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ROMANTISME, subst. masc.
A. − [Corresp. à romantique A 2; à propos d'un site] Rare, vx. Qualité de ce qui évoque les descriptions romanesques par son charme pittoresque. Il a rendu à mes déserts quelque chose de leur beauté heureuse, et du romantisme de leurs sites alpestres (...). Nous nous promenons, nous jasons (Senancour, Obermann, Bibl. 10/18, 1965 [1804], p. 408).
B. − LITT., ARTS. [En Europe, fin du xviiies. et 1remoit. du xixes. surtout]
1. [À l'origine] Courant d'idées, d'expression littéraire, artistique s'inspirant du Moyen Âge, de ses valeurs chrétiennes, chevaleresques et s'opposant au classicisme, à l'Antiquité. Le vrai romantisme (...) n'est pas autre chose que le développement spontané du moyen âge dans l'art et la littérature (Cousin, Hist. philos. mod., t. 2, 1846, p. 259).
2. [Par la suite] Mouvement intellectuel, littéraire, artistique qui visait à renouveler les formes de pensée et d'expression en rejetant les règles classiques et le rationalisme, en prônant la nature, le culte du moi, la sensibilité, l'imagination, le rêve, la mélancolie, la spiritualité, en réhabilitant le goût contemporain, la couleur locale, la vérité historique. Romantisme, prédominance de la passion sur la forme et de l'inspiration sur la règle (Flaub., Corresp., 1871, p. 230).Le romantisme (...), en exaltant le sentiment, l'imagination et l'intuition, allait provoquer un remaniement profond de la pensée occidentale (Hist. sc., 1957, p. 1565).
a) LITT. [Notamment en Allemagne avec Goethe, Novalis, Tieck, en Angleterre avec Byron, Shelley, Keats, en France avec Mmede Staël, Chateaubriand, Senancour, Nodier, Lamartine, Vigny, Michelet, Dumas, Hugo, Sainte-Beuve, Sand, Musset, Gautier] Mouvement, art littéraire qui a donné une large place aux descriptions poétiques, aux épanchements intimes, aux sujets sentimentaux, religieux, fantastiques, aux décors historiques (notamment médiévaux), exotiques, et qui a pratiqué le mélange des genres, recherché les effets de contraste. Chateaubriand peut être considéré comme (...) le Sachem du Romantisme en France. Dans le Génie du Christianisme il restaura la cathédrale gothique; dans les Natchez, il rouvrit la grande nature fermée; dans René, il inventa la mélancolie et la passion moderne (Gautier, Hist. romant., 1877 [1872], p. 4).Le vrai cénacle romantique se tint dans le salon rouge de Victor Hugo, rue Notre-Dame-des-Champs. C'est de là qu'est sortie la littérature doctrinale du romantisme de 1827, tel qu'il s'exprime dans les manifestes et les préfaces − celle de Cromwell surtout. Sainte-Beuve, Vigny, Dumas, Musset (...), des artistes, Delacroix, Devéria (...) sont assidus (Thibaudet, Hist. litt. fr., 1936, p. 181).V. défini II B ex. de Hugo:
Le romantisme, (...) ce n'est ni le mépris des unités, ni l'alliance du comique et du tragique (...). Le romantisme, c'est l'étoile qui pleure, c'est le vent qui vagit, c'est la nuit qui frissonne, la fleur qui vole et l'oiseau qui embaume; c'est le jet inespéré, l'extase allanguie, la citerne sous les palmiers, et l'espoir vermeil et ses mille amours, l'ange et la perle, la robe blanche des saules (...)! C'est l'infini et l'étoilé... Musset, Lettres Dupuis Cotonet, 1836, p. 671.
Péj. Ses opinions littéraires sont saines, et le poison du romantisme ne l'a pas encore envahi (Vallès, Réfract., 1865, p. 91).Les naturalistes (...) nous ont débarrassés des inhumains fantoches du romantisme et (...) ont extrait la littérature d'un idéalisme de ganache et d'une inanition de vieille fille exaltée (Huysmans, Là-bas, t. 1, 1891, p. 7).
Manière particulière de manifester les caractéristiques de ce mouvement. Romantisme + adj. qualificatif.Sa langue [Barbey d'Aurevilly] d'un romantisme échevelé, pleine de locutions torses, de tournures inusitées, de comparaisons outrées (Huysmans, À rebours, 1884, p. 214).Les cénacles de 1830 ont à peine connu le romantisme allemand (...) les grandes revendications morales (...) de la nouvelle école ont trouvé en France, dès le XVIIIesiècle, (...) un vaste écho dans les correspondances, les écrits intimes (...) le romantisme français eut avant tout des origines françaises (Béguin, Âme romant., 1939, p. 327).Le romantisme de + subst. (désignant (un aspect d')une pers.).Tout me prédestinait (...) au romantisme, (...) pas au romantisme de la forme (...), mais au romantisme de l'âme et de l'imagination, à l'idéal pur (Renan, Souv. enf., 1883, p. 89).V. colorié ex. 6.
b) BEAUX-ARTS. Mouvement, esthétique qui refuse de copier les œuvres de l'Antiquité, qui abandonne les figures mythologiques. En partic., PEINT. (notamment chez Gros, Géricault, Delacroix). Art qui représente une nature propice à la rêverie, des scènes moyenâgeuses, exotiques ou familières, qui cherche à émouvoir par une simplicité naïve de composition ou par la vivacité du mouvement, la richesse éclatante des coloris. À la période classique correspond un graphique de mouvement calme (arabesque du Poussin) dominé par la raison (...). Avec le romantisme, le flux émotif tend à rompre le froid équilibre (arabesque mouvementée ascendante de Delacroix [...]) (Arts et litt., 1935, p. 28-11).Le romantisme est en France la première révolution littéraire qu'il soit impossible de séparer d'une révolution dans les arts plastiques (...). Le Radeau de la Méduse au salon de 1819 et les Massacres de Scio au salon de 1824 avaient révélé dans un grand éclat une peinture nouvelle. Mais c'est le salon de 1827 qui (...) met à l'ordre du jour la question du romantisme plastique (...) par deux toiles aujourd'hui déclassées, (...) la Naissance de Henri IV par Eugène Devéria, et le Mazeppa de Louis Boulanger (Thibaudet, Hist. litt. fr., 1936, pp. 181-182).V. intimité I B ex. de Baudelaire.
c) MUS. [Notamment avec Beethoven, Weber, Schubert, Berlioz, Chopin, Schumann, Liszt, Wagner, Brahms] Mouvement, art musical qui exprime des émotions poétiques et sentimentales, qui évoque des scènes épiques, fantastiques. Alors que le romantisme était à la mode, il [Reber] aurait pu (...) se désoler au bord des lacs, agiter au milieu des rochers une crinière désespérée, maudire les dieux et les hommes (...), il aurait su faire rugir les cuivres et bouillonner les violons (Saint-Saëns, Harm. mélod., 1885, pp. 294-295).La « première Variation » [de Beethoven] traduit le bercement propice au rêve; (...) les ombres (...) prennent une couleur sentimentale, dont le romantisme évoque curieusement un des thèmes les plus fameux de Berlioz (Rolland, Beethoven, t. 2, 1937, p. 484).
3. État d'esprit, sensibilité propres aux tenants de ce mouvement littéraire, artistique. Je préférai la promenade; (...) j'allai fouler ce gazon si doux (...) et respirer cet air pur des hauts lieux, qui rafraîchit l'âme et dispose l'imagination à la méditation et au romantisme (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 374).
C. − P. anal.
1. [À propos d'un écrivain, d'un artiste ou d'une œuvre appartenant à une époque autre que celle du romantisme] Sensibilité, manière de s'exprimer qui rappellent celles du romantisme (supra B). Il y a certes déjà du romantisme dans Mozart: il a tout (...) pressenti, et il a tout exprimé de ce que la musique peut traduire, et jusqu'au plus secret de l'âme féminine (Dumesnil, Hist. théâtre lyr., 1953, p. 114).Cette verve étourdissante, ce merveilleux romantisme de 1630, cette effervescence de la jeunesse, tout cela a tourné court (Green, Journal, 1956, p. 203).
Rare. Le romantisme de + subst. (désignant une chose).Ce qui est susceptible de toucher par sa poésie sentimentale. Le vrai Racine, (...) le premier des peintres de l'âme, (...) le moderne qui, avant Jean-Jacques (...), révéla au monde la poésie des passions, le romantisme des sentiments (A. France, Vie littér., 1891, p. 362).
2. [À propos d'un paysage, d'un lieu] Caractère de ce qui évoque les sites, les atmosphères particulièrement appréciés par le romantisme (supra B). Passez par l'allée des étangs. Allez-y voir le reflet de la pleine lune. Il est d'un romantisme qui vous ravira (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 200).Les maisons de la via Independenza [à Bologne] (...) sont d'une belle unité (...). Un petit air de mélancolie et de romantisme (Giono, Voy. Ital., 1953, p. 196).
D. − Au fig.
1. Assez souvent avec une nuance péj. [À propos d'une pers.] Attitude d'esprit, comportement qui évoque le romantisme (supra B) par sa sentimentalité, son individualisme, son goût pour la nature, les confidences, le rêve, les inquiétudes métaphysiques, etc. Des nerfs de petite fille! Et ce romantisme! Ce besoin de se croire incomprise, ce perpétuel refus de s'expliquer! Un orgueil silencieux qui envenime tout! (Martin du G., Thib., Belle sais., 1923, p. 983).Je n'avais aucune idée de ce qu'est l'amour. L'idée qu'on pût en souffrir me semblait d'un romantisme insupportable (Maurois, Climats, 1928, p. 25).V. batifolage ex.
Au plur., p. méton., rare. Ce qui est extrêmement sentimental, idéaliste, etc. La vertu des besognes humbles, le prix de la pauvreté et autres romantismes tolstoïens (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 310).
Rem. V. romanesque1B 3 a rem.
2. Péj. Ce qui manque de sens pratique, de rapport avec la réalité, ce qui pèche par excès d'imagination, d'idéalisme. La réflexion (...) tourne bientôt à vide si elle ne maintient pas ses relations vitales avec la réalité. Alors naissent les romantismes (...) qui se délectent de nourritures creuses, pensées sans objets, rêves sans consistance, amours sans but (Mounier, Traité caract., 1946, p. 336).Un romantisme évangélique où l'ignorance des lois de la nature, de ses forces, (...) favorise une précipitation apostolique dérisoire et le désordre des pires utopies (Univers écon. et soc., 1960, p. 64-12).
Rare. Le romantisme de + subst. (désignant une chose).Je ne dénie pas une certaine beauté à ces illusions successives, qui constituent les relais du « progrès » scientifique (...). Le romantisme de la Science a pu rendre des services, que n'ont rendus ni le romantisme littéraire, ni surtout le funeste romantisme politique (L. Daudet, Stup. XIXes., 1922, p. 265).
Prononc. et Orth.: [ʀ ɔmɑ ̃tism̭]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. A. 1804 « caractère d'évocation romanesque de quelque chose (par ex. un paysage) » (Senancour, loc. cit.). B. 1. 1824 « école littéraire s'opposant au classicisme » (Auger, Discours sur le romantisme, 24 avril d'apr. A. François ds Mél. Baldensperger, 1930, t. 1, p. 329); 2. 1825 « manière de penser, de sentir caractéristique de cette école » (Brillat-Sav., loc. cit.). Dér. de romantique* par substitution du suff. -isme* à -ique*. Fréq. abs. littér.: 634. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 433, b) 309; xxes.: a) 819, b) 1 667. Bbg. Lanyi (G.). Debates on the definition of Romanticism in literary France 1820-30. Journal of the history of ideas, 1980, janv.-mars. − Van Tieghem (P.). L'Ère romantique... Paris, 1948, pp. 1-17.