| RESSERRER, verbe trans. I. − Vieilli. [Corresp. à serrer I] A. − [Le compl. désigne un inanimé concr.] Placer à nouveau dans un endroit fermé; remettre à sa place. Resserrer du linge, de la vaisselle dans une armoire: Il ouvrit sa caisse et en tira cinq billets de banque (...). − Pardon, monsieur (...) vous me donnez trop; c'est seulement cinq cents francs que j'ai eu l'honneur de vous demander. Le notaire resserra les billets, et compta vingt-cinq louis à Ulric...
Murger,Scènes vie jeun., 1851, p. 70. − En partic. Retirer de la circulation; mettre à l'abri, conserver en lieu sûr. Resserrer de l'argent. Il ne fit pas bon vivre, dès le mois de janvier. Ceux qui avaient du grain de cet antan le resserraient dans leur grenier, comptant que les prix monteraient encore (Pourrat,Gaspard, 1930, p. 50). B. − [Le compl. désigne une pers.] Maintenir enfermé (en prison) en renforçant la surveillance. Il a pensé se sauver: c'est pour cela qu'on le resserre (Ac.1798-1878). II. − [Corresp. à serrer II] A. − 1. [Le suj. désigne une pers.] a) Qqn resserre qqn/qqc. (contre, dans, entre, etc. qqc.).Tenir ou maintenir à nouveau étroitement en exerçant une pression; tenir ou maintenir étroitement en accentuant une pression. − [L'obj. dir. désigne une pers., une partie de son corps] Mais il tient mes mains et resserre son bras autour de ma taille (Colette,Vagab., 1910, p. 168).Il n'eut que le temps de lui resserrer la main, et il se trouva seul (Benjamin,Gaspard, 1915, p. 71). ♦ Empl. pronom. passif. La main du moribond, ayant tâté au fond du sac un livre relié de toile brune, se resserra dessus, et il l'éleva péniblement à la hauteur de son front (Bernanos,Nuit, 1928, p. 33). − Resserrer son étreinte. Lorsque Jacques resserra son étreinte, Jenny, paralysée dans sa tendresse par la crainte de souffrir encore, chercha d'instinct à se dérober (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p. 630). ♦ Empl. pronom. passif. En vain cherchait-elle à se dégager [de son mari]; l'étreinte se resserrait; Renée allait céder à sa faiblesse (Arland,Ordre, 1929, p. 309). b) Qqn resserre qqc.[L'obj. dir. désigne une partie du corps et, en partic., des parties symétriques] Maintenir rigoureusement rapproché ou fermé. Mais la Révolution a passé là, reprit-il en resserrant ses lèvres minces (Lacretelle,Hts ponts, t. 1, 1932, p. 209).Empl. pronom. Cette malade se met-elle en posture de recevoir la communion, aussitôt ses membres se raidissent, ses dents se resserrent, ses lèvres se ferment (Bremond,Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 617). 2. [Le suj. désigne un inanimé concr.] Qqc. resserre qqc. a) Vieilli, ANAT. ou PATHOL. Réduire, rétrécir en contractant. Mon sang qui coulait a rougi les eaux (...) ils m'ont graissée avec des huiles, ils m'ont frottée avec des pommades blanches qui resserrent les tissus (Flaub.,Tentation, 1849, p. 265).Empl. pronom. Par un mécanisme admirable, la glotte se resserre pendant qu'on avale (Brillat-Sav.,Physiol. goût, 1825, p. 189).Il se faisait fabriquer des sucs de viande, des essences de légumes (...). Malheureusement, au bout de quelques années de ce régime, l'estomac et les intestins de ce mangeur spiritualiste se resserrèrent de telle sorte qu'il manqua mourir (Goncourt,Journal, 1872, p. 918). b) En partic. Resserrer (le ventre). Constiper. Ils se font une vie dangereusement constipée. Ils sont exactement comme si, à la fois, ils se bourraient de tripes qui relâchent et de nèfles du Japon qui resserrent (Giono,Hussard, 1951, p. 205). B. − 1. Tendre un lien, un vêtement ou en réduire la longueur pour qu'il s'applique à nouveau ou plus étroitement autour de quelque chose. a) [L'obj. dir. désigne un lien ou une pièce de vêtement] Resserrer sa ceinture. Il (...) resserra d'un cran la courroie qui attachait au cadre un petit sac de voyage (Romains,Copains, 1913, p. 72).Augustin put (...) resserrer puis relâcher sa cravate avec une minutie agacée (Malègue,Augustin, t. 2, 1933, p. 63). − Au fig. Rendre plus étroit. Synon. renforcer, accentuer.Je propose donc, pour resserrer encore les liens qui nous attachent, de fonder un déjeuner hebdomadaire (Miomandre,Écrit sur eau, 1908, p. 159).Empl. pronom. passif. Nos relations se resserrèrent beaucoup durant les années 1901-1902 (Jammes,Mém., 1923, p. 138). − En partic., vieilli. Resserrer les cordons de sa bourse, son train de vie. Diminuer ses sorties d'argent. Monsieur Craslin resserra les cordons de sa bourse en apprenant (...) que l'argent demandé ne servait ni à la maison, ni à la toilette (Balzac,Curé vill., 1839, p. 44).Madame (...) semblait, depuis quelque temps, vouloir rétrécir et resserrer le train de son intérieur dans les plus petits détails (Goncourt,MmeGervaisais, 1869, p. 211).Empl. pronom. ,,Devenir plus économe, réduire ses dépenses`` (Ac.). En temps de crise, chacun se resserre (Ac.). ♦ Resserrer l'argent, le crédit. Diminuer l'argent mis en circulation. La déclaration de guerre, resserrant le crédit, entraîna la chute d'une centaine de banques et de nombreuses faillites (Lefebvre,Révol. fr., 1963, p. 325). b) [L'obj. dir. désigne un vêtement] Appliquer plus étroitement contre le corps; réduire l'ampleur (d'un vêtement) et le maintenir près du corps. Cette robe est trop large, il faut la resserrer à la taille (Ac.1935).Empl. pronom. passif. Le pantalon large (...) se resserre à la taille par une longue ceinture de laine (Villard,Hist. cost., 1956, p. 94). 2. Littér. [Suivi d'un compl. d'obj. interne ou en empl. pronom. passif] [Goupil] sentit le froid du fil de fer lui entourer le cou (...) et sentit ce nouveau collier qui progressivement resserrait sur son cou son étreinte implacable... On allait l'étrangler! (Pergaud,De Goupil, 1910, p. 35).Laval était au pouvoir. Le nœud autour de la gorge se resserrait. Elle ne savait pas ce qu'il faisait dans la journée, où il allait (Triolet,Prem. accroc, 1945, p. 174). C. − Agir à nouveau ou avec plus de force sur une pièce mobile, un dispositif de fixation ou de fermeture, pour rapprocher deux éléments l'un de l'autre afin d'obtenir un blocage plus ou moins complet. Resserrer des boulons. Héquet, le capot levé, resserrait une bougie avec des gestes disciplinés (Martin du G.,Thib., Belle sais., 1923, p. 923).P. métaph. Cette fameuse affaire Villenave (...) resserra l'étau qui m'étouffait (Mauriac,Nœud vip., 1932, p. 88). D. − 1. Disposer des choses, placer des personnes le plus près possible les unes des autres; les rapprocher à nouveau ou plus étroitement. a) [L'obj. désigne des inanimés concr.] Le creusement et l'entretien de puits, d'étangs et de mares, la nécessité de construire des murailles, contribue à resserrer et à agglomérer l'habitat (Vidal de La Bl.,Princ. géogr. hum., 1921, p. 195). − Empl. pronom. Dans l'espace de quelques années, des voies ferrées ne tardèrent pas à être établies entre Liverpool et Manchester (...) et les mailles du réseau n'ont plus cessé de se resserrer dans cette région (Vidal de La Bl.,Princ. géogr. hum., 1921, p. 244).En partic. Devenir plus dense. La clairière passée, le taillis se resserrait et devenait presque impénétrable (Verne,Île myst., 1874, p. 78). b) [L'obj. désigne des animés] Au lieu de resserrer sa famille et ses gens autour de lui [mon père], il les avait dispersés à toutes les aires de vent de l'édifice (Chateaubr.,Mém., t. 1, 1848, p. 108). − Empl. pronom. Antoine rejette le livre avec fureur. Les Gnostiques. Se resserrent autour de lui, en disant: Pourquoi? Recommence! Tu n'as pas compris (Flaub.,Tentation, 1856, p. 522).En partic. [Le suj. désigne une troupe] Se regrouper pour être plus efficace. À notre vue, les hommes se resserrèrent, inquiets, sur la défensive (Benoit,Atlant., 1919, p. 108). − Empl. pronom. D'un coup, le cercle attentif se resserra: gare (...) les choses allaient se gâter... Cramoisi, bégayant, la sueur aux tempes, Bouffioux bredouillait des choses confuses (Dorgelès,Croix de bois, 1919, p. 185). − [Avec un compl. d'obj. interne] Les spectateurs noirs, haletant, trépignaient de joie, et resserraient de plus en plus leur cercle autour des deux forcenés (Martin du G.,Thib., Belle sais., 1923, p. 999). 2. Au fig. Rendre plus concis. Synon. abréger, condenser.J'ai dû revoir cette partie de mon travail [un livre], et l'ai tellement resserrée qu'elle se trouve réduite à quelques principes élémentaires (Brillat-Sav.,Physiol. goût, 1825, p. 75). − En partic. Enfermer (une intrigue) dans des limites temporelles strictes. L'épreuve [dans Tobie de Maurice Bouchor] a été réduite (...) de trois nuits à une seule, en considération de l'art du théâtre qui veut que les circonstances soient resserrées dans un petit espace de temps (A. France,Vie littér., 1891, p. 226). E. − Borner par des limites étroites. Le Rhône, que nous avons laissé au défilé de Donzère, au moment où, pour la dernière fois, les montagnes le resserrent, a dès lors tout son cours en plaine (Vidal de La Bl.,Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 346).Empl. pronom. Cette galerie, comme toutes les anciennes voies, s'était resserrée, se resserrait encore chaque jour, sous la continuelle poussée des terrains (Zola,Germinal, 1885, p. 1368).La Loire se resserre entre de hautes collines boisées (Gracq,Beau tén., 1945, p. 24). − Au fig. Resserrer le pouvoir dans ses justes limites (Ac.1835-1935). REM. Resserrage, subst. masc.Action de resserrer une vis, un dispositif; résultat de cette action. Serrages des culasses en alliages légers. En principe, ne serrer et resserrer celles-ci qu'à froid. Sauf si le constructeur prescrit formellement un resserrage à chaud (Chapelain,Techn. automob., 1956, p. 36). Prononc. et Orth.: [ʀ
əseʀe], [-sε-], (il) resserre [ʀ
əsε:ʀ]. Barbeau-Rodhe 1930: je resserre [ʒ
ə
ʀsε:ʀ], [ʒ
ʀ
ə-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. xiiies. [date du ms.] « serrer de nouveau en enfermant » (Ogier le Danois ds P. Meyer, Doc. ms. de l'anc. litt. de la France, Rapports à Mrle Ministre de l'Instruction publique, II, p. 101); 1690 resserrer son argent (Fur.); 2. 1537 part. passé « emprisonné » (Card. de Tournon, Lettre, IV, 106 ds Hug.); 3. 1549 « rendre le ventre moins relâché, constiper » (L. Fousch, Hist. des plantes, chap. 218); 1546 resserrer la chair, une plaie (Bible Gérard, Gen. II. D. Luc, chap. X, F); 4. 1580 « restreindre » (Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, p. 387); 5. 1677 « condenser, abréger un récit » (Miege). B. 1. 1287 « rapprocher des parties disjointes » (Doc. ds A. Longnon, Doc. rel. au comté de Champagne, t. 2, p. 67); 2. 1718 « faire que les relations deviennent plus étroites » (Ac.). C. Verbe pronom. 1. 1538 « se retirer, se réfugier quelque part » (Est.); 2. 1523-24 « se rétrécir, se contracter » (Un Livre de compte du 16e, éd. J. J. Salverda de Grave ds Mededeelingen der koninklijke Akademie, t. 70, p. 290); 3. 1662 cœur qui se resserre « qui éprouve un sentiment de constriction » (Bossuet, Sermons, Imperit., 1 ds Littré); 4. 1718 chacun se resserre « réduit sa dépense » (Ac.); 1798 l'argent, les bourses se resserrent (ibid.). Dér. de serrer*; préf. re-*. Fréq. abs. littér.: 806. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 484, b) 1 079; xxes.: a) 953, b) 1 003. |