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RESSUSCITER, verbe
I. − Empl. intrans.
A. −
1. Qqn ressuscite
a) Revenir ou sembler revenir de la mort à la vie. Marthe: Oh! je serai morte avant qu'il entre dans cette chambre! Le mauvais ange: Qu'importe, si tu ressuscites quand il sera entré? (Dumas père, Don Juan, 1836, v, 2, p. 93).Ton fils ressuscitera (Monod, Sermons, 1911, p. 155).
b) THÉOLOGIE
α) [Le suj. désigne Jésus-Christ] Passer de la mort à la vie éternelle. De Dieu le père est né Jésus-Christ son fils, qui est à la fois homme et Dieu et sans péché. Il n'a pas eu besoin de mourir, mais il est mort volontairement et il est ressuscité pour faire vivre éternellement avec lui ses frères et sœurs sans péché (Caron, Hutin, Alchimistes, 1959, p. 154).
β) [Le suj. désigne tous les hommes et, p. méton., leurs corps] Passer de la mort à l'immortalité. S'étant fait oindre d'essences parfumées et habiller de ses plus beaux vêtements afin d'honorer ce corps qui doit ressusciter au jour du jugement dernier (A. France, Balth., Abeille, 1889, p. 154).
2. [Le suj. désigne un organisme inférieur] Revenir à la vie après une suspension prolongée de tout phénomène vital:
Doyère (...) a étudié (...) sur les animaux signalés par Spallanzani comme pouvant ressusciter, les effets de la dessiccation par évaporation simple et par élévation de température. (...) la suspension de la vie a été prolongée par Doyère pendant 28 jours, sans que la faculté de revivre à l'humidité fût détruite. Privat-Foc.1870.
B. − P. ext.
1. Fam. Qqn ressuscite.Guérir, retrouver la santé après une très grave maladie; paraître ragaillardi. Ce malade est ressuscité. P. anal. Ma parole, Madame, il ressuscitait [un vieux caniche]! Pas plutôt maquillé, il marchait sur ses pattes de derrière (Colette, Music-hall, 1913, p. 177).
2. Littér. [Le suj. désigne un élément de la nature] Se manifester à nouveau; manifester une vie nouvelle, retrouver la vigueur, la vitalité. La nature ressuscite. L'aimable printemps, que j'avais cru à jamais passé, ressuscitait paré de couleurs éclatantes (Nerval, Nouv. et fantais., 1855, p. 99).
C. − Au fig.
1. Qqc./qqn ressuscite.Revivre en pensée, revenir à l'esprit. Son passé ressuscite [au chat], il revoit ses gouttières Où, matou lovelace et toujours triomphant, Il s'amuse à courir pendant des nuits entières Les chattes qu'il enjôle avec ses cris d'enfant (Rollinat, Névroses, 1883, p. 106).
2. Réapparaître, renaître, se réveiller, revivre.
a) Qqc. ressuscite.[Le suj. désigne un sentiment] Passion qui ressuscite. Tandis que toutes mes phrases nient son amour, je sens le mien ressusciter (Estaunié, Solitudes, 1917, p. 149).
b) Qqc./qqn ressuscite.[Le suj. désigne une idée, une chose appartenant en partic. au domaine de l'art et, p. méton., une pers. tombée dans l'oubli ou passée de mode] Artiste, pièce, romancier qui ressuscite. Le mélodrame (...) est encore plus mort que lui [le drame romantique] dans les tendresses du peuple; ses sensibleries fausses (...) ses gasconnades impudentes, l'ont fait prendre en mépris (...) à ce point qu'on se tient les côtes, lorsqu'il tente de ressusciter (Zola, Th. Raquin, 1878, i, p. ii).Le Barbier vivra tant qu'il y aura des amateurs de théâtre lyrique, et le comte Ory mériterait bien de ressusciter (Dumesnil, Hist. théâtre lyr., 1953, p. 123).
Rem. En empl. intrans., ce verbe ,,s'emploie aujourd'hui couramment avec être, même s'il s'agit d'exprimer l'action en train de s'accomplir: Lazare est ressuscité à la voix de Jésus`` (Hanse Nouv. 1983).
II. − Empl. trans.
A. − Ressusciter qqn
1. Ramener de la mort à la vie. Ressusciter les morts. Quel était le Christ qui avait ressuscité la jeune fille déjà couchée dans la tombe (Dumas père, Kean, 1836, iii, 12, p. 154).[Maïakovski] parle avec un chimiste de l'avenir, capable de ressusciter les morts depuis longtemps disparus, et le supplie: « Commence par moi, j'aimais tant la vie! » (Arts et litt., 1936, p. 54-7).
Loc. fam., fig. Ressusciter un mort. [Le suj. désigne un alcool, un remède] Produire un effet très énergique. Ce vin serait capable de ressusciter un mort (Ac.).
2. THÉOL. Faire passer de la mort à l'immortalité. Notre Seigneur Jésus-Christ, qui viendra ressusciter les morts (A. France, Jocaste, 1879, p. 66).
B. − P. ext.
1. Fam. Ressusciter qqn.Guérir un malade d'une manière prompte ou surprenante. Ce remède l'a ressuscité (Ac.1835-1935).J'appartiens à cette espèce de moribonds que l'extrême-onction ressuscite (Mauriac, Mém. intér., 1959, p. 200).
MÉD. Ranimer quelqu'un en état de mort apparente. V. ressuscitation ex. de Baudelaire.
2. Littér. [Le compl. désigne un végétal] Donner une nouvelle vigueur à, une vie nouvelle à. L'aube au matin ressuscite les fleurs, Et votre vue apaise les douleurs (Verlaine, Premiers vers, 1858-66, p. 6).Sois béni, vert printemps, si cher aux cœurs blessés, Puisqu'en ressuscitant la flore ensevelie Tu parfumes de grâce et de mélancolie Les paysages morts que l'hiver a laissés (Rollinat, Névroses, 1883, p. 15!!).
C. − Au fig.
1. Ressusciter qqn.Faire retrouver à quelqu'un la joie de vivre, le bonheur. Synon. fam. ragaillardir, ravigoter.Cette bonne nouvelle l'a ressuscité (Ac.1835-1935).
2. Ressusciter qqc./qqn.Faire revivre par la pensée, la parole, les écrits, des personnes ou des faits du passé. Ressusciter un personnage disparu. Que deviennent les morts que nous ressuscitons dans nos conversations et dans nos souvenirs et qui retombent dans leurs tombes? (Maeterl., Autre monde, 1942, p. 122).
Empl. abs. Ainsi le but de l'art est presque divin: ressusciter, s'il fait de l'histoire; créer, s'il fait de la poésie (Hugo, Préf. Cromwell, 1827, p. 30).
3. Faire réapparaître, faire renaître, faire revivre quelque chose.
a) Ressusciter qqc.[Le compl. désigne un sentiment] Ressusciter ses angoisses, ses joies; ressusciter le bonheur d'autrefois. Julien, me dit-elle avec un accent de résolution qui ressuscita mes espérances mortes, je ne veux pas que tu quittes Octon (Fabre, J. Savignac, 1863, p. 227).Elle le ressuscita [son chagrin] d'entre mille sensations (Carco, Homme traqué, 1922, p. 183).
b) Ressusciter qqc./qqn.[Le compl. désigne une idée, une chose appartenant en partic. au domaine de l'art et, p. méton., une pers. tombée dans l'oubli ou passée de mode] Ressusciter un art, un artiste, une coutume, une mode, une opinion. Mon intention très arrêtée a été d'écrire un pastiche (...). J'ai voulu (...) ressusciter la vieille farce littéraire, telle que nos auteurs du XVIIème siècle l'ont empruntée aux Italiens (Zola, Hérit. Rabourdin, 1874, i, p. iii).Le trio André Breton-Philippe Soupault-Louis Aragon, poussant à l'extrême les recherches d'Apollinaire et ressuscitant Lautréamont, jetait les fondements du surréalisme (Civilis. écr., 1939, p. 34-4).
REM. 1.
Ressuscitable, adj.,rare. Qui peut être ressuscité, ramené à la vie. [La vie] pense confusément que son support peut un jour lui faillir, alors qu'elle-même se sent éternellement ressuscitable (Ponge, Parti pris, 1942, p. 80).
2.
Ressuscitatif, -ive, adj.,rare. Qui a le pouvoir de ressusciter. Et mit à l'entour un peu d'onguent ressuscitatif. Soudain Épistémon, commença à respirer (A. France, Rabelais, 1909, p. 91).
Prononc. et Orth.: [ʀesysite], [ʀ ε-], (il) ressuscite [-sit]. Martinet-Walter 1973 [ʀ ε-], [ʀe-] (12/5). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Intrans. 1. a) 1121-34 théol. (Philippe de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg, 509: Al tierz [jur] resuscitat [el filz Sainte Marie]); b) 1675 « revenir à la vie normale après une grave maladie » (Mmede Sévigné, Lettre du 29 déc. ds Corresp., éd. R. Duchêne, t. 2, p. 204); 2. fig. a) fin du xives. « réapparaître » (Froissart, Chroniques, éd. G. Raynaud, t. 10, p. 83, ligne 3); b) 1675 « reprendre de la vigueur » (Boileau, Epîtres, VIII, 15, éd. A. Cahen, p. 65). B. Trans. 1. a) 1121-34 théol. (Philippe de Thaon, op. cit., 2372); b) 3equart du xiiies. « guérir d'une grave maladie » (Rutebeuf, Dit de l'Herberie, 33 ds Œuvres, éd. Ed. Faral et J. Bastin, t. 2, p. 273: Mout riches pierres en aport Qui font resusciteir le mort); 2. a) 1559 « faire revivre, recommencer » (Amyot, Vies des hommes illustres, Paris, M. de Vascosan, f o371 r o); b) 1580 « rétablir (les forces, etc.) » (Montaigne, Essais, II, 6, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 373). Empr. au lat. chrét.resuscitare « ramener à la vie » (v. Blaise Lat. chrét.), issu du lat. class. « réveiller, rallumer (la colère) », formé de re-, fr. ré-, v. re- et de suscitare « lever, éveiller », fr. susciter*. Fréq. abs. littér.: 926. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 025, b) 1 094; xxes.: a) 1 441, b) 1 607.