| ROCOCO, subst. masc. et adj. A. − ARCHIT., ARTS DÉCOR. ou, plus rare, PEINT., parfois péj. 1. Subst. masc. Style en vogue au xviiies. notamment, voisin du style rocaille, et caractérisé par une ornementation surchargée, abondante en volutes, guirlandes etc., par le goût d'une fantaisie débordante, d'une grâce maniérée. L'église de San Mose, avec sa façade d'un rococo flamboyant, tourmenté, presque farouche dans sa violente exagération (Gautier, Italia, 1852, p. 146).[David] a élagué les fioritures du rococo, il a dépouillé l'art des gentillesses décoratives, des ritournelles du pinceau (Hourticq, Hist. art, Fr., 1914, p. 315). − P. méton.
Œuvre réalisée dans ce style. La maison (...) meublée, en rococo, de chaises à dossiers ovales, de tables contournées (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 257). Rem. ,,Au xixesiècle, le mot était senti comme familier et un peu vulgaire. (...) Dans l'état actuel de la langue française, « rococo » est encore synonyme de vieillerie désuète et quelque peu ridicule. Le baroque et le maniérisme ont acquis le statut noble des grandes notions d'histoire de l'art; « pompier » reste un vocable fortement outrageant; « rococo » est entre les deux`` (Encyclop. univ. t. 14 1972, p. 289). 2. Adjectif a) [En parlant d'un édifice, d'un objet décoratif] Qui appartient au rococo ou qui s'en inspire. On aperçoit (...) un joli châtelet rococo qui a l'air d'une pâtisserie maniérée ou d'une pendule du temps de Louis XV, avec son bassin lilliputien et son jardinet Pompadour, dont on embrasse toutes les volutes, toutes les fantaisies et toutes les grimaces d'un coup d'œil (Hugo, Rhin, 1842, p. 52).L'église où commence le goût d'ornements rococo, fleurs artificielles, rubans, pompons, guirlandes de papier peint (Flaub., Champs et grèves, 1848, p. 184). − Domaine vestimentaire.Un jupon matelassé à petites roses rococo (Giono, Que ma joie demeure, 1935, p. 172). − Broderie rococo. Broderie exécutée avec de minces rubans de couleur. Les dessins exécutés en broderie rococo ne sont composés que de fleurettes et de petites feuilles (...). La broderie est exécutée en ruban très étroit appelé ruban comète ou ruban rococo (V. Paulin, Manuel de broderies et dentelles, 1926, p. 108).Ruban rococo ou, p. ell., rococo, subst. masc. Ruban servant à cette broderie. Une variété de faveur, le rococo, de 4 millimètres de large, de couleur nuancée et dégradée (...) sert en broderie (J. Coulon, Technol. gén. modiste, 1951, p. 26). b) Rare. [En parlant d'un artiste] Dont l'œuvre se rattache au style rococo. Dans le domaine du mobilier, de l'orfèvrerie ou des arts décoratifs,chacun conçoit sans trop de peine ce qu'est un objet rococo (...); Tiepolo, Maulbertsch, Boucher sont-ils des peintres baroques ou des peintres rococo? (Encyclop. univ.t. 141972,p. 289). B. − P. anal., domaine littér., musical, gén. péj. 1. Subst. masc. Ce qui présente des enjolivures superflues, des formules trop apprêtées. En littérature il [Henri Lavedan] vise le précieux, le rarissime, et il réalise le pire rococo, la fausse ingéniosité, le Rostand en prose (L. Daudet, Entre-deux-guerres, 1915, p. 81). 2. Adj. [En parlant d'une chose] Qui se caractérise par un charme suranné, une recherche excessive. Synon. affecté, alambiqué, maniéré, sophistiqué; anton. dépouillé, pur, simple.Madame Viardot (...) entreprit de faire quelque chose avec ce morceau démodé [l'air à roulades de l'Orphée de Gluck] (...) Elle modifia les traits, substitua aux vermicelles rococos des arabesques de haut style (Saint-Saëns, Portr. et souv., 1909, p. 211).Il arrive (...) qu'une forme qui se cherche mette à fuir le lieu commun une certaine affectation fatigante. C'est mon principal grief contre le style de ce livre. Un style rococo (Cocteau, Potomak, 1919, p. 35). C. − Au fig., péj. 1. [En parlant d'une chose abstr.] Adj. Qui se rapporte à de vieilles traditions, qui date ridiculement. Synon. antique, démodé, dépassé, désuet, périmé, vieillot; anton. contemporain, neuf, nouveau, récent.Une provision d'idées fausses, arriérées, saugrenues, un sentimentalisme rococo du temps d'Ipsiboé, du jeune Florange (A. Daudet, Femmes d'artistes, 1874, p. 134).Il était bien entiché d'idées rococo, le vieux comte (Richepin, Glu, 1881, p. 208). 2. [En parlant d'une pers.] a) Adj. Qui se rattache à une époque révolue, qui se caractérise par une allure, des idées passées de mode. Synon. ancien, rétrograde, vieux jeu*; anton. jeune, moderne, à la page.Si je tarde (...), on me dira, quand je reviendrai, que je suis une perruque, un vieux, que mon temps est fini, que je suis Empire, rococo! (Balzac, Cous. Pons, 1847, p. 219).Combien Hugo et Musset sont devenus, au moins pour nous, rococos, dessus de pendule (Léautaud, Journal littér., 1, 1905, p. 187). b) Subst., rare, vx. Personne qui a une prédilection pour le passé, les choses anciennes. Je suis un vieux légitimiste, moi! un rococo!... est-ce que vous me trouvez une tête d'orléaniste? (Gyp, Gde vie, 1891, p. 13). Rem. Rococo dans ses empl. subst. est gén. utilisé au sing.; dans ses empl. adj., il n'est pas nécessairement inv. au plur., comme l'affirment plusieurs aut., notamment Colin 1971 et Hanse Nouv. 1983. REM. 1. Rococote, adj. fém.,fam., rare, vx, synon. de rococo.Que va dire mon fils à son arrivée, en retrouvant sa paternité si rococote (...), mon fils, qui arrive aujourd'hui de Paris, le foyer du beau langage (Labiche, Deux papas, 1845, 1, p. 381). 2. Rococoter, verbe intrans.,hapax. Rechercher le style, les objets rococo(s). − (...) il faudra que nous allions aux commissaires-priseurs (...); nous irons rococoter... C'est très-amusant (Goncourt, R. Mauperin, 1864, p. 180). 3. Rococot(t)erie,(Rococoterie, Rococotterie) subst. fém.,rare, vx. Ce qui a un caractère rococo. Je te défie de me citer une faute échappée, une omission de quelque grand'œuvre, ça se pourrait encore; mais un anachronisme, une rococotterie, une cochonnerie, cela est impossible (Flaub., Corresp., 1839, p. 49).Des musées d'Allemagne, il tombe sur les musées d'Italie et là, une flâne (...) dans les ghettos, les tableaux, la rococoterie, des enthousiasmes (Goncourt, Man. Salomon, 1867, p. 101). 4. Rococotier, -ière, subst. et adj.,rare, vx. (Personne) qui aime, qui recherche le rococo et, p. ext., les choses anciennes. Monselet (...) nous charge en rococotiers du XVIIIesiècle, furieux et enragés. (...) nous achetons (...) le plus délicieux Lancret du monde (...), 300 dessins de costumes d'opéra de 1770 (Goncourt, Journal, 1858, p. 441).La Princesse est assez rococotière. Souvent, elle fait la partie d'aller (...) voir les marchands de curiosités (Goncourt, Journal, 1863, p. 1283). Prononc. et Orth.: [ʀ
ɔkɔko], [-ko-], [ʀoko-]. Att. ds Ac. dep. 1878. Graph. roccoco ds Borel, Champavert, 1833, pp. 9-10. Étymol. et Hist. 1. 1825 adj. « démodé, vieilli » (Feuilleton des Débats, 20 mars ds Quem. DDL t. 21); 2. a) 1828 « qui appartient au style du XVIIIes., surchargé d'ornements contournés » (d'apr. FEW); 1834 « id. » (Boiste); b) 1829 « style rocaille du xviiies. » (Stendhal, Prom. ds Rome, t. 1, p. 138). Dér. irrégulier de rocaille « style qui utilise la rocaille », avec réduplication de la syll. co, v. FEW t. 10, p. 441a, note 10. Fréq. abs. littér.: 95. Bbg. Blunt (A.). Some use and misuses of the terms baroque and rococo as applied to architecture. London, 1973, 53 p. − Lüthje (R. J.). Begriffsbestimmungen des Rokoko und ihre Anwendung auf die frz. Literatur. Rom. Jahrb. 1980, t. 31, pp. 79-106. − Quem. DDL t. 21. − Santoli (V.). Manierismo, Barocco, Rococo. In: Fra germanica e Italia, scritti di storia letterarica. Firenze, 1962, pp. 271-283. |