| RETRANCHER, verbe trans. I. − Enlever, ôter. A. − Vieilli ou littér. Retrancher qqc. (de qqc.).Enlever en coupant. Il faut retrancher plusieurs branches de cet arbre (Ac.).Les chirurgiens regardaient les plaies et ils taillaient à même la chair pour retrancher tout ce qui était douteux (Duhamel,Passion J. Pasquier, 1945, p. 153).V. accablé ex. 13. B. − Retrancher qqc. de qqc., plus rarement à qqc.Enlever, ôter, supprimer. 1. Vieilli ou littér. Retrancher un plat d'un repas. On ne saurait retrancher tous les abus (Ac.1835, 1878).Pour n'être pas vieux garçon il faut mourir jeune ou se marier. Le suicide étant retranché des ressources disponibles, il ne reste guère que l'autre voie d'ouverte (Amiel,Journal, 1866, p. 405).La grande sagesse païenne ne peut pas être retranchée de la tradition humaniste (Maritain,Human. intégr., 1936, p. 10).V. détruire B 1 ex. de Renan. 2. En partic., cour. a) [Le compl. d'obj. et l'éventuel compl. prép. désignent une chose quantifiable, une valeur numérique] Synon. décompter, déduire, défalquer.Ses 75 francs par mois − desquels il faut retrancher trente francs, sa pension (Colette,Cl. école, 1900, p. 253).En retranchant le premier temps du second, on obtient un reste de 1 h 5 mn 25 s (Divin.1964, p. 242).V. ajouter ex. 1, électrostatique ex. 1. b) [Le compl. d'obj. et l'éventuel compl. prép. désignent un écrit, un énoncé] Synon. retirer, supprimer.Retrancher des longueurs, un passage, une phrase d'un texte; ne pas ajouter ni retrancher un seul mot. Et tel était l'enchaînement des idées, dans ce bel ouvrage, qu'on ne pouvait retrancher une page sans détruire tout le reste (A. France,Livre ami, 1885, p. 225).Beethoven avait écrit, dans son cahier, ce passage, retranché, depuis, de la rédaction définitive de l'Ode à la joie (Rolland,Beethoven, t. 1, 1937, p. 208).V. ajouter ex. 3, 4. 3. Vieilli ou littér. a) Retrancher qqc. à qqn.Enlever, supprimer quelque chose d'avantageux , d'agréable à quelqu'un. Retrancher son traitement à qqn. Les médecins lui ont retranché le vin (Ac.1835, 1878).Ma mère ne veut plus vous voir, je perds le bonheur de nos soirées, mais ne me retranchez pas le court moment pendant lequel je vous parle à votre fenêtre (Balzac,U. Mirouët, 1841, p. 216).M. Méridier refusa que la présence de son fils lui fût retranchée, même pour quelques jours (Malègue,Augustin, t. 1, 1933, p. 288). − Empl. pronom. réfl. indir. Le secret de celui-ci [Goethe] pour rester jeune, c'est-à-dire dans l'équilibre de ses forces, c'était de se retrancher progressivement quelque chose dans son alimentation (Michelet,Chemins Europe, 1874, p. 412).V. autorité ex. 5, embrasser ex. 6. b) Empl. abs. Retrancher sur, plus rarement de, dans qqc.Faire des économies, des diminutions. Synon. économiser, rogner.S'il n'avait pas retranché dans sa dépense, dans son train, il était ruiné avant six mois (Ac.1835, 1878).Le Roi avait fait beaucoup de retranchemens sur sa maison, (...) des officiers royaux avaient été supprimés, (...) on avait même retranché sur les gages des compagnies de justice (Barante,Hist. ducs Bourg., t. 1, 1821-24, p. 207).Retrancher sur la consommation ne se peut; comment retrancher du nécessaire? (Proudhon,Propriété, 1840, p. 264). − Empl. pronom. réfl. Il a mieux aimé se retrancher que de s'endetter (Ac.1835, 1878). c) Empl. pronom. réfl. dir. Se retrancher à qqc.Se restreindre à quelque chose. Il voyait autrefois beaucoup de monde, il s'est retranché à ne recevoir que peu de personnes. Il s'est retranché à la moitié de sa dépense (Ac.). C. − [Le plus souvent avec un compl. prép. désignant un ensemble de pers. ou le milieu dans lequel vit une pers.] Retrancher qqn (de qqc.).Rejeter, éliminer, exclure. Retrancher qqn du monde, de la réalité, du réel, du siècle, de la société; retrancher qqn du nombre de ses amis. On sait les défauts de Southey, de Wordsworth, de tous ces Alexandrins modernes (...) se résignerait-on aisément à les retrancher tous ensemble, à les rayer d'un trait? (Sainte-Beuve,Portr. contemp., t. 5, 1843, p. 447).À partir du moment où la peste avait fermé les portes de la ville, (...) ils avaient été retranchés de cette chaleur humaine qui fait tout oublier (Camus,Peste, 1947, p. 1463). − Vieilli ♦ Retrancher qqn du nombre des vivants. Tuer, faire mourir quelqu'un. Individus retranchés du nombre des vivans (...) par les contagions, les famines ou les guerres (Say,Écon. pol., 1832, p. 425).[Sans compl. prép.] Rien ne retranche plus efficacement les hommes, que ce qui les prive de leurs moyens d'exister (Say,Écon. pol., 1832, p. 427).Nous mesurons le vide que laissa au milieu de nous la mort soudaine de M. Caro. M. Caro fut retranché en pleine vie (A. France,Vie littér., 1888, p. 339). ♦ Retrancher qqn de la communion des fidèles, de l'Église. Excommunier quelqu'un. Prosterné devant le chef des chrétiens, qui m'avoit retranché de la communion des fidèles, je le suppliai de me réunir au troupeau (Chateaubr.,Martyrs, t. 2, 1810, p. 109).Frapper d'excommunication, retrancher de l'Église (...) tous les députés qui ont voté la loi (Huysmans,Oblat, t. 2, 1903, p. 61). − Empl. pronom. réfl. dir. Se retrancher du monde, de la société. Si le programme plus haut élaboré correspond vraiment à une suite de buts réels, (...) c'est en me retranchant de l'heure présente que je les maintiens devant moi (J. Bousquet,Trad. du sil., 1936, p. 132). II. − Empl. pronom. réfl. dir. ou au part. passé A. − [Corresp. à retranchement B 1] Se défendre/défendu par des retranchements. Se retrancher derrière un réseau de barbelés; être retranché dans une citadelle; ennemi fortement, solidement retranché; camp, position retranché(e). L'avant-garde de Bajazet s'était retranchée derrière des pieux aigus plantés en biais (Barante,Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24, p. 192).Le très mauvais temps gêne les assaillants beaucoup plus que les Allemands, retranchés sur des positions depuis longtemps aménagées (Gide,Journal, 1944, p. 266). − P. ext. S'abriter/abrité. Se retrancher/retranché derrière une haie. [Le major] allongea à toute volée une gifle au capitaine (...). Les petits rentiers, terrifiés, se retranchèrent derrière leur table, croyant que tous ces soldats allaient tirer leurs sabres et les massacrer (Zola,Cap. Burle, 1883, p. 51).Alexis, retranché dans la chambre, acceptait, le dos courbé, les apparitions de MmeLoiseau (Triolet,Prem. accroc, 1945, p. 217). B. − Au fig. Se retirer/retiré pour se protéger. Se retrancher/retranché dans son mutisme, dans le silence, derrière le secret professionnel; se retrancher/ retranché en soi-même. [La] diplomatie (...) permet aux ignorants de ne rien dire, de se retrancher dans des hochements de tête mystérieux (Balzac,Illus. perdues, 1837, p. 50).Obstinément, malgré la douceur, malgré la violence, elle demeurait retranchée dans sa réserve agressive (Beauvoir,Invitée, 1943, p. 330). Rem. On relève qq. ex. de l'empl. actif: Les ennemis avaient retranché leur camp. Il avait retranché son armée sur une hauteur (Ac.). Je serais inexcusable de laisser la tristesse noire investir la tour des prodiges où la prière nous a retranchés (Bloy, Journal, 1895, p. 204). Ils font dans la plaine, avec leurs charrettes, un parc long et étroit où ils retranchent les gens de cheval (France, J. d'Arc, t. 1, 1908, p. 159). REM. Retranché, -ée, part. passé en empl. adj.,au fig. a) [En parlant d'une pers.] Qui se retire dans une attitude défensive, qui se replie sur soi pour se défendre. Ortensia, retranchée et imprenable, n'avait pas un mouvement, pas un regard (Arnoux,Rossignol napol., 1937, p. 73).b) [En parlant d'un attribut, d'une manifestation d'une pers.] Qui est propre à une telle personne. Son lourd vêtement, sa face blême aux larges paupières, son attitude professorale et retranchée, en aucun lieu ne trouveraient leur atmosphère (Barrès,Barbares, 1888, p. 70). Prononc. et Orth.: [ʀ
ətʀ
ɑ
̃
ʃe], (il) retranche [-tʀ
ɑ
̃:ʃ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) Ca 1135 retranchier « ôter entièrement, supprimer » (Couronnement Louis, éd. Y. G. Lepage, rédaction AB, 314); b) 1559 se retrencher de qqc. « se priver de quelque chose » (Amyot, Vies, Publicola, f o70 v o); 2. a) 1155 retrenchier « faire des économies (sur quelque chose), diminuer une dépense » (Wace, Brut, 1888 ds T.-L.); b) 1656 se retrancher « faire des économies » (Pascal, Provinciales, XII, éd. L. Lafuma, p. 426); c) 1666 se retrancher à « se restreindre à » (Corneille, Agésilas, IV, 4). B. 1. 1611 « munir (une place) de fossés, de tranchées, etc., pour arrêter l'ennemi » (Cotgr.); 2. 1652 se retrancher « se mettre à l'abri derrière quelque chose » (La Rochefoucauld, Mém., éd. D. L. Gilbert et J. Gourdault, t. 2, p. 375); 3. 1662 se retrancher sur qqc. « borner son attitude à » (Molière, École des femmes, IV, 8). Dér. de trancher*; préf. re-*. Fréq. abs. littér.: 1 133. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 356, b) 1 483; xxes.: a) 896, b) 1 471. |