| RIDEAU, subst. masc. A. − Pièce d'étoffe ou de matière synthétique pouvant former des plis, généralement mobile, placée devant une ouverture, pour faire écran à la lumière ou à la vue, ou pour cacher, préserver, décorer quelque chose. Une douce lumière, faiblement voilée par de légers rideaux de gaze, succéda à l'obscurité (Musset,Mouche, 1854, p. 293).Je ne suis bien qu'à l'office, et le soir, quand j'ai tiré le rideau de mon lit: tombeau de la cellule, et tombeau du lit (Montherl.,Port-Royal, 1954, p. 990). SYNT. Amples, beaux, grands, longs, petits rideaux; rideau blanc, brodé, cramoisi, fermé, flottant, ouvert, rouge, soulevé, tiré, transparent, vert, violet; rideau de l'alcôve, de la chambre, de la fenêtre, de la porte; rideau de calicot, de coton, de cotonnade, de cretone, de damas, de dentelle, de lampas, de lin, de mousseline, de percale, de perse, de reps, de serge, de soie, de tulle, de velours; coins, fente, plis de rideaux; agiter, écarter, fermer, ouvrir, poser, rabattre, relever, soulever, tirer des rideaux. ♦ Double(-)rideau*. ♦ Rideaux bonne femme. Rideaux courts retenus par une embrasse. La paire de rideaux bonne femme (Catal. 3 Suisses, automne-hiver, 1989-90, p. 791). ♦ P. anal. Rideau en bambou; rideaux de perles. D'épais rideaux de cuir fermaient, au besoin, ce premier compartiment et le défendaient contre la fraîcheur des nuits (Verne,Enf. cap. Grant, t. 2, 1868, p. 86). − Au fig. Tirer le rideau sur qqc. Cesser de s'occuper, de parler d'une affaire. On lui promettait − et Grange s'y engagea d'un signe de tête − de tirer le rideau sur ses torts. Mais qu'il racontât tout (Pourrat,Gaspard, 1922, p. 82). B. − Spécialement 1. THÉÂTRE. Ample draperie (ou toile peinte représentant une draperie) escamotable qui sépare la scène de la salle. Baisser, lever le rideau; au lever du rideau; la chute du rideau; en lever de rideau; le rideau se baisse, descend; le rideau s'écarte, monte, se soulève. 3 février. − Le maître de Santiago. « Il n'y a de grandes aventures qu'intérieures. » Ce chef-d'œuvre étrange, écouté dans le plus profond silence par un public qui en a oublié d'applaudir, au baisser du rideau, pendant plusieurs secondes d'étonnement. J'ai été moi-même abasourdi (Green,Journal, 1948, p. 144).Quand le rideau tomba au milieu des applaudissements que traversèrent quelques coups de sifflet, il s'aperçut que ses mains étaient moites (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 362). − P. méton. Lever de rideau ♦ Pièce, spectacle de début de programme. Ce qui ne m'avait pas empêché de soutenir à M. de Norpois que Jules Ferry, sans doute possible, écrivait des levers de rideau (Proust,J. filles en fleurs, 1918, p. 949). ♦ Acteur, actrice, chanteur, chanteuse qui passe en début de programme (d'apr. Génin, Lang. planches, 1911, p. 46). − Rideau! [Cri de mécontentement des spectateurs devant un mauvais spectacle] Au fig., pop. C'est assez, cela suffit! Bon, intervint Corneille. Rideau! Laissons-le partir. Mettez-le sur son camion et que je ne le revoie plus ici (A. Aycard,La Route, 1964 [1956], p. 60 ds Cellard-Rey 1980). − Rideau de fond. Parties du décor qui constituent le fond de la scène (d'apr. Giteau 1970). − Rideau à l'italienne. Rideau qui s'ouvre en son milieu et qui remonte vers les portants (d'apr. Giteau 1970). − Rideau à la française. Rideau qui s'ouvre en son milieu et qui s'élève à la verticale (d'apr. Giteau 1970). − Loc. fig. Se tenir derrière le rideau. Être dans la coulisse prêt à intervenir. (Dict. xxes.). Le rideau est tombé. Une histoire, un événement, une période s'achève (Dict. xxes.). 2. P. anal. Rideau de fer a) [Au théâtre] Rideau métallique de protection séparant la scène de la salle en cas d'incendie. Puis, le spectacle achevé (...), lorsque le dernier machiniste chargé de baisser le rideau de fer de la façade était venu prendre congé du « patron », (...), nous quittions à notre tour le théâtre (Martin du G.,Souv. autobiogr., 1955, p. lxix). b) Rideau métallique de protection des devantures de magasins. Les rideaux de fer des deux magasins d'en bas qu'on lève (Butor,Passage Milan, 1954, p. 286). c) Au fig. Isolement politique qui sépare les pays communistes des pays capitalistes, matérialisé par un mur, des barbelés, etc. La similitude de certaines pratiques qui ne saurait être avouée par les doctrinaires des deux camps ennemis, la communauté des ignorances en deçà et au-delà du rideau de fer et − d'autre part − l'accomplissement de fonctions économiques analogues au sein de deux ensembles très différents d'institutions (Perroux,Écon. XXes., 1964, p. 610).P. anal. Rideau de bambou. Isolement politique de la Chine communiste. (Dict. xxes.). 3. TECHNOL. Rideau de cheminée. Synon. tablier. C. − P. anal. 1. Tout ce qui fait écran, obstacle à la vue, qui permet de se protéger des regards ou de se mettre à couvert. Rideau d'arbres, de brume, de feuillage, de la forêt, de lierre, de peupliers, de pluie, de verdure. Un rideau de flocons blancs ininterrompu miroitait sans cesse en descendant vers la terre (Maupass.,Contes et nouv., t. 2, Boule de suif, 1880, p. 119).Dans une lumière rougeâtre, de grands rideaux de fumée, et sur ce fond rose d'incendie, les silhouettes des spectateurs et la masse noire des ailes du Trocadéro (Green,Journal, 1946, p. 59). ♦ Faire rideau (de) (pop.). Ne pas obtenir un avantage escompté. Elle se fout de toi (...). Y a que l'autobus qu'a pas passé d'ssus, et toi, tu fais rideau (Fallet,Banl. Sud-Est, 1947, p. 89). 2. Spécialement − ART MILIT. Rideau de troupes. Cordon de troupes placé au devant de l'ennemi pour masquer les manœuvres du gros des troupes: La situation des Francs paraissait si désespérée que Saladin, négligeant leur misérable petite armée dont la reddition ne semblait plus qu'une question d'heures, décida, en laissant devant elle, vers Ascalon, de simples rideaux de troupes, de marcher droit sur la Judée, peut-être même jusqu'à Jérusalem vide de défenseurs.
Grousset,Croisades, 1939, p. 215. ♦ P. anal., SPORTS (rugby). Ligne de défense formée par les avants ou les trois-quarts. La dernière ligne [des avants] reste peu en mêlée, les trois hommes formant un rideau (L'Automobile, 5 mars 1908ds Petiot 1982). − GÉOGR. ,,Pente forte non cultivée séparant deux bandes de terre cultivées horizontales ou en pente moins forte`` (Cabanne Géogr. 1984). − MARINE ♦ Rideau d'eau. ,,Dispositif de défense contre l'incendie (paquebots) consistant à répartir une nappe d'eau sur une cloison métallique transversale`` (Gruss 1952). ♦ Rideau de fumée. ,,Fumée épaisse produite au moyen d'appareils spéciaux, pour se dissimuler ou masquer une escadre aux yeux de l'ennemi`` (Gruss 1952). Avec son blocus, ses raids lointains (...), ses engins qui plongent, avions et sous-marins, ses écouteurs, ses détecteurs, ses rideaux de fumée noire que l'on tend à la surface de la mer (...), la guerre actuelle tient de la magie des Mille et une Nuits (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p. 292).P. métaph. Le destin lève son rideau de fumée pour la répétition générale de la prochaine guerre (Malraux,Espoir, 1937, p. 755). ♦ Rideau de carène. ,,Toiles pendantes protégeant les flancs d'un navire contre la chaleur solaire`` (Gruss 1952). − PONTS ET CH. ,,Talus élevé au-dessus d'une route, d'un canal, etc.`` (Chesn. t. 2 1858). ,,Mur pour soutenir le pied d'un talus, d'une berge`` (Chesn. t. 2 1858). ,,Ensemble des chaînes, tringles et barres de fer qui soutiennent le plancher d'un pont suspendu`` (Chesn. t. 2 1858). Prononc. et Orth.: [ʀido]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1436 ridel « pièce d'étoffe (généralement plissée) tendue pour cacher, abriter quelque chose » (B. du comité Trav. hist., 1919, p. 192); cf. aussi ridellos, en 1347, dans un texte de moy. lat. d'Angleterre, v. Gay; 2. a) 1538 théâtre rideau (Est. d'apr. FEW t. 16, p. 705a); b) av. 1616 tirer le rideau sur qqc. (A. d'Aubigné, Tragiques, livre I ds
Œuvres, éd. E. Réaume et de Caussade, t. 4, p. 46); 3. a) α) 1755 « palissade de charmille » (D'Aviler, Dict. d'arch. d'apr. FEW t. 16, p. 705b);
β) 1780 rideau de palétuviers (Raynal, Hist. philos., éd. J.-L. Pellet, t. 6, p. 391); b) 1798 (Ac.: on dit figurément d'une allée d'arbres ou d'une suite de maisons qui arrête la vue, et cache les objets plus éloignés, qu'elle forme rideau); 4. 1870-71 « tablier de cheminée » (Littré); 5. rideau de fer a) 1893 théâtre (Moynet, Machinerie théâtr., p. 40); b) 1900 « fermeture métallique de la devanture d'un magasin » (Colette, Cl. école, p. 187); c) 1945 pol. (L'Aurore, 20 oct. ds Quem. DDL t. 18). Dér. de rider* A; suff. -eau*. Au sens 5 c, calque de l'angl. iron-curtain (déjà att. en 1920, mais rendu célèbre par Churchill en 1946, v. NED Suppl.2). Fréq. abs. littér.: 4 064. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 692, b) 7 771; xxes.: a) 6 827, b) 5 862. Bbg. Archit. 1972, p. 121, 154. − Quem. DDL t. 18, 25 (s.v. rideau de fumée; rideau-réclame), 33 (s.v. rideau(-)vitrail). − Walt. 1885, p. 75. |