| ROCAILLE, subst. fém. A. − 1. Ensemble de pierres, de cailloux, de débris minéraux de petite dimension. Synon. pierraille.Plus aucune autre chose vivante, par toute la grande combe et au delà sur le chemin, parmi la rocaille et les éboulis (Ramuz, Gde peur mont., 1926, p. 145).Ses parfums immenses d'herbes sèches, de pins, de rocailles brûlantes et de bois calciné (Bosco, Mas Théot., 1945, p. 314). − P. méton. Endroit recouvert de rocaille. C'était Miraut qui sans doute avait retrouvé le lièvre dans la rocaille escarpée où il l'avait abandonné et des traînées de poil et des éclaboussures de sang sur les cailloux disaient assez la plantureuse lippée qu'il s'était égoïstement offerte (Pergaud, De Goupil, 1910, p. 51). − Jardin de rocaille(s) ou, p. ell., rocaille. Élément décoratif du jardin d'agrément composé de pierres et de plantes, rappelant le caractère accidenté d'une pente de montagne. Nous regardions ensemble le jardin de rocailles tout en fleurs (Daniel-Rops, Mort, 1934, p. 233). 2. Pierre, ensemble de pierres, creusée(s), de formes tourmentées, utilisée(s) à des fins décoratives dans les jardins. Une cave dont l'entrée se trouvoit dans une grotte en rocaille (Balzac, Annette, t. 2, 1824, p. 48).Rafraîchir le bout de ses doigts dans la fontaine de rocaille aux larmes noires (Toulet, Nane, 1905, p. 251). − P. méton. Composition décorative rustique constituée de rochers, pierres, coquillages incrustés les uns dans les autres qui reproduit les éléments naturels (grotte, rocher, source...). Elle le mena d'abord à la grotte. Au fond d'un bouquet de peupliers et de saules, une rocaille se creusait, effondrée, des blocs de rochers tombés dans une vasque (Zola, Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1346). B. − ARCHIT., DÉCOR. Style décoratif en vogue sous Louis XV caractérisé par la représentation des éléments de la nature (rochers, coquillages, grottes, feuillages...) dans des formes contournées. Le XVIIIesiècle ajoutera [aux cathédrales] ses élégantes grilles de fer forgé, où l'on découvre comme une parenté entre les caprices du flamboyant et ceux de la rocaille (Hourticq, Hist. art, Fr., 1914, p. 103).Le style Louis XV a laissé des œuvres inférieures à celles de la période précédente, qui étaient conçues et exécutées par leurs auteurs. À l'apparition de la rocaille, les maîtres serruriers n'ont fait qu'exécuter servilement les conceptions des architectes et des décorateurs, entachées souvent de fautes graves de technique (Arts et litt., 1935, p. 22-3). − En appos. Style rocaille. C'est à Francfort que commence cette architecture rocaille, si disparue chez nous (Goncourt, Journal, 1860, p. 792).Le tsar Pierre III commanda pour le comte Golouvine un service de deux cents pièces. Mais, s'adaptant aux formes les plus diverses, le décor rocaille est plutôt d'un caractère bourgeois (G. Fontaine, Céram. fr., 1965, p. 45). Rem. En ce sens rocaille peut s'employer au masc. de manière ell.: L'exposition universelle de Paris consacre cette nouvelle mode du rocaille (...), d'où la réflexion du même Lucien Falize: « ... Le dernier mot du goût en orfèvrerie, c'est le Louis XV. » (Grandjean, Orfèvr. XIXes., 1962, p. 75). − P. méton. ♦ Meuble, sculpture qui appartient au style rocaille. Partout [à Leningrad] (...) ces hautes architectures de style Élisabeth Pétrovna, rocailles italiennes de cérémonie, ces chancelleries couleur de sang de bœuf (Morand, Eur. gal., 1925, p. 19). ♦ Ensemble des divers éléments (forme chantournée, reproduction d'éléments de la nature...) qui caractérise le style rocaille (v. rococo). Les chapelles [au Lichtenthal, à Baden] sont des boudoirs; la rocaille s'enlace autour de charmants médaillons (Nerval, Lorely, 1852, p. 48).Une petite porte Louis XV étale ses rocailles frivoles et ses coquilles (A. France, P. Nozières, 1899, p. 244). Prononc. et Orth.: [ʀ
ɔkaj], [-kɑj]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin xives. roquailles plur. « terrain couvert de pierres » (Jean Froissart, Chroniques, ms. Vatican, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 1, p. 87); 2. 1611 rochaille « petits débris de pierre, amas de petites pierres » (Cotgr.); 1658 rocaille « id. » (Scarron, Virgile travesti, I, 58b ds Richardson); 3. a) ca 1636 rocalle « petites pierres, coquilles, etc. servant à faire divers ouvrages, tels que grottes » (Mém. Soc. Hist. de Paris, t. 28, p. 139); 1842 adj. le genre rocaille (Ac. Compl.); 1846 « ornementation de certains petits meubles, représentant des grottes, etc. » (Besch.); b) 1676 « petits grains d'émail servant à mettre le verre en couleur » (Félibien). Dér. de roc1*; suff. -aille*. Fréq. abs. littér.: 166. DÉR. 1. Rocaillage, subst. masc.a) Synon. rare de rocaille (supra A 2). (Dict. xxes.).b) Composition de béton qui donne à un mur l'apparence d'une rocaille (supra A 2). Le rocaillage consiste à disposer à la surface d'un mur des petits morceaux de meulière scellés à bain de mortier (Robinot, Vérif., métré et prat. trav. bât., t. 1, 1929, p. 173).− [ʀ
ɔkaja:ʒ]. − 1reattest. 1875 (Lar. 19e); de rocaille, suff. -age*. 2. Rocailleur, subst. masc.a) Ouvrier qui fait des rocailles (v. supra A 2). La nature vous donne (...) les rochers. Demandez à la nature son secret pour les jeter si poétiquement sur le sol; c'est ce qu'ont fait nos rocailleurs, et tout le monde les remercie de leurs créations (Gressent, Créat. parcs et jardins, 1891, p. 47).b) Ouvrier qui exécute des rocaillages (supra dér. 1 b). (Dict. xxes.). − [ʀ
ɔkajœ:ʀ], [-kɑ-]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1reattest. 1665 « celui qui travaille en rocaille » (Comptes des bâtiments du roi sous le règne de Louis XIV, éd. J. J. Guiffrey, t. 1, p. 25); de rocaille, suff. -eur2*. |