| RENTRER, verbe I. − Empl. intrans. [Avec l'auxil. être aux formes composées] A. − [Le suj. est un subst. de l'animé] 1. Pénétrer à nouveau dans un lieu d'où on est sorti. Anton. sortir.Rentrer dans sa chambre; rentrer dans les taillis. La procession [est] passée et rentrée dans l'église par une porte latérale (Stendhal,Chartreuse, 1839, p. 159): 1. La scène reste vide quelques secondes et M. de Virelade entre. Il paraît étonné de ne trouver personne, va vers la chambre, appelle Élisabeth, y pénètre un instant, revient, remarque la porte du jardin ouverte, s'avance un instant sur le perron, rentre de nouveau.
Mauriac,Mal Aimés, 1945, III, 6, p. 243. − Au fig. ♦ Rentrer dans sa coquille. Se refermer sur soi-même. L'angle d'ouverture au réel se rétrécit considérablement: le sujet (...) restreint ses relations, ses affaires, et devient étranger à tout souci d'expansion, il se plaît aux positions subalternes, se « fait petit », rentre dans sa coquille dès qu'il est sollicité (Mounier,Traité caract., 1946, p. 355). ♦ Rentrer dans le rang. V. rang A 1 b α. ♦ Rentrer sous terre. Disparaître, se soustraire à la vue de quelqu'un par crainte, honte, etc. Pour éviter une querelle, elle serait rentrée sous terre. Un seul regard suffisait; elle faisait tout ce que je voulais (Zola,Conquête Plassans, 1874, p. 992). ♦ Rentrer en soi-même. Se replier, se renfermer. L'austérité du paysage m'a fait rentrer en moi-même beaucoup plus qu'il n'eût fallu pour un banquet (Green,Journal, 1944, p. 125). 2. Revenir là où l'on a son domicile, ses attaches, après une absence. Rentrer à la maison, au bercail, chez soi, dans son pays, auprès des siens. Depuis de nombreuses années, en effet, des ouvriers agricoles portugais se rendent au Brésil pour y travailler quelques mois et rentrent au pays après avoir amassé un petit pécule (M. Benoist, Pettier,Transp. mar., 1961, p. 117). ♦ [Avec un compl. de provenance] Rentrer du bureau, du travail, de l'école, de l'étranger, de tournée. Vous allez au palais, puisque la princesse est rentrée de voyage. Heureux homme! Je n'y vais pas autant que je le voudrais (Gracq,Syrtes, 1951, p. 172). ♦ [Sans compl. de lieu exprimé] Quand rentrez-vous? Les débauchés rentraient, brisés par leurs travaux (Baudel.,Fl. du Mal, 1857, p. 180). ♦ [Suivi d'un inf.] Rentrer dîner, prendre son courrier. Avant de rentrer me coucher, j'avais longtemps erré dans ce triste quartier près du port (Gide,Souv. Cour d'ass., 1913, p. 664). ♦ [Suivi d'un compl. de but introd. par pour] Rentrer pour les repas. On attendait surtout qu'il fût l'heure de rentrer chez soi pour dîner (Martin du G.,Devenir, 1909, p. 122). ♦ [Suivi d'un adj. indiquant un état du suj.] Rentrer fatigué, complètement ivre. Elle est rentrée épuisée à une heure du matin, et la fièvre est revenue (Taine,Notes Paris, 1867, p. 78).Rentrer bredouille. V. bredouille1ex. 1. − [Le suj. désigne une instit., une collectivité] Reprendre ses activités, ses fonctions après une période de congé, une interruption. L'Assemblée, les tribunaux, les lycéens rentrent le... − Les Chambres rentrent quel jour? − On parle du treize (Romains,Hommes bonne vol., 1932, p. 154). 3. Au fig. Retrouver une situation dans laquelle on était antérieurement ou que l'on considère comme étant la norme. Rentrer dans ses droits; rentrer en grâce (v. grâce I B 2 b), rentrer dans les bonnes grâces de qqn. La révolution, rentrée dans les voies de l'ordre, s'arrêtera sur le seuil d'un avenir serein et magnifique d'espérance (Lamennaisds L'Avenir, 1831, p. 310).Ils avaient trop l'habitude d'être méprisés en tant qu'ouvriers, en tant que paysans. Ils craignaient de voir la révolution finir, et de rentrer dans ce mépris dont ils espèrent se délivrer (Malraux,Conquér., 1928, p. 15). ♦ Rentrer dans ses frais. V. frais2A 1. 4. Pop. [Ne présuppose pas le fait d'être sorti; est en concurrence avec entrer] a) Pénétrer dans. Rentrer dans un restaurant. Mais je m'aperçois que je fais rentrer en scène un septième personnage sur lequel je ne vous ai point fourni de lumières (H. Bazin,Vipère, 1948, p. 42). b) Au fig. Être admis dans un corps, une institution. Rentrer dans l'administration, dans la police, au couvent. Le lift (...) disait rentrer pour une profession où on entre pour la première fois, « je voudrais bien rentrer dans les postes » (Proust,Sodome, 1922, p. 794).Son ambition, au fond, à lui, c'était de pouvoir un jour rentrer dans les chœurs au théâtre (Céline,Voyage, 1932, p. 138). c) Loc. fig. ♦ Rentrer dans les détails. Nous ne pouvons rentrer ici dans les détails concernant les mélangeurs d'air, leur commande depuis le tableau de bord (Dupont,Bois carburant, 1941, p. 95). ♦ Rentrer dans le jeu de qqn. En somme, remercie-moi, puisque je rentre dans ton jeu et que je joue avec tes cartes (Camus,Caligula, 1944, i, 8, p. 23). ♦ Rentrer dans la peau d'un personnage. Est-ce pure comédie, effet de la galerie sur l'acteur qui rentre dans la peau de son personnage sous les yeux du public? (Vogüé,Morts, 1899, p. 199). ♦ Empl. impers. Il ne rentrait pas dans mes intentions d'aller avec une armée au secours de nos alliés, comme l'état-major et le gouvernement belges le demandaient instamment (Joffre,Mém., t. 1, 1931, p. 460). 5. a) BOXE. Attaquer en corps à corps. Il rentra dans sa garde et frappa (L. Hémon,Battling Malone, 1925ds Petiot 1982). b) Pop. Rentrer dans le chou, le lard (à qqn). Assaillir, frapper. Emporté par mon élan, comme disait un Lapon, je manque de lui rentrer dans le chou (San Antonio,Béru-Béru, 1970, p. 131 ds Cellard-Rey 1980, s.v. chou). ♦ Lui rentrer dedans. Le sergent hoche la tête et sourit avec une insolence à lui rentrer dedans (Vercel,Cap. Conan, 1934, p. 55).On va... devenir fous... Faut leur rentrer dedans (Malraux,Espoir, 1937, p. 481). ♦ Rentre-dedans, subst. masc. V. infra rem. 1. c) Pénétrer avec son sexe. Elle parle plus alors! Putain de Dieu! J'enfonce! Je rentre dedans comme un souffle! (Céline,Mort à crédit, 1936, p. 326). 6. Pop. Rentrer (dans un obstacle). Percuter un obstacle. Rentrer dans le décor. Un peu plus loin, pour éviter un imprudent, Astolphe fila dans la verdure et rentra dans un arbre (Queneau,Enf. du limon, 1938, p. 65). ♦ Rentrer dedans. Synon. de aller, foncer.Broville ignore et veut ignorer toute finesse; il « rentre dedans » avec un cœur admirable (L'Auto, 9 janv. 1934, p. 3 ds Grubb Sports 1937, p. 62). B. − [Le suj. est un subst. de l'inanimé] 1. [Le suj. désigne un flux] Pénétrer à nouveau, après une expulsion ou un temps d'arrêt. L'air rentre dans les poumons; l'eau rentre par les fissures. Lorsqu'elle l'aperçut enfin, le sang rentra comme à flots dans son cœur (Bernanos,Soleil Satan, 1926, p. 91). ♦ [Avec un pron. pers. datif] L'eau sale (...) lui trempait les cheveux, lui rentrait dans la gorge, vivement recrachée (H. Bazin,Vipère, 1948, p. 192). − Au fig. [Le suj. désigne un affect] Synon. de envahir.La peur rentre en lui, comme l'eau par une vanne qu'on a ouverte (Montherl.,Bestiaires, 1926, p. 522).Il avait beau se forcer à rester plus que de raison au labo (...), rien n'y faisait. Le printemps rentrait doucement dans ses veines (Aragon,Beaux quart., 1936, p. 278). − [Avec un compl. locatif désignant un cycle] Être de nouveau dans. La matière des êtres ne reste pas immobile, et rentre dans la circulation de la vie. Ce que nous respirons, mangeons et buvons a déjà été respiré, mangé et bu des milliers de fois (Flammarion,Astron. pop., 1880, p. 388). − Empl. abs. ♦ JEUX DE CARTES. Des cartes rentrent. Des cartes sont reçues par un joueur, au cours d'une nouvelle donne. − Une culotte? − Oui, hier soir... Un pot de cinq sacs... J'ouvre avec deux as, la dernière à parler... rentrent trois valets... je fonce. Qu'aurais-tu fait? (Vailland,Drôle de jeu, 1945, p. 31). ♦ L'argent rentre. [En parlant d'une exploitation ou d'une entreprise qui réalise des profits] Nous nous avons eu d'abord une ouvrière, puis deux, puis cinq, puis dix, et comme ça jusqu'à trente. Et l'argent rentrait bien (Pagnol,Fanny, 1932, ii, 6, p. 136). 2. Au fig. Revenir à un état qui constitue la normale, après une période d'interruption. Puis, la cornemuse remise au clou, les vignes désertes, les celliers fermés, la maison rentra dans son calme ordinaire (Fromentin,Dominique, 1863, p. 18). ♦ Rentrer dans l'ordre. Redevenir normal. On met alors le cheval au repos dans un box et au bout d'une demi-heure tout est rentré dans l'ordre (Garcin,Guide vétér., 1944, p. 196). 3. Sens passif. [Corresp. à infra II B] a) Pénétrer dans, s'enfoncer dans. Cet arc est brisé à sa partie moyenne et composé de deux moitiés qui rentrent l'une dans l'autre (Nélaton,Pathol. chir., t. 1, 1844, p. 9).P. métaph. Et son rire et ses dents, ses yeux, son front, sa voix, Me rentraient dans le cœur comme un coin dans le bois! (Lamart.,Jocelyn, 1836, p. 770). − Au fig., fam. Rentrer dans la tête. Être su, être admis. Ils croient toujours qu'on se suicide pour une raison. Mais on peut très bien se suicider pour deux raisons. Non, ça ne leur rentre pas dans la tête (Camus,Chute, 1956, p. 1512). ♦ Empl. abs. Ainsi, approximativement et peu à peu, le métier « rentrait », comme on dit (Fombeure,Soldat, 1935, p. 20). b) [Le suj. désigne un membre, une partie du corps] [Il était] sain et entier, ni taie sur un œil, ni faux toupet, ni faux mollets; ses jambes ne rentraient point en dedans, ne sortaient point en dehors (Balzac,Mais. Nucingen, 1838, p. 603). − P. hyperb., fam. Avoir les jambes, les genoux qui rentrent dans le corps. Souffrir de la fatigue d'une longue station debout, d'une marche. Charles se traînait à la rampe, les genoux lui rentraient dans le corps. Il avait passé cinq heures de suite, tout debout devant les tables (Flaub.,MmeBovary, t. 1, 1857, p. 61).La Teuse (...) avait les jambes qui lui rentraient dans le corps, ainsi qu'elle le disait (Zola,Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1521). 4. [Rentrer est en concurrence avec entrer] Faire partie de, être contenu, inclus dans une classe, une catégorie. Synon. se ranger, s'inscrire.Rentrer dans les attributions de qqn. Il parle d'une détermination psychologique de Dieu, où rentrent les attributs métaphysiques et les attributs moraux (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 1280): 2. Coupeau, pris à partie, se débattait: jamais il n'avait parlé de vingt litres; quant aux œufs à la neige, ils rentraient dans le dessert, tant pis si le gargotier les avait ajoutés de son plein gré; restait le carafon...
Zola,Assommoir, 1877, p. 458. ♦ Rentrer en ligne de compte. Être pris en compte. Du jour où la rentabilité rentra en ligne de compte, le viticulteur se trouva menacé par les périodes de surproduction (Levadoux,Vigne, 1961, p. 84). II. − Empl. trans. [Avec l'auxil. avoir] A. − 1. a) Remettre une chose dans l'endroit d'où on l'a sortie, mettre à l'abri. Rentrer les chaises dans la maison; rentrer sa voiture au garage. Les boutiquiers avaient rentré précipitamment, par frayeur, leurs étalages multicolores (Louÿs,Aphrodite, 1896, p. 210).Il tira son mouchoir. Mais le rentra aussitôt (Romains,Hommes bonne vol., 1932, p. 89). − Fam. Synon. de ranger.Commence par rentrer ce revolver (Sartre,Mains sales, 1948, 4etabl., 1, p. 125). − Fam. Rentrer qqn.Ramener quelqu'un. J'étais seule. J'ai fait arrêter l'auto, et je lui ai offert de le rentrer à Tours (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p. 217). b) Mettre une chose dans l'endroit qui lui est destiné. [Elle] se mit à rentrer le foin, brassée par brassée, dans la remise (Pourrat,Gaspard, 1931, p. 265). 2. [Le compl. d'obj. désigne une partie du corps] a) Rentrer la langue, les griffes. Les faire revenir à leur position normale, alors qu'elles étaient sorties. V. griffe1I A 2 ex. de Duhamel. ♦ Au fig. Rentrer ses griffes. Ne pas agresser. Le satiriste rentre ses griffes; néanmoins elles sont là, sous la douce fourrure qui les recouvre (Blanche,Modèles, 1928, p. 162). b) Rentrer la poitrine, le ventre, les joues, etc. Les incurver vers l'intérieur. Il fausse les épaules, déploie l'affiche, la regarde et rentre les lèvres comme s'il les rongeait (Malraux,Conquér., 1928, p. 124). c) Rentrer la tête, le cou dans les épaules. Se tasser sur soi-même. Le voilà qui rentre sa tête; j'augurais mieux d'un homme qui porte dans ses yeux l'ardeur d'une bravoure folle (Giono,Angelo, 1958, p. 105). d) Rentrer ses membres sous/contre le corps. Serrer (les membres) contre le corps; les placer sous le corps. [La chatte] voluptueuse se redresse, gifle l'imprudent et s'accroupit, pattes rentrées sous le ventre (Colette,Mais. Cl., 1922, p. 247). 3. Au fig. [Le compl. désigne un affect] Rentrer ses larmes, sa colère, sa rage, ses sentiments. Quand son fils meurt, il [Michel-Ange] rentre sa douleur, le déshabille, le peint sans une larme (Faure,Hist. art, 1914, p. 410). B. − Faire rentrer ou, simpl., rentrer en empl. factitif 1. [Le compl. d'obj. désigne un animé] Conduire des animaux là où ils couchent, là où ils sont à l'abri; inviter quelqu'un à rejoindre un abri, un lieu de séjour. − Faire rentrer.Nous croisâmes une jeune fille, qui, tête basse comme un animal qu'on fait rentrer malgré lui dans l'étable (...), marchait devant une personne autoritaire, vraisemblablement son « Anglaise » (Proust,J. filles en fleurs, 1918, p. 828). ♦ Au fig. Des soldats révoltés qu'il faisait rentrer dans le devoir à coups de sabre (Sand,Hist. vie, t. 2, 1855, p. 36). − Rentrer.[Meaulnes] sortit chercher sa jument pour la rentrer à l'écurie (Alain-Fournier,Meaulnes, 1913, p. 65).P. métaph. [Mademoiselle] nous rentre difficilement à l'hôtel, sautillantes et chantonnantes sous la lune (Colette,Cl. école, 1900, p. 216). 2. [Le compl. d'obj. désigne une chose] Introduire dans un logement, faire pénétrer dans un milieu résistant. − Faire rentrer.Faire rentrer la malle dans le coffre, les lacets dans les œillets. ♦ Au fig. Faire rentrer (des propos) dans la gorge de qqn. Faire taire quelqu'un. Et tu ne serais pas assez fière pour lui faire rentrer son mensonge dans la gorge? (Bernanos,Soleil Satan, 1926, p. 72).Faire rentrer (un savoir) dans la tête. Apprendre, faire admettre. Il me faisait lire, il a fait rentrer le latin dans ma tête dure (Camus,Exil et Roy., 1957, p. 1578). − Rentrer.On commence par rentrer l'une dans l'autre les deux pièces du pied (Nosban,Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 48). ♦ SPORTS, arg. Rentrer un but. Frapper ou lancer un ballon et le mettre dans le but. Synon. marquer.Pour vous, le football (...), c'est de rentrer le plus de buts possible (Montherl.,Olymp., 1924, p. 360). ♦ Au fig., fam. Rentrer (ses propos) dans la gorge de qqn. Faire taire quelqu'un. On t'a rentré tes chansons dans la gorge on t'a enlevé ta gaîté (Prévert,Paroles, 1946, p. 245). III. − Empl. pronom. réfl., peu fréq. A. − [Le suj. désigne un animé] Se placer à l'intérieur, dans le fond. Mais Gervaise se rentrait davantage dans l'angle de la porte, prise d'une grosse envie de pleurer (Zola,Assommoir, 1877, p. 462). − Pop. Regagner l'endroit où on loge, où on habite. Ils continuèrent à marcher en silence et devant la porte du journal Nadine dit sèchement: « Bon, je vais me rentrer. À demain. − À demain » (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 124). B. − [Le suj. désigne une partie du corps] Se creuser vers l'intérieur. Ses prunelles se dilatent, s'éteignent; ses joues se gonflent, se rentrent; son nez saute (Vallès,J. Vingtras, Enf., 1879, p. 13). REM. 1. Rentre-dedans, subst. masc.a) Boxe. ,,Corps-à-corps`` (Esn. 1966). b) Pop. Faire du rentre-dedans. Faire des avances pressantes. Synon. pop. gringue.Il me fait du rentre-dedans. Avec ça, plaisant, bien élevé, et puis il avait de la conversation (J. Galtier-Boissière,La Bonne vie, 1925, p. 24 ds Cellard-Rey 1980).[Elle raconte] qu'il lui a fait du rentr'dedans, mais qu'elle est trop régulière (Dussort,Preuves exist., 1927, dép. par Esnault, 1938, p. 71). 2. Rentreur, subst. masc.,tiss. Rentreur de chaînes. ,,Ouvrier passant les fils en lisse et en peignes selon l'armature à tisser`` (Mét. 1955). Le nombre plus considérable de lames ou de pas, peut seul compliquer le travail du rentreur (Araud, Ch. Thomas, Fabric. drap, 1921, p. 240). Prononc. et Orth.: [ʀ
ɑ
̃tʀe], (il) rentre [ʀ
ɑ
̃:tʀ
̭]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. A. Intrans. 1. ca 1140 « entrer de nouveau, revenir » l'eve ... rentret en sun canal (Pélerinage Charlemagne, éd. G. Favati, 793); 1661 absol. (Molière, Les Fâcheux, I, V, vers 248); a) expr. 1690 rentrer en danse (Fur.); 1672 rentrer dans le néant (Racine, Bajazet, II, I, 524); 1742 rentrer en lice (Massillon ds Lar. 19e); 1836 rentrer dans sa coquille (Montalembert, Ste Élisabeth, p. 236); b) 1806 rentrant part. prés. adj. « se dit d'une courbe qui revient sur elle-même » (Burckhardt, Instit. Mém. sc., 1ersem., p. 10 ds Littré); 2. a) 1563-64 « reprendre une charge, une fonction » (Ronsard, Nouvelles poésies, livre III, Discours amoureux de Genevre, 44 ds
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. XII, p. 259); 1822 rentrer en classe après les congés (Michelet, Mémor., p. 216); b) 1832 rentrer en scène (Musset ds R. des Deux Mondes, p. 985); 3. a) 1580 rentrer en soi « faire un retour en soi-même » (Montaigne, Essais, éd. Villey-Saulnier, I, XXIII, p. 115); b) 1689 rentrer dans la poudre « (de Dieu) renverser un orgueilleux » (Racine, Esther, I, 3, éd. R. Picard, p. 823); 1761 faire rentrer qqn en terre « couvrir quelqu'un de confusion » (Rousseau, La Nouvelle Héloïse, éd. H. Coulet, VI, II, p. 639); 1830 faire rentrer qqn sous terre (Stendhal, Rouge et Noir, p. 183); 4. a) 1538 rentrer en grâce (Est.); b) fin xvies. rentré en ses biens (D'Aubigné, Hist. universelle, éd. A. de Ruble, I, p. 196); 1remoit. xviiies. rentrer dans les droits (Volt., Henr., IV ds Littré); 1829 rentrer dans son bénéfice (Cousin, Hist. philos. xviiies., 1, p. 76); 1857 rentrer dans ses déboursés (Flaub., MmeBovary, t. 2, p. 145); 5. a) 1652 angle rentrant (J. de Laon, Pratique et Maximes de la guerre, p. 186); b) 1749 « pénétrer, s'enfoncer dans » l'océan rentre un peu dans les terres (Buff., Hist. nat. Preuv. théor. terre, Œuvr., t. II, p. 135 ds Littré); 6. 1690 synon. usuel de entrer (Fur.); 7. av. 1696 « être compris, inclus dans » (La Bruyère, Les Caractères, De l'homme, 83 ds
Œuvres, éd. G. Servois, t. 3, 1, p. 40); 8. a) 1718 jeu de cartes « se dit pour marquer les cartes qui viennent à la place de celles qu'on a écartées » il m'est rentré un mauvais jeu (Ac.); b) 1850 id. « reprendre la main » rentrer à la bouillotte (Balzac, Pts bourg., p. 51); c) 1932 billard faire rentrer une bille (Lar. 20e[1732 « recommencer à jouer » Trév.]); 9. 1762 grav. (Ac.); 10. 1798 « être payé, perçu » cette avance rentrera peu à peu (ibid.); 11. 1803 « s'emboîter, se loger avec précision » (Maine de Biran, Influence habit., p. 78: les termes se toucher, rentrer les uns dans les autres sans se confondre); 12. 1900 arg. « heurter avec violence » rentrer dedans (Nouguier, Notes manuscr. Dict. Delesalle, p. 248); 1901 rentrer dans le bide, dans le bidon, dans le chou (Bruant, p. 211, s.v. éventrer). B. Trans. 1. 1581 rantrer un chemin « le parcourir » (Jaq. Peletier du Mans, Louanges, f o28 v ods Gdf. Compl.), attest. isolée; 2. a) 1672 « cacher, refouler un sentiment ou sa manifestation extérieure » une humeur rentrée (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. I, p. 480); 1837 rentrer ses larmes (Soulié, Mém. diable, t. 1, p. 254); b) 1798 méd. darte rentré (Ac.); 3. 1801 « mettre à l'intérieur » rentrer mes bestiaux et mes moutons (Crèvecœur, Voyage, t. 1, p. 199); 4. 1826 « ramener en arrière certaines parties du corps » la lèvre avait été rentrée (Balzac, Physiol. mariage, p. 155); cf. 1835 une bouche un peu rentrée (Id., Contrat mariage, p. 228); 1866 rentrer sa griffe acérée (Verlaine, Poèmes saturn., p. 74); 5. 1857 « faire disparaître une chose dans ou sous une autre » (Flaub., op. cit., t. 1, p. 71: Emma, quelquefois, lui rentrait dans son gilet la bordure rouge de ses tricots); 1933 cout. un rentré part. passé subst. (E. Pichon ds R. Philol. fr. t. 45, p. 75). II. 1611 industr. text. (Cotgr.). I dér. de entrer*; préf. re-*. II altér. de rentraire*, les formes de ce mot s'étant rapprochées de celles de rentrer* (v. FEW t. 4, p. 773a). Fréq. abs. littér.: 12 220. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 13 579, b) 20 918; xxes.: a) 21 303, b) 16 362. DÉR. 1. Rentrage, subst. masc.a) Action de rentrer (quelque chose). Les frais de rentrage de la brasserie à l'entrepôt (Industr. fr. brass., 1955, p. 23).b) Tiss.
α) Synon. de remettage (dér. s.v. remettre).Le « rentrage » ou « remettage » consiste à passer un à un les fils: 1. dans les maillons des lisses appelées à commander sur le métier à tisser leur évolution de lève et de baisse; 2. dans les dents d'un peigne chargé notamment de maintenir les fils suivant un écartement régulièrement déterminé sur toute la largeur du tissu à fabriquer (Thiébaut,Fabric. tissus, 1961, p. 54).
β) ,,Réduction de la longueur d'une tapisserie lors de la descente du métier, due à la contraction des fils de chaîne qui subissaient une forte tension pendant le tissage`` (GDEL). − [ʀ
ɑ
̃tʀa:ʒ]. − 1resattest. a) 1828 industr. text. (Doin, Dict. teint.), b) 1845 « action de rentrer quelque chose » le rentrage du bois (Besch.); a de rentrer étymol. II, b de rentrer étymol. I, suff. -age*. 2. Rentrure, subst. fém.,grav., impr. a) ,,Endroit où doivent se rencontrer les parties d'un dessin qu'on a besoin de transporter sur le papier ou sur la toile`` (Jossier 1881). b) Action de superposer les planches de couleurs différentes qui permettent de réaliser une polychromie (d'apr. Bég. Estampe 1977). P. méton. Chacune des différentes planches, chacun des différents clichés. Un cliché destiné à être tiré en plusieurs couleurs est reproduit (...) en autant de parties qu'on appelle des rentrures (Carabelli,[Lang. impr.],s.d.).− [ʀ
ɑ
̃tʀy:ʀ]. − 1resattest. a) 1828 « planches gravées servant à porter quelques mordants pour l'impression des toiles » (Doin, op. cit., s.v. rentrage), b) 1842 « endroit où doivent se rentrer les lignes d'un dessin qu'on reporte sur le papier ou sur la toile » (Ac. Compl.); de rentrer étymol. I, suff. -ure*. BBG. − Doppagne (A.). Trois aspects du fr. contemp. Paris, 1966, pp. 90-92. − Quem. DDL t. 30. |