples se donnent la main (Mussetds Le Temps, 1831, p. 106).Je raisonne ici, je le sais, en homme dont la vue bornée n'embrasse pas le vaste horizon humanitaire, en homme rétrograde, attaché à une morale qui fait rire (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 552). ♦ P. ext. [En parlant d'opinions intellectuelles] Il pouvait être bon, du temps de Celse, de soutenir l'empirisme, parce qu'on n'avait pas assez de faits et qu'il faut que le rationalisme ne vienne qu'après l'empirisme. Mais, aujourd'hui, soutenir l'empirisme, c'est être rétrograde (Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p. 72). − Empl. subst. Personne rétrograde. En somme, tout cela est assez indifférent, et l'humanité fera son chemin sans les libéraux et malgré les rétrogrades (Renan, Avenir sc., 1890, p. 362): ...l'insurrection de Paris est, à mes yeux, une chose très claire et presque toute simple. Quels rétrogrades! Quels sauvages! Comme ils ressemblent aux gens de la Ligue et aux Maillotins! Pauvre France, qui ne se dégagera jamais du moyen âge! qui se traîne encore sur l'idée gothique de la commune, qui n'est autre que le municipe romain!
Flaub., Corresp., 1871, p. 224. Prononc. et Orth.: [ʀetʀ
ɔgʀad]. Ac. 1694, 1718: re-; dep. 1740: ré-. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1370 rime ... retrograde (Guillaume de Machaut, Prologue ds Poés. lyriques, éd. V. Chichmaref, t. 1, p. 12); b) av. 1615 vers retrogrades « qui présentent les mêmes mots quand on les lit à rebours » (Pasquier, Recherches de la France, p. 646); 2. 1370-72 ordre retrograde « qui va en arrière » (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, p. 108); 3. 1372 astron. « qui va ou paraît aller contre l'ordre des signes » (D. Foulechat, Trad. du Policraticus de J. de Salisbury, II, 19, 20 ds R. Ling. rom. t. 33, p. 323); 4. 1791-92 adj. « qui est opposé au progrès, à toute évolution » (G. de Mirabeau, Collection, t. V, p. 307 ds Littré); 1831 subst. (Stendhal, Corresp., t. 3, p. 17); 5. 1875 billard effet rétrograde (Lar. 19e); 1889 id. subst. masc. (Coppée, loc. cit.). Empr. au lat.retrogradus « rétrograde ». Fréq. abs. littér.: 151. Bbg. Vardar Soc. pol. 1973 [1970], p. 302. |