| RONFLER, verbe intrans. A. − 1. [Le suj. désigne une pers.] Émettre, pendant le sommeil, un bruit sonore, variable selon les individus, et qui provient du nez et de la gorge et survient à l'inspiration et parfois à l'expiration. Un bruit singulier les dérangea, quelqu'un ronflait dans la chambre (...) ils aperçurent Bordenave (...) Nana le trouva si drôle, le bouche ouverte, le nez remuant à chaque ronflement, qu'elle fut secouée d'un fou rire (Zola, Nana, 1880, p. 1189): césar: Oui, je t'ai appelé, mais vouatt! Tu as continué à dormir... On t'entendait ronfler d'ici... marius: Ça c'est pas possible. césar: Pourquoi? marius, très gêné: Parce que... Je ne ronfle jamais. césar: Tu as ronflé si fort que tous les clients en rigolaient...
Pagnol, Marius, 1931, IV, 5, pp. 224-225. − P. méton., pop. Dormir lourdement, profondément. Les soldats ivres ronflaient la bouche ouverte à côté des cadavres; et ceux qui ne dormaient pas baissaient leur tête, éblouis par le jour (Flaub., Salammbô, t. 1, 1863, p. 21).Et même elle s'est endormie (...) On a encore attendu toute la matinée (...) Elle ronflait profondément (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 654). − Expr. fig. ♦ Faire ronfler les R. Prononcer les R avec insistance. Il était devenu un beau maréchal des logis de hussards; faisant ronfler les R (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 264). ♦ Faire ronfler les vers. Les déclamer d'une voix sonore, avec emphase. (Dict. xixeet xxes.). P. anal. Nous battons du tambour, nous faisons ronfler nos phrases et traîner nos manteaux (Flaub., Tentation, 1849, p. 385). 2. En partic. [Le suj. désigne un cheval] Faire entendre un bruit analogue au ronflement d'un dormeur et provenant des narines, sous l'effet de la peur, de l'irritation, etc. Synon. broncher.Les chevaux percés d'outre en outre, effrayés et rendus furieux par la douleur, hennissent, ronflent, se cabrent (Chateaubr., Ét. ou Disc. hist., t. 4, 1831, p. 148).La jument du père Fernandot humant le picotin et l'écurie, s'ébrouant, hennissant, ronflant des naseaux (Arnoux, Zulma, 1960, p. 86). B. − P. anal. [Le suj. désigne une chose] Produire un bruit sourd et régulier. Synon. ronronner, vrombir.Feu, mer, tonnerre, vent qui ronfle; cheminée, poêle qui ronfle; cithare, orgue qui ronfle; avion, moteur, voiture, usine qui ronfle. J'entendais ronfler ces boulets et siffler les balles (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813, 1864, p. 42).Le chauffeur, vêtu de l'uniforme de l'armée, fait ronfler sans cesse son klaxon (Malraux, Conquér., 1928, p. 57). − Expr. pop. [Pour souligner que qqc. marche bien] Ça ronfle! Synon. de ça gaze fam.; gazer2.Votre santé s'est reposée, voyez-vous. Maintenant, ça va ronfler (Zola, Page amour, 1878, p. 955).Des merveilles, les machines, avec ça! Ce que ça a dû coûter gros! Il est vrai qu'avec les nouvelles commandes du ministère, ça ronfle (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 259). REM. 1. Ronflerie, subst. fém.,synon. fam. de ronflement (v. ce mot A).Par malheur, avant que j'eusse sombré assez profondément pour pouvoir défier sa ronflerie, elle jaillit du silence (Arnoux, Zulma, 1960, p. 202). 2. Ronflette, subst. fém.,fam. Sommeil généralement de courte durée. Synon. fam. roupillon.Faire, piquer, etc. une ronflette. Son nez piqua vers son gilet. « Ça non, pas de ronflette, ce n'est pas le moment », protesta le bedeau (H. Bazin, Bur. mariages, 1951, p. 229).Je l'attendais [le médecin] en poussant une ronflette d'une petite heure (Simonin, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 55). Prononc. et Orth.: [ʀ
ɔ
̃fle], (il) ronfle [ʀ
ɔ
̃:fḽ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1160 « souffler bruyamment en respirant; râler » (Eneas, 2071 ds T.-L.); 2. a) ca 1179 « id., pendant le sommeil » (Renart, éd. M. Roques, 2551: Souflant et ronflant durement, Adont vit que il se vont dorment); fin xiies. (Béroul, Tristan, éd. E. Muret, 761: Tristran faisoit senblant comme se il dormoit; Quar il ronfloit forment du nes); b) 1809 lang. poissard « dormir lourdement » (d'apr. Esn.); 3. « (d'une chose) faire un bruit prolongé » a) 1529 part. prés. adj. « sonore » (G. Tory, Champfleury, reprod. Mouton, 1970, fol. 55 r o: R est pronuncee de la langue faisant strideur et son ronflant); b) fin xvies. faire ronfler son artillerie ([V. Carloix], Mém. de F. de Scépeaux, IV, 14, Paris, Guérin et Delatour, t. 2, 1757, p. 237); 1708 entendre ronfler les violons (Regnard, Légataire universel, II, 4 ds Théâtre, éd. L. Moland, Paris, 1876, p. 358); c) 1659 faire ronfler les vers « les déclamer avec emphase » (Molière, Précieuses ridicules, X); 4. fin xvies. fig. faire ronfler (quelque chose) « mettre en valeur » ([V. Carloix], op. cit., III, 25, t. 2, p. 103: Presidens et... conseillers... qui faisoient ronfler leur contrat et ordonnances bien hautement de ceste qualité); 1798 promesses ronflantes (Ac.). Mot expr., dér. du rad. onomat. ronfl- exprimant le bruit du souffle sortant des voies respiratoires. Ce rad. (dont les représentants sont aussi att. dans les dom. ital. et ibér.-rom.) est un élargissement expr. du rad. ron-, v. aussi rogner « grogner, murmurer » (cf. le verbe b. lat. roncare « ronfler » [d'où l'a. fr. ronchier « ronfler » xiiies. ds T.-L.] FEW t. 10, p. 466a, cf. Ern.-Meillet; v. aussi ronchonner). L'orig. onomat. de ronfler explique les qq. var.: type sans nasale: rouffler « ronfler » (1342 Renart le Contrefait, 31759 ds T.-L.); type sans -l-: ronfer « souffler, gronder de colère » (1erquart xives. Chans. ds Bartsch, I, 42, 27), runfer « râler (d'un oiseau malade) » (xives. Moamin et Ghatrif, II, 65, 1 ds T.-L.), ce type étant spéc. relevé dans le dom. fr.-prov. (FEW t. 10, p. 471b); type sans nasale ni -l-: rouffer « gronder » (dial. du Centre, FEW t. 10, p. 472a). Fréq. abs. littér.: 588. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 233, b) 1 126; xxes.: a) 1 328, b) 914. Bbg. Nigra (C.). Note etimologiche e lexicali. Z. rom. Philol. 1904, t. 28, p. 644. − Quem. DDL t. 27. |