| RÂPER, verbe trans. A. − User la surface d'un corps que l'on frotte avec une râpe. Râper un morceau d'ivoire (Littré). − P. anal. User, frotter comme avec une râpe. Tous les matins, je pus lui donner [à une chatte] ma tête qu'elle étreignait des quatre pattes et dont elle râpait, d'une langue bien armée, les cheveux coupés (Colette,Mais. Cl., 1922, p. 228).Les barbes de six jours râpaient les cols, hérissaient les mimiques, cardaient la fumée des cigarettes (H. Bazin,Tête contre murs, 1949, p. 318). B. − Réduire en poudre, en pulpe ou en petits morceaux à l'aide d'une râpe à main ou mécanique. Râper du gruyère, des carottes. Un gaillard qui a (...) vu (...) les actrices de Bobino se faire du rouge en râpant des briques (Goncourt,Ch. Demailly, 1860, p. 152).Il faisait des soupes de melon, il râpait du chocolat dans la bouillie de morue (Giono,Colline, 1929, p. 63). C. − P. anal. 1. Irriter la peau par frottement avec une matière rugueuse. J'avais râpé mes paumes à la corde des treuils qui hissaient les sommiers (Arnoux,Juif Errant, 1931, p. 241): ... Richard essaya d'attacher les serviettes de toilette autour des bras, des épaules de sa femme en guise de peignoir de nuit (...) c'était trop rude (...). Elle riait avec de petits cris: « Ça me râpe... ça me râpe... »
A. Daudet,Pte paroisse, 1895, p. 45. − Empl. pronom. L'on s'est râpé le dos sur le peigne à carder d'invraisemblables lits (Huysmans,Cathédr., 1898, p. 12).[La chatte] choisit longuement dans le jardin une branche taillée en biseau, élaguée de l'an dernier (...). Elle s'y râpe, elle s'y écorche, en donnant tous les signes de la satisfaction (Colette,Mais. Cl., 1922, p. 246). 2. [Le suj. désigne une boisson] Irriter la gorge, le palais, la langue. Mon goût canaille, c'est le petit « ginglet » de terroir, quel qu'il soit, pourvu qu'il râpe la langue (L. Daudet,A. Daudet, 1898, p. 195).Ce gros verre (...) de vin bourru (...) qui vous râpe le gosier à retardement (Arnoux,Solde, 1958, p. 167). Prononc. et Orth.: [ʀ
ɑpe], (il) rape [ʀ
ɑ:p]. Ac. 1694-1740: -a-; dep. 1762: -â-. Étymol. et Hist. A. 1. a) 1181-90 raspez « vin trop léger ou éventé que l'on a bonifié en y faisant macérer des raisins secs ou en y ajoutant du raisin nouveau » (Chrétien de Troyes, Conte du graal, éd. F. Lecoy, 3270); b) 1680 « raisin employé à cet usage » (Rich.); 2. 1600 « boisson légère et médiocre obtenue en faisant passer de l'eau sur du marc de raisin ou sur du raisin entassé dans un tonneau » (O. de Serres, Theatre d'agric., Paris, p. 222); 3. a) 1680 rapé de copeaux « copeaux qu'on met dans le vin pour l'éclaircir » (Rich.); b) 1701 rapé « id. » (Fur.); 4. 1765 « vin trouble ou trop chargé qui a été éclairci par un contact prolongé avec des copeaux de chêne ou de hêtre » (Encyclop.); 5. 1869 « boisson composée d'un mélange de restes de vins divers, qu'on sert aux clients dans les cabarets » (Littré). B. 1. xives. rasper « gratter » (Moamin, éd. H. Tjerneld, II, 45, 6); 2. a) 1555 « travailler à la râpe (un morceau de bois) » (doc. ap. J.-B. Giraud, Le Mobilier et la boutique d'un fourbisseur lyonnais ds B. archéol. du Comité des travaux hist. et sc., 1894, p. 217: les poignées de boys non rapées); b) 1606 « avoir un goût âpre et rude » (Hist. maccar. de Merlin Cocc., XI ds Gdf. Compl.); 3. a) 1567 « réduire en poudre grossière au moyen d'une râpe » (Grévin, Des Venins, I, 6, ibid.); b) 1759 râpé « tabac réduit en poudre après la première fermentation des feuilles » (Caraccioli, Le Livre à la mode, nouv. éd. [impression rouge], p. 80 ds Fr. mod. t. 37 1969, p. 122); c) 1920 « fromage de gruyère passé à la râpe » (Bauche, p. 268); 4. a) 1761 adj. « (vêtement, tissu) élimé, usé jusqu'à la corde » (Rousseau, La Nouvelle Héloïse, II, 21 ds
Œuvres compl., éd. B. Gagnebin et M. Raymond, t. 2, p. 267)); b) 1819 « (personne) vêtue d'habits vieux et usés, qui a l'air misérable » (Boiste); 5. 1906 râper « ennuyer » (d'apr. Esn.); 6. 1972 c'est râpé (P. Bonnecarrère, La Guerre cruelle ds Gilb. 1980). D'un b. lat. *raspare, que le FEW t. 16, p. 672 fait remonter, en raison de sa grande ext. dans les lang. rom., au germ. occ. raspôn « rassembler en raclant » (cf. l'a. h. all. raspôn « id. », le néerl. raspen « râper »). Le mot a cependant pu être empr. plus tardivement au mot frq. corresp., cf. Guinet 1982, pp. 191-192. Fréq. abs. littér.: 42. DÉR. 1. Râpage, subst. masc.Action de râper; résultat de cette action. Les fécules de manioc et les fécules de maranta ou Arrow Root sont des fécules d'importation. Les premières sont préparées par râpage des racines de manioc (Brunerie,Industr. alim., 1949, p. 11).− [ʀ
ɑpa:ʒ]. − 1reattest. 1775 (Loisirs du chevalier d'Eon, IX, p. 26 ds Brunot t. 6, p. 492); de râper, suff. -age; cf. rapage « grappillage » (1609, Victor). 2. Râpement, subst. masc.Bruit de râpe ou semblable à celui de la râpe. Le taureau s'entrait la langue alternativement dans chaque naseau (...), une langue rose lisérée de noir de chaque côté comme un ruban de décoration, et on entendait le râpement de la langue sur les naseaux (Montherl.,Bestiaires, 1926, p. 526).− [ʀ
ɑpmɑ
̃]. − 1resattest. a) 1611 « action de râper, de frotter » (Cotgr.), b) 1926 « bruit de ce qui râpe, bruit de râpe » (Montherl., loc. cit.); de râper, suff. -ment1*. 3. Râperie, subst. fém.,techn. a) Usine dans laquelle on procède au râpage des betteraves destinées à la fabrication du sucre. Les râperies sont de petites usines dépendant d'une sucrerie centrale et où l'on extrait purement et simplement le jus de la betterave (Saillard,Betterave, t. 1, 1923, p. 252).b) Atelier dans lequel on procède au râpage des bois destinés à la fabrication du papier. Voici comment s'effectuent les diverses opérations de la fabrication du papier: des troncs d'arbres sont écorcés à la papeterie, puis dirigés vers la râperie (...). L'opération qu'ils subissent alors les transforme en une sciure humide que les épurateurs tamisent (Coston,A.B.C. journ., 1952, p. 182).− [ʀ
ɑpʀi]. − 1resattest. a) 1682 « maison de détention dans laquelle les détenus doivent râper les bois durs; établissement dans lequel les pauvres gens peuvent effectuer le même travail pour gagner leur vie » (A. Le Maître, La Metropolitée, Amsterdam, p. 166 [Réimpr.: Paris, Edhis, 1973], empl. isolé, b) 1872 supra sens a (Littré Add.), c) 1946 supra sens b (Forest.); de râper, suff. -erie*; a est une adapt. du néerl. rasphuis « maison de détention », comp. de rasp- (de raspen « râper ») et de huis « maison » (comme l'all. Raspelhaus, dep. 1678 ds Weigand, le dan. rasphus). 4. Râpeur, -euse, subst.Ouvrier, ouvrière dont le travail est de râper certaines substances mais principalement le tabac. (Dict. xixeet xxes.). − [ʀ
ɑpœ:ʀ], fém. [-ø:z]. − 1resattest. a) 1611 « celui qui râpe » (Cotgr.), b) 1765 « ouvrier qui a pour tâche de râper certaines substances » (Encyclop. t. 15, p. 794a, s.v. tabatière); de râper, suff. -eur2*. BBG. − Quem. DDL t. 18 (s.v. râpement), 26 (s.v. râperie). |