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RICHESSE, subst. fém.
A. − Abondance de biens, de moyens, de revenus; état, condition d'une personne qui possède des biens très importants, qui a beaucoup de ressources, de revenus. Synon. fortune, opulence; anton. besoin, dénuement, misère, pauvreté.Signe extérieur de richesse; transmission héréditaire de la richesse. Couronné d'un dais et formé d'une superposition d'étagères garnies d'étoffe, où toutes les pièces précieuses, mises bien en vue et reluisant de leur or et de leur argent, témoignent avec éclat de la richesse du possesseur (Faral,Vie temps st Louis, 1942, p. 158).V. moelleux ex. de Theuriet.
Proverbes
Contentement* passe richesse. Embrassons-nous, Margoton, et répétons tous deux: Contentement passe richesse (Leclercq,Prov. dram., Savet. et financ., 1835, 10, p. 240).Var. Jeunesse passe richesse. Vous me rappelez, lui dis-je, le premier argent que j'ai gagné (...) je fis de cet argent un vêtement complet, avec gilet jaune, et je connus les succès mondains; il y avait en ce temps-là, dans chaque province, une cousine de Musset qui tenait salon. Jeunesse passe richesse (Alain,Propos, 1921, p. 286).
La richesse ne fait pas le bonheur. Var. de l'argent ne fait pas le bonheur*. Il en est des pays comme des individus: la richesse ne fait pas le bonheur (Verne,Enf. cap. Grant, t. 2, 1868, p. 97).
B. − P. ext.
1. [Notamment en parlant d'objets d'art, de décor.] Caractère de ce qui est de grand prix, de grande valeur, de ce qui est précieux. Objet d'une grande richesse. Sous Louis XIV, les meubles regagnent en richesse ce qu'ils ont perdu en grâce et en légèreté (Nosban,Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 250).
2. [À propos d'une couleur] Éclat et variété des nuances, des couleurs. Richesse de la palette d'un peintre. Tout est mélancolique dans Watteau, jusqu'aux verdures. Il a pour ses paysages la palette de l'automne, la dernière richesse des feuilles et des tons (Goncourt,Journal, 1862, p. 1154).
3. Caractère de ce qui contient quelque chose en quantité appréciable. Les ouvrières se distribuent sur les fleurs proportionnellement à la fois au nombre des plantes d'une même espèce et à leur richesse mellifère (Maeterl.,Vie abeilles, 1901, p. 124).
Richesse (de qqc.) en + subst. indiquant la chose qui est présente en abondance.Richesse en méthane d'un mélange. Dans les montagnes humides, la richesse en humus est telle que les effets de la nature de la roche mère sont effacés par le temps (Wolkowitsch,Élev., 1966, p. 99).
En partic. [À propos du sol] Possibilité, faculté de fournir des productions naturelles en abondance. Richesse naturelle. La saveur des fruits d'un arbre ne dépend pas de la figure du paysage qui l'environne, mais de la richesse invisible du terrain (Valéry,Variété IV, 1938, p. 98).V. choix ex. 10.
C. − P. méton., le plus souvent au plur.
1. Tout ce qui est susceptible de combler, de satisfaire les désirs, les besoins de l'homme. Les richesses de la nature; richesses naturelles, végétales. L'eau se trouve être la richesse économique par excellence; elle est, pour les hommes, plus richesse que la houille ou que l'or (Bruhnes,Géogr. hum., 1942, p. 31).
2. ÉCON. POL. Tout bien matériel, tout produit qui peut être un objet de propriété. Augmenter la masse des richesses nationales; circulation, consommation des richesses; production, distribution des richesses; source de richesses. Je crois en avoir dit assez pour prouver au contraire l'analogie complète qu'il y a entre le numéraire et toutes les autres richesses. Ce qui est richesse pour un particulier, l'est pour une nation (Say,Écon. pol., 1832, p. 258):
Il n'existe aucun mot adéquat pour désigner ce qui fait l'objet même de la science économique! Les jurisconsultes emploient le mot de biens (...). Les économistes emploient le mot de richesse [it. ds le texte] mais celui-ci a le grave inconvénient d'avoir reçu déjà une signification vulgaire qui est celle de fortune opposée à la pauvreté (...) le mot de richesse implique d'ailleurs une autre idée que celle de jouissance: celle de puissance. Ch. Gide, Cours d'écon. pol., Paris, Sirey, 1909, p. 47.
En partic. Les biens matériels, l'argent, les objets de valeur. Richesses excessives; de grandes richesses amoncelées; entasser des richesses incalculables. Ses caprices d'ajustement forçaient souvent Emilia de puiser dans les richesses héréditaires des comtesses de Blankenbourg: satins, brocards, dentelles, joyaux, gorgerettes de pierreries, mousselines et damaras des Indes (Bourges,Crépusc. dieux, 1884, p. 79).
P. anal. Bien, objet ayant une valeur pour quelqu'un en particulier. Je le vis mourir à l'hôpital de Mâcon, sur un grabat, ayant toute sa richesse sur une chaise au pied de son lit, avec son chien blanc (Lamart.,Nouv. Confid., 1851, p. 89).Il convenait, d'ailleurs, d'inventorier toutes les richesses contenues à bord, et de tout disposer pour leur sauvetage (Verne,Île myst., 1874, p. 455).
3. Activité, ressource qui permet de produire des biens. Tout Juvigny est en liesse. La vigne est la principale richesse du sol (Theuriet,Mariage Gérard, 1875, p. 193).L'Allemagne n'a point conquis encore la place qui devrait lui revenir dans le monde économique en raison des richesses minéralogiques de son sol (Sorel,Réflex. violence, 1908, p. 379).
4. P. anal. Ce qui possède en soi une certaine valeur. Richesses littéraires. La reconnaissance du patrimoine touristique. La France est évidemment l'un des pays les plus riches sous le rapport des beautés naturelles et des richesses artistiques (Jocard,Tour. et action État, 1966, p. 165).
D. − Au fig. Caractère de ce qui renferme, offre, présente beaucoup de matière, de ressources, de possibilités de développement, de ce qui dénote une grande activité artistique ou intellectuelle. Richesse du langage, du style; richesse de l'orchestration; richesse intellectuelle, intérieure. Le désir d'amabilité n'était pas égalé chez elle par la fertilité de l'imagination et la richesse du vocabulaire (Proust,Sodome, 1922, p. 946).
Une richesse de + subst.Une richesse de pensées. Il m'entretenait des monuments et des objets d'art avec une richesse de connaissances qui s'expliquait par la profession de son père (Lacretelle,Silbermann, 1922, p. 106).
Prononc. et Orth.: [ʀiʃ εs]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1121-34 richeise « puissance » (Philippe de Thaon, Bestiaire, 1634 ds T.-L.); 1155 richesce « id. » (Wace, Brut, 2757, ibid.); 2. ca 1140 « caractère de ce qui possède l'éclat, l'opulence, la somptuosité des choses précieuses » (Geffrei Gaimar, Hist. des Angl., éd. A. Bell, 3930: les richesces de la feste); 3. a) 1562 « fertilité agricole (d'un pays) » (Du Pinet, Hist. du monde de C. Pline Second, I, 624 d'apr. FEW t. 16, p. 714a); b) α) 1647 les richesses (de la langue) (Vaug., préf., XV, § 3); β) 1718 « qualité de ce qui contient en abondance » (Ac.: la richesse de la mine). B. 1. Plur. a) 1121-34 richeises « les possessions matérielles » (Philippe de Thaon, op. cit., 1298 ds T.-L.); 1155 richesces « id. » (Wace, op. cit., 6582, ibid.); b) 1remoit. du xiies. richeises « objets de grande valeur » (Psautier Oxford, 61, 10, ibid.); ca 1274 richesces « id. » (Adenet le Roi, Berte, éd. A. Henry, Genève, Droz, 1982, 267); 2. 1694 écon. pol. (Ac.). Dér. de riche*; suff. -esse1*. La forme -eise, -oise qui apparaît en a. fr. à côté de -e(s)ce est la continuation phonét. du suff. lat. -ĭtia (v. Fouché t. 2, pp. 282-283). Le sens de « opulence, possession de grands biens » ne semble assuré que vers 1265 (Brunet Latin, Trésor, éd. Fr. Carmody, livre II, chap. 21, 21, p. 192: richece) ou peut-être déjà à la fin du xiie-déb. xiiies., Robert de Boron, Roman de l'Estoire du Graal, éd. W. A. Nitze, 1120: richesces), v. Th. Venckeleer ds XIIIeCongrès Internat. de Ling. et Philol. Rom. (1971), Québec, 1976, t. 2, pp. 16-17). Fréq. abs. littér.: 4 162. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 8 322, b) 4 913; xxes.: a) 4 785, b) 5 088. Bbg. Dub. Pol. 1962, p. 411. − Maulnier (Th.). Le Sens des mots. Paris, 1976, pp. 205-209. − Mombello (G.). Les Avatars de talentum: ... Torino, pp. 77-78, 105, 161, 187, passim. − Quem. DDL t. 11. − Vardar Soc. pol. 1973 [1970], p. 304.