| REPASSER, verbe A. − Empl. intrans. Qqn ou qqc. repasse 1. [Corresp. à passer I A] Passer de nouveau; aller de nouveau d'un point à un autre. Cette voiture passa et repassa plusieurs fois (Staël, Corinne, t. 3, 1807, p. 221).Au sortir du tribunal, il repassa, comme tous les autres condamnés, par un corridor qui traversait la prison (A. France, Dieux ont soif, 1912, p. 241). ♦ Repasser derrière qqn. Contrôler, corriger son travail. (Dict. xxes.). ♦ Repasser par un lieu. Y revenir. Si jamais je repasse par Grenoble, il faut que je fasse faire des recherches dans les archives (Stendhal, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 350).Au revoir, Marius. En revenant de Paris, pour t'embarquer, tu repasseras par ici? (Pagnol, Fanny, 1932, iii, 3, p. 180).P. anal. Repasser par qqc.Refaire l'expérience de quelque chose. Il faudrait repasser par ces alternances de révolte et d'effroi, recommencer à se battre pour se convaincre! (Huysmans, En route, t. 1, 1895, p. 277): L. me disait avoir eu souvent, à un certain moment, l'impression vive qu'il repassait par un ensemble de circonstances déjà traversées, et en quelque sorte de répéter somnambuliquement des actes et des paroles antérieurement joués...
Amiel, Journal, 1866, p. 116. − Au fig. a) Revenir en mémoire, traverser l'esprit. Alors, repassèrent en foule dans ses souvenirs les aimées d'autrefois, avec leurs attitudes préférées (Reider, MlleVallantin, 1862, p. 167).Il me semblait que ma vie entière repassait devant moi (Green, Journal, 1942, p. 269). b) Vieilli. Revenir par la pensée sur quelque chose. Il repassait sans cesse sur les sujets d'affliction qu'il avait eus (Ac.1878, 1935). 2. Se présenter de nouveau chez quelqu'un. Campardon, hésitant, dit enfin à Octave qu'il repasserait le prendre, pour le dîner (Zola, Pot-Bouille, 1882, p. 16).Le coiffeur est là, je lui ai dit de repasser dans une heure (Proust, Swann, 1913, p. 380). − Expr. pop., fam. [Pour signifier l'agacement, le refus] Vous repasserez! Il, elle repassera! (Dict. xxes.). 3. Repasser de qqc.1à qqc.2[Qqc.1 et 2désignent des inanimés abstr.] Passer de nouveau; revenir. En repassant ensuite des fonctions génératrices à leurs coefficiens (Laplace, Théorie analyt. probabil., 1812, p. 61). B. − Empl. trans. 1. Qqn1ou qqc.1repasse qqc.2 a) [Corresp. à passer I B]
α) Passer de nouveau; franchir, traverser une nouvelle fois, dans le même sens ou en sens inverse. Nous nous séparâmes à Wawayanda, dans le Haut-Jersey, d'où nous repassâmes les Highlands (Crèvecœur, Voyage, t. 1, 1801, p. 294).J'y retourne, dit-il simplement. Et il repasse le seuil (Bordeaux, Fort de Vaux, 1916, p. 62). − [Avec une valeur factitive] Faire traverser, faire franchir, en transportant de nouveau ou en arrière. Le bac a repassé les voyageurs (Rob.).
β) P. anal. Se soumettre une nouvelle fois à (un examen, un test, une épreuve). Repasser un examen, un concours; repasser une visite médicale. Elle a à repasser ses examens, elle va potasser, la pauvre gosse (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 889). b) Au fig. − Faire revenir en mémoire. J'ai repassé lentement toute cette époque qui contient ma vie, depuis que je connais Valérie (Krüdener, Valérie, 1803, p. 129).Son confesseur, lui ordonna de ne s'endormir jamais sans avoir repassé dans son esprit chacun des épisodes principaux du sacrifice du calvaire (Bernanos, Imposture, 1927, p. 364). − Relire, apprendre à plusieurs reprises, dans le but de garder en mémoire. Synon. réviser, potasser (fam.).Repasser une leçon, une composition. Je repasse mon rôle. J'en ai pour un quart d'heure (Rolland, J.-Ćhr., Révolte, 1907, p. 468).Il décida de repasser une dernière fois son cours de littérature anglaise (Green, Moïra, 1950, p. 74). 2. Qqn1repasse qqc.1à qqn2 a) Passer de nouveau; transmettre, faire parvenir ce qu'on a reçu de quelqu'un d'autre. Cet argent, Cordier le repassait presque aussitôt après à Lepic (Gide, Souv. Cour d'ass., 1913, p. 659).Empl. pronom. réciproque. De tous les vieux adages, que, de génération en génération, les hommes se repassent, celui-là est un des plus immortellement vrais (Loti, Aziyadé, 1879, p. 59). ♦ Repasser un plat. Le présenter une nouvelle fois. Je suis jalouse comme on a faim lorsqu'un serveur trop pressé oublie de vous repasser le plat qu'on aime (Bernanos, Joie, 1929, p. 588). b) P. ext. Donner, remettre à quelqu'un. Enfin, elle pourrait bien me repasser ses vieilles robes de soie, moi qu'aime tant à porter de la soie (Balzac, Ferragus, 1833, p. 109).Êtes-vous seulement connaisseur? Je vous demande cela dans votre intérêt, parce que vous devez vous faire repasser des croûtes par les marchands (Proust, Swann, 1913, p. 16). c) Repasser un film, un disque. Le présenter, le faire entendre une nouvelle fois. (Dict. xxes.). 3. Qqn1repasse qqc.1(à/dans/sur qqn2ou qqc.2). a) [Corresp. à passer IV B] Passer de nouveau; mettre de nouveau. Il repassa vivement sa redingote (Flaub., Éduc. sent., t. 1, 1869, p. 215). − [Qqc.1désigne une partie du corps hum.] Repasser la main dans les cheveux. Il sortit puis, se ravisant, repassa la tête dans l'encadrement de la porte (Peisson, Parti Liverpool, 1932, p. 130). b) Soumettre de nouveau à l'action de. Repasser un plat au four pour le réchauffer. Repasser des étoffes par la teinture, à la teinture (Ac.). − En partic. Repasser des cuirs. ,,Leur donner un nouvel apprêt`` (Ac.). Repasser une lame. L'aiguiser en la passant à plusieurs reprises sur une pierre, sur une meule. Pierre à repasser. Mario, l'homme pratique de toutes choses, qui vient de m'apprendre à repasser mes rasoirs (Goncourt, Journal, 1858, p. 480).Je repasse comme ça les gros couteaux de la boucherie quand ils sont sales avec du sang. Alors, je la sens ma pierre elle est à son plein de bonheur (Giono, Eau vive, 1943, p. 11).Repasser une montre. Vérifier et ajuster les rouages d'une montre. (Dict. xixeet xxes.). ♦ [Le compl. d'obj. désigne une pièce de linge, un vêtement froissé...] Rendre lisse et net, donner la forme voulue au moyen d'un fer chaud ou d'un autre instrument approprié. Repasser un pantalon, une chemise; linge à repasser; planche, table à repasser; fer à repasser, machine à repasser. Caroline repassait en partie son linge, et taillait elle-même ses robes (Gozlan, Notaire, 1836, p. 5).Absol. Les filles de la reine d'Angleterre (...) apprennent à se servir elles-mêmes, à balayer leur chambre, à savonner et à repasser (A. France, Vie littér., 1888, p. 41). c) Au fig., arg. Tuer. Synon. rectifier.Son pote (...) avait été repassé deux piges auparavant (Le Breton, Rififi, 1953, p. 192). d) Distiller une eau-de-vie une nouvelle fois. (Ds Rob., Lar. Lang. fr.). 4. Qqn1repasse qqc.1(avec qqc.2).Suivre une nouvelle fois un tracé existant. Aujourd'hui je repasse à l'encre les notes prises au crayon (Flaub., Corresp., 1879, p. 322).Il se servait, pour m'enseigner la géographie, de « cartes muettes », dont je devais repérer et inscrire tous les noms, repasser à l'encre les tracés discrets (Gide, Si le grain, 1924, p. 412). − Empl. intrans. Qqn1repasse sur qqc.2Le temps n'est pas une ligne sur laquelle on repasse (Bergson, Essai donn. imm., 1889, p. 142). Prononc. et Orth.: [ʀ
əpɑse], [-pa-], (il) repasse [-pas], [-pɑ:s]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1160 respasser « guérir » (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 7470); 2. a) ca 1175 repasser « traverser de nouveau (par exemple la mer) » (Chronique Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 33259); 1280 « faire passer de nouveau (quelqu'un) » (Philippe de Beaumanoir, Jehan et Blonde, éd. S. Lécuyer, 5093); b) 1538 repasser « passer de nouveau par un endroit » (Est. d'apr. FEW t. 7, p. 717a); 1694 « revenir voir quelqu'un » (Ac.); 3. 1613 repasser « revenir à l'esprit » (M. Régnier, Elégie, I ds
Œuvres, éd. G. Raibaud, p. 217, 99); 1635 repasser (qqc.) « se remettre quelque chose dans l'esprit, en mémoire » (Corneille, Médée, II, 2); 4. 1671 « retoucher, corriger » (terme de litt. et des beaux-arts) (Pomey); 5. techn. a) 1669 repasser du linge (Widerhold Fr.-all.); b) 1679 repasser (des couteaux) (Rich.); c) 1690 repasser (les cuirs, etc.) « donner un nouvel apprêt à » (Fur.); d) 1690 repasser du vin « rendre potable du vin affaibli en le mêlant avec du vin nouveau » (ibid.); 1904 repasser « redistiller une eau-de-vie faible » (Nouv. Lar. ill.); e) 1875 repasser (une montre) « vérifier chacune des pièces de » (Lar. 19e); 6. 1805 « céder, donner quelque chose à quelqu'un » (Le Père Lantimèche, p. 25 ds Quem. DDL t. 19); 1828-29 se repasser qqc. « s'offrir » (Vidocq, Mém. de Vidocq, IV, p. 246, ibid. t. 6). Dér. de passer*; préf. re-*. Fréq. abs. littér.: 1 634. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 276, b) 2 754; xxes.: a) 2 175, b) 2 219. DÉR. Repasse, subst. fém.a) Grosse farine encore mêlée de son. (Dict. xixeet xxes.). b) Opération qui consiste à redistiller une eau-de-vie faible. (Dict. xixeet xxes.). c) Pop. Mauvais café obtenu en repassant de l'eau sur du marc. (Ds Rob., Lar. Lang. fr.). − [ʀ
əpɑ:s], [-as]. − 1resattest. 1777 a) « grosse farine qui doit être séparée du son qui l'accompagne » (Encyclop. Suppl. t. 3, p. 920a), b) α) 1803 « action de distiller une eau-de-vie faible » (Boiste),
β) 1866 pop. « mauvais café » (Delvau); déverbal de repasser. Bbg. Quem. DDL t. 32. |