| RESPECTUEUX, -EUSE, adj. A. − Anton. irrespectueux. 1. Qui témoigne, qui éprouve du respect, de la considération pour quelqu'un. Synon. déférent.Respectueux pour les gens d'Église; respectueux à l'égard de ses parents. Je donnai et reçus quelques coups de sabre, une fois à propos d'une servante envers laquelle un de mes camarades ne s'était pas montré respectueux, une autre fois pour défendre contre un sceptique l'autorité du sens intérieur (Taine, Notes Paris, 1867, p. 14).Je me sentais vulnérable, et livré à l'accusation publique. Mes semblables cessaient d'être à mes yeux l'auditoire respectueux dont j'avais l'habitude (Camus, Chute, 1956, p. 1513). − Empl. subst. masc. Homme dont la conduite morale, intellectuelle, est induite par le respect. On ne peut pas être un honnête homme, vraiment un honnête homme, dans toute la force de ce terme, que si on est un respectueux (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Assass., 1887, p. 589).Vers 1885 le nom de dévot a un sens précis, définit précisément l'espèce d'homme que Drumont méprise le plus: les Soumis, les Respectueux (Bernanos, Gde peur, 1931, p. 168). ♦ Faire le respectueux, la respectueuse. Feindre le respect, la soumission. Sir Arthur: J'attends que vous m'interrogiez, mon oncle! Sir John: Oui, fais le respectueux! va, je te le conseille! (Dumas père, Halifax, 1842, i, 5, p. 27). − Empl. subst. fém. [P. allus. littér. à la pièce de J.-P. Sartre La Putain respectueuse] Prostituée. Née dans une loge de concierge je finirai, après bien des péripéties, comme (...) « respectueuse » (Combat, 19-20 janv. 1952, p. 2, col. 4). 2. Qui marque du respect. − [En parlant de l'attitude, du comportement de qqn] Sourire, regard, salut respectueux; supplication respectueuse; garder une distance respectueuse, un silence respectueux. Léon, malgré ses préoccupations, n'avait pas laissé que de remarquer et de trouver un peu étrange la familiarité de Colar dans le cabaret, et le ton à demi respectueux qu'employait avec lui la veuve Fipart (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 543).Peut-être n'avait-il pas trouvé que ledit Adalbert eût répondu aux paroles de sa tante par un air suffisamment respectueux (Proust, Sodome, 1922, p. 653). − [En parlant d'un sentiment, d'une émotion] Amour, calme respectueux; estime, tendresse, terreur respectueuse. Quoique le dîner ne fût indiqué que pour une heure, Julien trouva plus respectueux de se présenter dès midi et demi dans le cabinet de travail de M. le directeur du dépôt (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 138): Avec son bon sens un peu gros, également éloigné du snobisme des domestiques très parisiens et de la bêtise épaisse des domestiques provinciaux, qui n'admirent que ce qu'ils ne comprennent pas, elle avait un mépris respectueux pour ces pianotages, ces bavardages, toutes ces choses intellectuelles...
Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 810. − En partic. [Dans une formule de politesse écrite ou orale, le plus souvent adressée à une femme] Sentiments, hommages, compliments respectueux; salutations respectueuses. Vous savez si je vous aime et combien sont inutiles ici les plus respectueuses protestations (Gobineau, Corresp.[avec Tocqueville], 1850, p. 156).Agréer, mère, je vous prie, l'assurance de mon déjà filial et respectueux dévouement (Gide, École femmes, 1929, p. 1262). 3. Qui montre du respect pour une valeur morale, sociale, un idéal. Amoureux passionné de l'antique et de son modèle, respectueux serviteur de la nature, il fait des portraits qui rivalisent avec les meilleures sculptures romaines (Baudel., Salon, 1846, p. 154).Ainsi se dessine, au début des temps modernes, le londonien type, tel qu'il est resté, loyal à son roi et à sa reine, dont il ne redoute plus le pouvoir, respectueux à l'égard de la loi (Morand, Londres, 1933, p. 18). − [Avec un nuance iron.] Qui est contraint au respect par quelque chose. Cependant, M. Gourd examinait les malles. Il les poussa du pied, devint respectueux devant leur poids, et parla d'aller chercher un commissionnaire, pour les faire monter dans l'escalier de service (Zola, Pot-Bouille, 1882, p. 4). 4. [En parlant d'une chose] Qui est imposé par le respect, les convenances, la crainte. Un vide respectueux se faisait autour de deux ou trois familles qui étaient nobles ou riches et qui s'offraient un instant aux regards du vulgaire avant de monter dans leurs voitures pour regagner leurs châteaux (Drieu La Roch., Rêv. bourg., 1937, p. 22). 5. Spécialement a) DR., vieilli. Acte respectueux. Acte par lequel les enfants de famille, ayant atteint la majorité de 25 ans, sont tenus, avant de contracter mariage, de demander conseil de leur père et de leur mère (d'apr. Bouillet 1859). Ah! et puis, en voilà assez! Je suis bien bon de discuter avec vous. Vous êtes majeur, n'est-ce pas? Et bien, vous me ferez les actes respectueux (Hermant, M. de Courpière, 1907, iii, 8, p. 26). b) HIST. RELIG. Silence respectueux. Nom donné à l'attitude de certaines personnes qui se bornaient à ne pas dire si elles approuvaient ou non la condamnation des cinq propositions de Jansénius par Innocent X. Cette bulle, qui renouvelait et confirmait les anciennes, décidait que le silence respectueux sur les faits condamnés par l'église ne suffit pas, et elle exigeait qu'en signant on jugeât effectivement le livre de Jansénius infecté d'hérésie (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 526). B. − Respectueux de. Qui ne porte pas atteinte à quelque chose, qui ne déroge pas à une règle. Respectueux du passé, de la tradition; respectueux de ses devoirs, des droits d'autrui, des coutumes; respectueux de la consigne; respectueux de l'autorité, de la religion; respectueux du texte, de la liberté d'expression. Charbonnel est un bougre fort pratique, ne méprisant pas les épiciers et respectueux de l'argent, surtout lorsqu'il a été ramassé dans les étrons (Bloy, Journal, 1905, p. 260).Malheureusement, les sages, dit Salomon, cachent la science; tenus de rester dans les limites étroites de leur vœu, et respectueux de la discipline acceptée, ils se gardent bien de jamais établir nettement en quoi diffèrent ces deux secrets (Fulcanelli, Demeures philosophales, t. 2, 1929, p. 200). Prononc.: [ʀ
εspεktɥø], [-spe-], fém. [-ø:z]. Martinet-Walter 1973 [-spε-], [-spe-] (13/4). Étymol. et Hist. 1. 1549, 26 août « (d'une personne) qui témoigne du respect » (G. Pellicier, Corresp. pol., éd. A. Tausserat-Radel, p. 69); 2. 1572 reverence respectueuse (Amyot, Comm. ouïr, 26 ds Littré); 1718 sommations respectueuses (Ac., s.v. sommation); 3. 1952 subst. fém. « prostituée » (Combat, loc. cit.). Dér. de respect* d'apr. l'étymon. lat.; suff. -(u)eux*. 3 est tiré p. ell. de La Putain respectueuse, pièce de J. P. Sartre créée en 1946. Fréq. abs. littér.: 1 321. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 342, b) 2 143; xxes.: a) 1 865, b) 1 348. |