| RUGIR, verbe A. − Empl. intrans. 1. [Le suj. désigne le lion, et, p. ext., d'autres animaux, en partic., les grands fauves] Pousser le cri grave et sonore propre à son espèce. Le guépard rugit faiblement (Benoit, Atlant., 1919, p. 253).Le lion annonce sa présence en rugissant (Beer1939, p. 12). 2. P. anal. a) [Le suj. désigne une pers.] Pousser des cris inarticulés, rauques et violents. Synon. crier, hurler.Rugir de colère, de fureur, de rage; rugir comme un fauve, un lion. [La cuisinière] était cordon bleu, et partant souverainement rechigneuse; elle gronda, hennit, grogna, rugit et renâcla (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 344).V. fulgurant II B 1 ex. de Genevoix et humain B 1 ex. de Sue. − Part. passé en empl. adj. Elle évaporait ce qui lui restait d'ennui dans une espèce de cri de fauve embêté, un bâillement rugi qu'elle appelait « le cri du chacal au désert » (A. Daudet, Nabab, 1877, p. 170). b) [Le suj. désigne une chose] Produire un bruit sourd et puissant. Synon. gronder, mugir.L'océan rugit. Le vent du nord qui rugit, et dont les lugubres sifflements retentissent d'échos en échos (Sue, Atar-Gull, 1831, p. 32).Des vols d'obus passent, s'abattent, sautent, arrachent des branches, rugissent sous la terre (Giono, Gd troupeau, 1931, p. 245). 3. P. méton. [Le suj. désigne une pers.] Exprimer un sentiment avec force, violence. Synon. crier, hurler, vociférer.Au risque d'être mis en pièce, il exige qu'on délivre les prisonniers de leurs fers et qu'on en fasse des soldats pour défendre la mère patrie. Le peuple rugit, se révolte, hésite, puis, dompté, finit par obéir à la voix de son capitaine (A. Daudet, Crit. dram., 1897, p. 43).J'avoue que je cherche surtout dans Bloy un divertissement. Ce qui ferait rugir le terrible homme, dont les souffrances n'appellent pourtant pas le rire (Mauriac, Nouv. Bloc-Notes, 1961, p. 185). − Rugir contre.Les plus abominables despotes, s'ils venaient à s'emparer du sceptre, seraient précisément ceux qui rugissent contre le despotisme (J. de Maistre, Souveraineté, 1821, p. 449). − [P. méton. du suj.] Ton orgueil rugit de n'arriver point à l'insensibilité quand il a laissé perdre les occasions et les moyens de vaincre (Amiel, Journal, 1866, p. 296).Ce soir rugit plus fort dans mon cœur ma faim pour votre poésie (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 575). B. − Empl. trans. [Le suj. désigne une pers.] Exprimer quelque chose avec force, violence. Synon. crier, hurler.Rugir son admiration, sa haine, des imprécations, des insultes, des menaces. Au temps où me faisant sa cour Alceste à mes genoux rugissait son amour (Courteline, Conv. Alceste, 1905, V, p. 45).Je tombais sur Courteline qui rugissait: « Ah saperlipopette, cher ami, c'est bien ce soir vendredi que je devais dîner chez votre père (...) » (L. Daudet, Dev. douleur, 1931, p. 139). REM. Rugisseur, subst. masc.,rare. Personne qui rugit, s'exprime avec force, violence. Léon Bloy nous donne (...) de bons coups sur les doigts. Mais, avec Camille Lemonnier, il est trop de l'école des rugisseurs. Il profère « l'absolu, sans pitié » (Renard, Journal, 1900, p. 614). Prononc. et Orth.: [ʀyʒi:ʀ], (il) rugit [-ʒi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1remoit. du xiies. rujier « pousser des cris de douleur (en parlant d'une personne) » (Psautier Oxford, 37, 8 ds T.-L.); 1remoit. du xiies. rugier « pousser des rugissements (en parlant d'un lion) » (ibid., 103, 22, ibid.); fin xiiies. rougir « id. » (Gautier de Bibbesworth, Traité, éd. A. Owen, 250); 1538 rugir (Est. d'apr. FEW t. 10, p. 548b). Empr. au lat.rugire, de même sens. A éliminé une forme plus francisée ruir(e) (xiies. ds T.-L.), usitée jusqu'au xvies. Fréq. abs. littér.: 408. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 512, b) 1 229; xxes.: a) 487, b) 343. Bbg. Quem. DDL t. 2 (s.v. rugisseur). |