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RETORS, -ORSE, adj.
A. − FIL. [En parlant d'un fil] Obtenu en assemblant, par une torsion généralement inverse, des fils ayant déjà subi une torsion. Les fils formés de deux ou plusieurs bouts que l'on tord ensemble, après les avoir tordus séparément, sont des fils retors: ce sont les plus solides (Doresse,Tissus fém., 1949, p. 63).V. retordage dér. s. v. retordre ex. de Thiébaut.
Empl. subst. masc. Fil retors. Outre le nombre de tours de torsion, le sens de torsion donné aux fils simples et au retors lui-même est très important (Thiébaut,Fabric. tissus, 1961, p. 14).P. méton. Tissu fabriqué avec du fil retors. Les costumes de ville ou de bureau se font à trois boutons (...) taillés dans des fil-à-fil, flanelle, cheviotte ou retors (Le Monde, 1ernov. 1951, p. 6, col. 4).
B. − Tordu, recourbé. Ses larges mains, armées d'ongles longs, durs et retors (Hugo,Han d'Isl., 1823, p. 71).Je serai un vieux cassé, un vieux courbé, un vieux noueux. Je serai un vieux retors (Péguy,V.-M., comte Hugo, 1910, p. 672).
En partic. Sinueux, tortueux. Je gagnais (...) le Saut de la Bergère (...) par un sentier ardu, étranglé, retors (Arnoux,Zulma, 1960, p. 266).P. métaph. Je le vois [mon père], tenant cet exemplaire usagé [de Montaigne] (...) savourant ces phrases retorses, pleines d'un suc qui coule avec le naturel, en spires et volutes capricieuses (L. Daudet,Monde images, 1919, p. 23).
C. − Au fig.
1. [En parlant d'une pers. ou d'un attribut de la pers.] Qui est très rusé, use de moyens détournés pour arriver à ses fins. Synon. cauteleux, finaud, madré, malin, matois.Avocat, diplomate, paysan, policier, politicien retors; caractère, nature retors(e). Ah! quelle petite sournoise, se dit Sylvie, elle a l'esprit retors, et maintenant je suis sûre que cette petite couleuvre entortille le colonel (Balzac,Pierrette, 1840, p. 102).À chaque défaut du père Gueroult correspondait, dans le caractère d'Albert, un relief. Celui-ci était aussi droit, aussi franc, que l'autre était retors et papelard (Gide,Si le grain, 1924, p. 399).
Retors en + compl. indiquant dans quel domaine s'exerce la ruse, l'habileté.Retors en politique. M. Pelledent (...), paysan madré, très sournois, très retors en toute question d'argent (Maupass.,Contes et nouv., t. 2, Pte Roque, 1885, p. 1032).Rusé, madré, retors en fait de procédure, il eût rendu des points à Chicaneau (A. France,Pt Pierre, 1918, p. 183).
[Parfois en parlant d'un animal] Le cerf était de bonne qualité et retors. Il fallut dix heures pour le prendre (Vialar,Bien-aller, 1952, pp. 54-55).
Empl. subst. Personne retorse. Le monde va toujours chercher midi à quatorze heures, et par conséquent est toujours dérouté par la franchise. Les retors sont dépaysés dans la bonhomie (Amiel,Journal, 1866, p. 454).[Dans le tour ce retors de] Est-ce que ce retors de marquis aurait la prétention de me jouer? Comblé de mes bontés, ce serait vraiment trop infâme! (Sandeau,Mllede La Seiglière, 1848, p. 252).
2. [P. méton.]
a) [En parlant (d'un trait, d'une expression) du visage] Qui manifeste un caractère retors. Sourire retors. Toutes les têtes que je vois sont des têtes d'avoués, − fines, retorses, renardées, − ou des têtes d'imbéciles (Goncourt,Journal, 1862, p. 1205).Sur sa face de gnome, (...) on distinguait une curieuse expression, à la fois innocente et retorse, comme dupe de ses propres ruses (Lacretelle,Hts ponts, t. 3, 1935, p. 184).
b) [En parlant d'un comportement, d'actes, de productions de la pers.] Qui est le fait d'une personne retorse. Conseil, stratagème retors; politique retorse. On n'oserait affirmer que, sans Louis XIV et ses procédés écrasants, Victor-Amédée, né comme il était, eût eu une conduite toute différente, moins retorse et moins subtile (Sainte-Beuve,Nouv. lundis, t. 7, 1864, p. 99).Plus le pouvoir de cet homme est grand, plus il est borné par l'inertie résultant de la vénération qu'il inspirera aux uns et par l'inlassable activité des autres, qui mettront en œuvre les moyens les plus retors pour le ruiner (Breton,Manif. Surréal., Prolégomènes à un 3eManif., 1942, p. 193).
3. Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Caractère retors de quelque chose; ce qui manifeste un caractère retors. La science humaine dans tout son fin et son retors et son déniaisé, pour parler comme lui, voilà l'objet propre, le champ unique de Naudé (Sainte-Beuve,Portr. littér., t. 2, 1843, p. 482).En haut du visage, des yeux très expressifs et d'une douceur charmante; mais dans le bas, des coins de bouche où il y a du retors, du félin (Goncourt,Journal, 1883, p. 240).
Prononc. et Orth.: [ʀ ətɔ:ʀ], [-ɔ ʀs]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1200-20 retort « tordu, recourbé » (Pseudo-Turpin, éd. F. Wulff, I, p. 17, 28-29: grant baston retort); 2. 1erquart xiiies. « qui a été retordu » (Reclus de Molliens, Miserere, éd. A. G. van Hamel, CXXII, 7: fil retuers); ca 1256 (Aldebrandin de Sienne, Régime du corps, éd. L. Landouzy et R. Pépin, p. 74: fil de lainne retors); 1904 subst. « fil obtenu par retordage » (Nouv. Lar. ill.); 3. 1740 « fin, rusé, artificieux » (Voltaire, Lettre à Frédéric II, 20 juill. ds Œuvres, éd. 1880, t. 35, p. 484: le plus retors et le plus hardi libraire du pays); 1756 subst. (Vadé, Les Racoleurs, p. 23: vlà la Ramée qui vient: c'est un r'tort dans la parole); 1798 retors subst. (Ac.). Anc. part. passé de retordre*. Fréq. abs. littér.: 106.