| RÈGNE, subst. masc. A. − [Corresp. à régner] 1. Domaine pol. a) Action, fait pour un monarque, une dynastie de régner. Instrument de règne. [Se déclarer] contre le règne des Bourbons au Nouveau-Monde (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 229).À mesure qu'on avançait dans le siècle, Fénelon pensait avec plus de sollicitude au règne possible de son élève chéri (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 529). b) P. méton. Manière de régner; durée pendant laquelle un monarque, une dynastie règne; période historique correspondante. La Hongrie était alors gouvernée par le roi André II, dont le règne était aussi agréable à Dieu qu'à ses peuples (Montalembert, Ste Élisabeth, 1836, p. 6).Le saint roi [Louis IX] a près de lui une véritable sainte. Quel est ce règne étonnant qui s'ouvre? (Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 70). SYNT. Le règne de Charlemagne, de François Ier, de Louis XIV, de Napoléon, de la reine Victoria; règne brillant, paisible; long règne; l'éclat d'un règne; les premières, les dernières années d'un règne; au début, à la fin d'un règne; pendant, sous le règne de. ♦ Le grand règne. Le siècle de Louis XIV. Synon. le grand siècle.Bossuet, installé dans sa chaire d'évêque à l'époque la plus solennelle du grand règne (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 238). c) P. anal. Le règne de la Terreur. Le renversement de la constitution et le règne des Trente Tyrans à Athènes (Chateaubr., Essai Révol., t. 2, 1797, p. 84).Quelle que soit l'issue du règne de de Gaulle (Mauriac, Nouv. Bloc-Notes, 1961, p. 362). 2. a) Influence prédominante, pouvoir absolu, domination d'une personne, d'un ensemble de personnes; durée correspondante. Le règne de l'homme. [Marguerite, à son père:] Vos enfants vous entoureront d'amour et de respect; mais d'aujourd'hui vous m'appartenez, et me devez obéissance. Soyez sans inquiétude, mon règne sera doux (Balzac, Rech. absolu, 1834, p. 280).L'ordre abstrait issu de la Révolution (...) assure le règne positif de la bourgeoisie française (Faure, Espr. formes, 1927, p. 109). − Le règne de qqn dans, sur qqc. Son règne [de Victor Hugo] sur les lettres françaises (Zola, Doc. littér., Hugo, 1881, p. 41).Boucher a vu consacrer son règne dans les arts (Nolhac, Boucher, 1907, p. 111). − Du règne de qqn. Du temps où quelqu'un exerçait son influence, sa domination. La noble simplicité qui se faisait admirer du règne du marquis de Roquefeuille (Jouy, Hermite, t. 5, 1814, p. 253). − Région. (Canada). Vie (de quelqu'un). Nous aurions été au milieu d'une belle paroisse où Laura aurait pu faire un règne heureux (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 240). b) Prépondérance plus ou moins absolue, domination de quelque chose; durée correspondante. Au règne éphémère de l'amour a succédé, pour le reste de la vie, le règne plus sérieux de la conscience (Proudhon, Pornocratie, 1865, p. 57).La disparition soudaine des grands acteurs coïncide avec le règne de l'écran, cela saute aux yeux (Mauriac, Journal 2, 1937, p. 170). SYNT. Le règne de l'argent; le règne de l'esprit, de la force, de la justice, de la liberté, du mal, de la raison; le règne absolu de qqc.; établir, inaugurer, instaurer le règne de qqc. − DR. Règne de la loi. ,,Régime juridique dans lequel les gouvernants et leurs agents sont assujettis, pour leurs décisions particulières, à l'observation des règles de droit posées par la loi ou le règlement`` (Cap. 1936). ,,Régime juridique soumettant les agents de l'État, comme les simples particuliers, à l'empire de la loi commune appliquée par le juge du droit commun`` (Cap. 1936). Faire une distinction entre les sociétés régies par la coutume et celles qui sont soumises au règne de la loi (Traité sociol., 1968, p. 207). c) Vx. Être en règne.Être en vogue, en crédit, à la mode. (Dict. xixeet xxes.). B. − [Corresp. à règne au sens vx de « royaume »] 1. a) Ensemble d'êtres présentant un principe, des caractères communs. Règne humain, vivant. Il se trouve nécessairement des êtres intermédiaires qui séparent le règne des instinctifs du règne des abstractifs (Balzac, L. Lambert, 1832, p. 208).L'instinct populaire emprunte ses plus injurieuses réprobations au règne des poissons (Du Bos, Journal, 1927, p. 194). b) SC. NAT. Chacune des divisions traditionnelles du monde sensible; réalité correspondante. Appartenir à un règne de la nature; qqc. emprunté à un règne de la nature. Nous distinguons trois règnes, le règne minéral, le règne végétal, et le règne animal; et nous comprenons l'homme dans le règne animal (P. Leroux, Humanité, 1840, p. 114): La connaissance qu'ont les primitifs de la faune et de la flore est incontestablement supérieure à celle du civilisé. Naturellement des raisons d'ordre utilitaire déterminent quel est le règne qui les intéresse surtout.
Lowie, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p. 361. ♦ Règne minéral*. ♦ Règne végétal. Division regroupant tous les végétaux; réalité correspondante. Le règne végétal, dans cette contrée (...), ne se montrait pas ingrat envers l'astre du jour, et il rendait en parfums et en couleurs ce que le soleil lui donnait en rayons. Quant au règne animal, il était plus avare de ses produits (Verne, Enf. cap. Grant, t. 2, 1868, p. 102). ♦ Règne animal. Division regroupant tous les animaux; réalité correspondante. Supra ex. de Verne. ♦ Règne inorganique. Règne minéral. L'intelligence est partout, même dans le règne inorganique. En voyant la régularité des formes cristallines, j'ai peine à croire que les minéraux soient aussi bêtes qu'on le dit (Ménard, Rêv. païen mystique, 1876, p. 109). ♦ Règne organique. Division regroupant le règne végétal et le règne animal. [Les] facultés qui nous sont communes avec tout le règne organique (Comte, Philos. posit., t. 4, 1839-42, p. 498). 2. Lieu, domaine abstrait. Chaque cœur est un règne impénétrable (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 193).Chaque nuit, j'entre dans le règne des épouvantements (Gide, Journal, 1930, p. 979). C. − THÉOL. JUDÉO-CHRÉT. Règne de Dieu. Exercice du pouvoir, action, autorité de Dieu sur les hommes et sur la création; état de perfection résultant de la reconnaissance individuelle ou collective de cette action divine, maintenant et à la fin des temps. Règne de Dieu sur la terre, parmi les nations. Comment faire, ô mon Dieu, pour que votre règne arrive? (Péladan, Vice supr., 1884, p. 242). − RELIG. CHRÉT. Règne de Jésus(-Christ), du Christ. Action, influence sur les hommes du Fils de Dieu triomphant du péché sur la Croix et premier-né d'une création nouvelle; réalité qui en résulte, déjà présente et à venir. [Jésus] m'a choisi (...) pour établir et pour étendre dans les cœurs son règne bienfaisant et pacifique (Billy, Introïbo, 1939, p. 156). ♦ [P. allus. à la parole du Christ (Jean XVIII, 36) Mon règne, mon royaume n'est pas de ce monde pour dire que son pouvoir n'est pas d'ordre temporel] Je suis entouré de prêtres qui me répètent sans cesse que leur règne n'est pas de ce monde, et ils se saisissent de tout ce qu'ils peuvent (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 748). − P. anal., PHILOS. [Chez Kant] Règne des fins. ,,État dans lequel les volontés des êtres raisonnables sont censées s'accorder entre elles et avec l'ordre du monde`` (Aur.-Weil 1981). Kant achève sa morale dans l'idée d'un règne des fins (J. Vuillemin, Essai signif. mort, 1949, p. 229). D. − [Le subst. désigne un objet concr.] 1. Chacune des trois couronnes de la tiare pontificale. (Dict. xixeet xxes.). 2. Dans certaines églises, couronne suspendue au-dessus du maître-autel (Dict. xixeet xxes.). Prononc. et Orth.: [ʀ
ε
ɳ]. Ac. 1694, 1718: re-; dep. 1740: rè-. Étymol. et Hist. A. 1. 2emoit. xes. « royaume » (St Léger, éd. Linskill, 132); 2. 1170 « exercice du pouvoir royal » (Wace, Chronique ascendante, éd. A. J. Holden, 5773); 3. fig. a) 1636 « domination de personnes puissantes » (Monet); b) 1670 « pouvoir, influence qu'exerce une chose » (Bossuet, Duchesse d'Orléans ds Littré); c) 1694 terme de relig. règne de Jesus-Christ (Ac.). B. P. ext. 1. 1652 « tiare du pape » (Guez de Balzac, Socrate Chrétien, X ds Littré); 2. 1690 « couronne suspendue sur le maître-autel des églises » (Fur.). C. 1730 règne animal, règne végétal, règne minéral (Du Marsais, Des Tropes, p. 33); 1764 règne organique (Bonnet, Contempl. Nature, p. 33). Empr. au lat.regnum « autorité royale », « souveraineté », « royaume », dér. de rex, regis « roi ». Fréq. abs. littér.: 2 445. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5 616, b) 2 722; xxes.: a) 2 445, b) 2 680. Bbg. Carmignac (J.). Règne de Dieu ou royaume de Dieu? Foi Lang. 1976, n o1, pp. 38-41. − Dub. Pol. 1962, p. 401. |