| RÉPUBLIQUE, subst. fém. I. A. − Vieilli. Chose publique, organisation politique de la société, État. (Dict. xixeet xxes.). ♦ La République. Dialogues de Platon sur la meilleure forme de gouvernement. Je voudrais qu'on lise la République de Platon (...) pour apprendre l'art de se gouverner soi-même, et d'établir la justice à l'intérieur de soi (Alain,Propos, 1910, p. 71).De la République. Traité sur l'idéal politique, de Cicéron. [Ils] l'auraient traduit en beau style académique, dans le goût de la Préface de la République de Cicéron, par M. Villemain (Stendhal,Racine et Shakspeare, t. 1, 1825, p. 78). B. − Vieilli, littér. Société humaine; ensemble de personnes ayant entre elles quelque chose en commun. [Les soldats] se cantonnaient dans une ville; cela faisait une république de brigands (Taine,Philos. art, t. 2, 1865, p. 48).Une étrange république de locataires où chacun paraît à la fois subir et imposer la loi (Sartre,Sit. I, 1947, p. 122). ♦ République chrétienne. État chrétien; ensemble d'États chrétiens. Dans la mesure où elle avait existé, où elle avait pu survivre à tant de guerres entre les nations d'Europe, la conception de la république chrétienne était abolie (Bainville,Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 151). − Au fig. Communauté d'esprit. Quelles que soient nos divergences dans les républiques intellectuelles, quelles que soient entre nous nos contrariétés mêmes, il est évident qu'en face d'un certain grand public (...) nous sommes tous solidaires, nous sommes tous du même métier (Péguy,Argent, 1913, p. 1185): 1. Les nobles études appelant tous à tout, élevant le niveau commun, confondant les classes, faisant vivre du même pain intellectuel tous ceux qui vivent du même pain du jour, et réalisant dans le domaine de la pensée cette république des intelligences où les droits ne sont que des dons de Dieu, où les fonctions ne sont que des services, où la dictature n'est que du génie...
Lamart.,Corresp., 1836, p. 213. ♦ République des arts, des lettres. Ensemble des artistes, des gens de lettres. Pendant la première partie du repas, on s'occupa des nouvelles de la république des arts: une vente de tableaux, une pièce nouvelle, l'annonce d'un concert (Jouy,Hermite, t. 4, 1813, p. 218).Je ne crois pas qu'il puisse y avoir par ma faute, dans la république des lettres, un Balzac inconnu, un Daudet méconnu, un Ferdinand Fabre inédit, ou une George Sand oubliée (Gide,Journal, 1905, p. 179). C. − Colonie animale. Les tribus d'insectes sociables qui travaillent avec le secours et la protection d'une république nombreuse (Michelet,Insecte, 1857, p. 46).Nos ruches, où l'individu est entièrement absorbé par la république, et où la république à son tour est régulièrement sacrifiée à la cité abstraite et immortelle de l'avenir (Maeterl.,Vie abeilles, 1901, p. 22). II. A. − [P. oppos. à monarchie, empire] Organisation politique d'un État où le pouvoir est non héréditaire, partagé et exercé par les représentants (généralement élus) d'une partie ou de la totalité de la population. Dans le combat à mort que se livrent, au milieu de nous, la république et la monarchie, (...) qui pourra gémir du triomphe de la République (...)? (Desmoulinsds Vx Cordelier, 1793-94, p. 70): 2. La religion de la raison établit tout naturellement la république des lois. La volonté générale s'exprime en lois codifiées par ses représentants. « Le peuple fait la révolution, le législateur fait la république. »
Camus,Homme rév., 1951, p. 155. − En empl. adj. attribut. La France est République: la République française n'a pas besoin d'être reconnue pour exister. Elle est de droit naturel, elle est de droit national. Elle est la volonté d'un grand peuple qui ne demande son titre qu'à lui-même (Lamart.,Trois mois au pouvoir, Paris, M. Lévy, 1848, p. 69). 1. HISTOIRE a) Organisation politique des cités grecques et de Rome durant l'Antiquité; l'État ainsi organisé. La chute des républiques grecques entraîna celle des sciences politiques (Condorcet,Esq. tabl. hist., 1794, p. 74).Retrouver exactement ce qu'un Romain de la République mettait derrière les mots « patriciens » ou « consul » (Marrou,Connaiss. hist., 1954, p. 158). b) Organisation politique de certaines cités d'Italie et des Pays-Bas durant le Moyen Âge; l'État ainsi organisé. Les querelles qui agitaient les républiques italiennes se sont éteintes, avec les républiques elles-mêmes (Ozanam,Philos. Dante, 1838, p. 282).Les vieilles cités des Pays-Bas étaient des républiques, et se sont maintenues telles, en dépit de leurs suzerains féodaux, pendant tout le moyen âge (Taine,Philos. art, t. 1, 1865, p. 233). 2. En partic. a) République fédérale, fédérative. République composée de plusieurs États. République fédérale d'Allemagne (R.F.A.). Il est si attaché à soutenir qu'une république ne saurait gouverner une grande étendue de pays, sans le secours de la fédération, qu'il cite la république romaine comme une république fédérative (Destutt de Tr.,Comment. sur Espr. des lois, 1807, p. 124). b) République (démocratique) populaire, république socialiste. Organisation politique d'un pays se référant au marxisme, où l'État a la propriété des moyens de production essentiels; l'État ainsi organisé. République démocratique allemande (R.D.A.). Staline (...) obtenait (...) qu'on arrachât à Chiang-Kaï-Shek la Mongolie extérieure. Celle-ci deviendrait une « république populaire » (De Gaulle,Mém. guerre, 1959, p. 203). B. − P. méton. 1. Lieu, pays organisé en république. République italienne, centre-africaine. La République française. Territoire régi par les institutions de la République française. Cette lutte qui existe dans toute la république, entre les prêtres et nos institutions nouvelles (Dupuis,Orig. cultes, 1796, p. 469).[La Convention] décrète la création, à Paris, d'une école normale « où seraient appelés, de toutes les parties de la République, des citoyens déjà instruits dans les sciences utiles (...) » (Encyclop. éduc., 1960, p. 18). ♦ La République des Soviets. L'Union soviétique. Tout État social, même prolétarien, crée une société. Nous ignorons celle qui s'édifie présentement dans la République des Soviets (Mauriac,Journal 2, 1937, p. 151). 2. [Allégorie de la république, représentée par une femme.] Sous le buste de la République, le Maire va et vient dans son cabinet (Martin du G.,Vieille Fr., 1933, p. 1063). C. − HIST., POL. 1. En France, régime particulier de cette organisation qui fixe les modalités de l'exercice du pouvoir; l'État ainsi organisé. 1reRépublique (de sept. 1792 à mai 1804); 2eRépublique (de févr. 1848 à déc. 1852); 3eRépublique (de sept. 1870 à juill. 1940); 4eRépublique (de juin 1944 à oct. 1958); 5eRépublique (dep. oct. 1958). Après la première république, cette incertaine, il y avait eu la deuxième et puis la troisième qui était la bonne: jamais deux sans trois (Sartre,Mots, 1964, p. 196): 3. Si vous appliquez les lois, toutes les lois (...) l'ordre rentrerait en France et sans persécution, car, encore une fois, nous ne ferions qu'appliquer les traditions du Tiers État français depuis le jour où il a apparu dans notre histoire jusqu'aux dernières lueurs de la République de 1848.
Gambetta, 1878ds Fondateurs 3eRépubl., p. 181. − P. méton. La VeRépublique. Parti majoritaire de tendance gaulliste en 1966-1967. La VeRépublique conserve [la majorité] d'extrême justesse avec 244 sièges (dont 12 d'outre-mer) (L'Aurore, 14 mars 1967). 2. En partic. a) Organisation politique de la société française instaurée par la Révolution, en remplacement de la monarchie; l'État ainsi organisé. Liberté, égalité, fraternité: devise de la République; les armées, les victoires de la République. III La Constitution française ne reconnoit d'autre gouvernement légitime que le gouvernement républicain, ni d'autre république que celle qui est fondée sur la liberté et sur l'égalité. IV La République française est une et indivisible (Robesp.,Discours, Constit., t. 9, 1793, p. 509).Robespierre prononça d'une voix claire un discours éloquent contre les ennemis de la république (A. France,Dieux ont soif, 1912, p. 168).[P. réf. au calendrier républicain] Landau, 6ejour de la 3edécade du 4emois, an II de la République française une et indivisible Mon cher Michel, « Nous venons de traverser une rude campagne; l'an I de la République comptera dans l'histoire des peuples (...) » (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 272).La République une et indivisible. [Proclamation de l'unité de la République par opposition aux tendances fédéralistes, durant la Révolution.] Supra ex. de Robespierre. b) [P. réf. à l'histoire fr. de la république, comme symbole d'anticléricalisme] Elle aussi [Marianne], sans doute, la République la ruine et la déshonore... Elle aussi est pour le sabre, pour les curés et contre les juifs (Mirbeau,Journal femme ch., 1900, p. 121). − Expressions ♦ On est en république! [Expr. fam. qui marque le rejet d'une autorité non reconnue] Non, mon vieux, non. Il n'y a pas d'officiers: on est en république (Sartre,Mort ds âme, 1949, p. 99). − République sociale*. SYNT. République aristocratique, bourgeoise, conservatrice, démocratique, franc-maçonne, juive, parlementaire, représentative, tempérée; ancienne, grande, nouvelle, petite, vieille, vraie république; république des copains/coquins, des professeurs; aimer, défendre, détruire, proclamer, renverser, sauver, servir la république; établir, fonder une république; affaires, drapeau, ennemi, gouvernement, histoire, magistrats, soldat, territoire de la république; gouvernement provisoire de la république; commissaire, conseil, président, procureur de la république; la constitution, les institutions de la (nème) république. REM. Républicatoire, adj.,hapax. Lui as-tu dit mes intentions républicatoires au cas où ses petits projets prendraient corps? (Verlaine,Corresp., t. 3, 1875, p. 112). Prononc. et Orth.: [ʀepyblik]. Ac. 1694-1740: republique; ensuite: ré-. Étymol. et Hist. 1. 1520 « État » (quelle que soit la forme de gouvernement) (Journal de Louise de Savoie, 8 mars ds S. Guichenon, Hist. généalogique de la Royale maison de Savoye, Lyon, 1660, livre VI, p. 458); 2. a) 1549 « communauté, société organisée » Republique Chrestienne (Du Bellay, Deffence et illustration, éd. H. Chamard, p. 69); b) 1648 « monde, domaine » république des lettres (G. de Balzac, Le Barbon ds Littré); 1656 (Pascal, Provinciales, IX ds
Œuvres, éd. L. Lafuma, Seuil, 1963, p. 409a: la petite république de vos pensées); 3. a) 1549 « État qui n'est pas une monarchie héréditaire » (Du Bellay, op. cit., p. 126: les roys et les republiques); b) ca 1553 la république de Platon « État dont la forme de gouvernement est définie par Platon » (La Boétie, Servitude volontaire ds Littré); c) 1620 « État dont la forme de gouvernement est fondée sur la souveraineté d'un peuple de citoyens » (Hist. de Mr Jean de Boucicaut, éd. Th. Godefroy, III, p. 298, v. aussi Livre des fais de Bouciquaut, éd. D. Lalande, III, VIII, p. 325 et Romania t. 103, p. 334), la proclamation de la 1reRépublique en France le 21 sept. 1792 consacra la généralisation de l'usage du terme dans ce seul sens, la substitution de l'inscription « Empire français, Napoléon empereur » à « République française, Napoléon empereur » sur les pièces de monnaie en 1808 attestant cette évolution. Empr. au lat.res publica « la chose publique, l'État, l'administration de l'État ». Fréq. abs. littér.: 4 758. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7 116, b) 8 232; xxes.: a) 8 177, b) 4 832. Bbg. Baader (H.). Einige Bemerkungen zur Geschichte der Wörter cité... In: [Mél. Gamillscheg (E.)]. München, 1968, pp. 41-44. − Dub. Pol. 1962, pp. 404-405; p. 440 (s.v. république universelle). − Funke (H.-G.). « La République sauvage ». Rom. Forsch. 1986, t. 98, pp. 36-57. − Quem. DDL t. 11 (s.v. république démocratique). − Siccardo (F.). République et républicain: contribution à l'hist. de deux mots. Annali della Facoltà di Scienze Politiche. 1974, t. 2, pp. 569-617. − Tournier (M.). Un Vocab. ouvrier en 1848... Thèse, Paris, 1975, pp. 87, 92-100, 106. − Vardar Soc. pol. 1973 [1970], pp. 301-302. |