| RHÉTEUR, subst. masc. A. − ANTIQ. Personne qui enseignait l'éloquence; maître de rhétorique. Les sophistes et les rhéteurs; un rhéteur célèbre, habile. Un pape ignorant avait persécuté un diacre pour avoir soutenu la rondeur de la terre, contre l'opinion du rhéteur Augustin (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p. 142).Camulogènes (...) élevé parmi les quarante mille disciples des écoles d'Augustodunum (...) avoit perfectionné une éducation brillante sous les rhéteurs les plus célèbres de Marseille et de Burdigalie (Chateaubr., Martyrs, t. 2, 1810, p. 27). B. − 1. Personne qui parle bien, orateur éloquent. C'était un galant homme de lettres, un élégant rhéteur, prêt à goûter doucement les plaisirs de l'esprit et à converser avec grâce parmi les honnêtes gens (A. France, Vie littér., 1892, p. 183).Quelquefois il entrait au Parlement et écoutait les orateurs. Il les jugeait sans indulgence: (...) j'ai entendu Canning, c'était un grand rhéteur, mais il y avait toujours dans ce qu'il disait un peu trop de lieux communs (Maurois, Disraëli, 1927, p. 50). − P. anal. Écrivain au style riche, maître dans l'art d'écrire. Jamais M. Villemain ne s'est montré rhéteur plus accompli (au meilleur sens du mot) que dans ce morceau où il parle précisément contre les rhéteurs, et où il traduit une pensée d'homme d'État (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 6, 1852, p. 161).Victor Hugo, le maître des constructions verbales, le rhéteur génial du rythme et du mot (Gaultier, Bovarysme, 1902, p. 83). 2. Péj. Personne, orateur dont l'éloquence apprêtée, déclamatoire et artificielle s'attache à mettre en valeur l'aspect formel du discours sans souci du contenu. Lieu commun de rhéteur. Des commentateurs subtils, des érudits sans jugement, ou, qui pis est, des tribuns et des charlatans de place, des rhéteurs et sophistes de toutes sortes qui trafiquent indifféremment de la parole? (Sainte-Beuve, Portr. littér., t. 3, 1847, p. 308).Il lui restait [à Anaïs] d'avoir discuté avec son frère une dialectique accrocheuse, d'acrobatiques subtilités de rhéteur et, dans sa tête folle, des coins de robuste bon sens où elle s'amarrait solidement pour dérouler avec plus de sûreté ses sophismes, ses arguties et ses divagations poétiques (Aymé, Confort, 1949, p. 124). − P. anal. Écrivain dont le style pompeux et artificiel cache la pauvreté de l'inspiration et la médiocrité de l'œuvre. Voilà (...) où nous en sommes en France pour Shakspeare. Il contrarie un grand nombre de ces habitudes ridicules que la lecture assidue de Laharpe et des autres petits rhéteurs musqués du dix-huitième siècle nous a fait contracter (Stendhal, Racine et Shakspeare, t. 1, 1823, p. 22).L'auteur était quelque rhéteur à la mode, habile à orner le sujet (A. France, Génie lat., 1909, p. 3). Rem. Empl. adj. de rhéteur: Cet esprit d'exagération est souvent désintéressé; il dérive du désir habituel de produire un effet; en d'autres termes, il est le résultat du génie oratoire et rhéteur, qui est un défaut et une puissance de notre caractère national (Michelet, Introd. Hist. univ., 1831, p. 452). La critique des œuvres de la pensée a toujours été faite à un point de vue étroit, rhéteur, et la critique de l'histoire faite à un point de vue politique, moral, religieux, tandis qu'il faudrait se placer au-dessus de tout cela, dès le premier pas (Flaub., Corresp., 1853, p. 272). Prononc. et Orth.: [ʀetœ:ʀ]. Ac. 1694-1740: rhe-; dep. 1762: rhé-. Étymol. et Hist. 1. 1534 retheur « celui qui fait profession de l'art de la rhétorique » (G. Michel, Joseph juif et hebrieu, historiographe grec, de l'antiquité judaïque [trad. du lat.], f o160 r o); 1539 rheteur (Est. ds Gdf. Compl.); 1548 (Sebillet, Art poétique, éd. Gaiffe, p. 25 d'apr. P. Zumthor ds Neophilologus t. 39 1955, p. 183); 2. id. « maître de l'Antiquité dont les ouvrages font autorité en matière de rhétorique » (Id., ibid., p. 29, ibid., p. 180); 3. 1694 péj. (Ac.: cet homme-là n'est point Orateur, ce n'est qu'un Rheteur). Empr. au lat.rhetor « orateur; rhéteur ». Fréq. abs. littér.: 174. |