| RONGEUR, -EUSE, adj. et subst. masc. I. − Adjectif A. − 1. [En parlant d'un animal] Qui ronge, qui se nourrit en rongeant (v. ronger II A 1). Mammifère rongeur. Les incisives des quadrupèdes rongeurs [sont] excessivement longues (Cuvier,Anat. comp., t. 3, 1805, p. 329). − P. ext. Qui attaque, détruit une matière en l'absorbant. Des pics-verts qu'on croyait prêts à travailler du bec, à piquer dans les ais vermoulus les insectes rongeurs de bois (Genevoix,Raboliot, 1925, p. 121). 2. [En parlant de qqc.] Qui altère la substance de quelque chose ou en recouvre la surface (v. ronger II B 1, 3). Sur eux s'abattent neige, averse, givre, orage (...), Et la grêle insultante et le soleil rongeur (Hugo,Légende, 1877, p. 1020).Les portes étaient condamnées, les lichens rongeurs avaient envahi les marches disjointes (Milosz,Amour. init., 1910, p. 27). 3. P. anal. [En parlant de qqc.] Qui détruit petit à petit un organisme vivant (v. ronger II B 2). Ictère rongeur. C'est la gangrène; il n'est plus permis d'en douter. Le mal rongeur s'étend sur toute la figure (Lautréam.,Chants Maldoror, 1869, p. 198). B. − Au fig. [En parlant de qqc.] Qui mine peu à peu sur le plan moral (v. ronger II C 2), qui tourmente. Synon. rongeant.Chagrins, soucis rongeurs. Dans l'ennui de la traversée, Alors chacun des voyageurs Se livre aux souvenirs rongeurs Que chacun porte en sa pensée (Brizeux,Marie, 1840, p. 67).Déjà les grandes idées de Dieu, l'esprit, l'amour, ne battent plus dans ma poitrine comme jadis et le doute rongeur me dévore quelquefois (Massis,Jugements, 1924, p. 121). ♦ Ver rongeur. Ce qui mine d'une manière progressive et sournoise. Ver rongeur de la réflexion. Le doute s'est glissé parmi vous et, si je garde mon secret, le ver rongeur du doute peut faire ici de larges trouées (Sand,Lélia, 1839, p. 420).M. Ferrero ne nomme nulle part, je crois, la doctrine qu'il désigne comme le ver rongeur de l'Europe moderne (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 208). II. − Subst. masc. A. − Au plur. Ordre de mammifères végétariens ou omnivores dont la dentition caractéristique est dépourvue de canines et comporte deux incisives à croissance continue, taillées en biseau et tranchantes. Les carnassiers ont une articulation serrée, qui ne permet à leur mâchoire que de se mouvoir dans le sens vertical seulement (...) les rongeurs en ont une qui permet de plus un mouvement horizontal d'arrière en avant, propre à limer les substances dures entre les incisives, et à les broyer entre les molaires (Cuvier,Anat. comp., t. 3, 1805, p. 37).Insectivores et rongeurs, deux groupes aussi vieux, l'un et l'autre, que la fin du Secondaire (Teilhard de Ch.,Phénom. hum., 1955, p. 134). B. − Animal appartenant à cet ordre. Le chinchilla, petit rongeur doux et craintif, riche en fourrure, qui tient le milieu entre le lièvre et la gerboise (Verne,Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p. 104). − En partic. Campagnol, mulot, rat, souris. Et partout, mêlés à l'humus végétal, des débris animaux, de menues charognes de rongeurs (Genevoix,Raboliot, 1925, p. 99). Prononc. et Orth.: [ʀ
ɔ
̃
ʒ
œ:ʀ], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1694; 1694-1878 au masc.; 1935 au masc. et au fém. Étymol. et Hist. I. Subst. A. 1. 1314 rongëour chir. « rugine » (Chirurgie de Henri de Mondeville, 1018 ds T.-L.; cf. FEW t. 10, p. 564a, note 20); 2. 1530 rongeur d'or « celui qui rogne les monnaies » (Palsgr., p. 206a; cf. FEW, loc. cit., note 21); 3. 1546 « celui qui ronge, qui grignote » (R. Estienne, Dict. latino-gallicum, 466b, d'apr. H. Vaganay ds Rom. Forsch. t. 32, p. 155). B. 1537 fig. « celui qui pille le bien d'autrui » (Des Perriers, Cymbalum, III [I, 355] ds Hug.: usuriers rongeurs de pauvres gens). II. Adj. A. 1718 fig. ver rongeur « remords du coupable » (Ac.). B. 1. Av. 1794 « qui brûle, corrode » soleil rongeur (A. Chénier, Bucoliques, XXVII, La Liberté, 13 ds
Œuvres, éd. G. Walter, p. 49); 2. 1800 insecte rongeur (Masson, Helv., II ds Littré); 1845 rongeuse fém. (Besch.). Dér. de ronger*; suff. -eur2*. Fréq. abs. littér.: 338. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 066, b) 365; xxes.: a) 190, b) 216. |