| RENTIER, -IÈRE, subst. A. − Celui, celle qui a des rentes, qui vit de revenus non professionnels. Rentier cossu; petit, gros rentier; riche, paisible rentier. C'est un rentier, monsieur. Un homme bien bon, et qui fait du bien aux malheureux, quoique pas riche (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 852).On devait bien trouver, dans cette population de pays riches, quelque ancienne rentière en train de mourir de faim sur ses emprunts russes ou son turc unifié (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 311). − Rentier viager. Personne qui bénéficie d'une rente viagère. (Dict. xixeet xxes.). ♦ En compos. Crédi-rentier, crédirentier, -ière. Celui, celle qui touche une rente viagère. Débi-rentier, débirentier, -ière. Celui, celle qui verse une rente viagère. Revenu perpétuel ou viager que le « débi-rentier », doit payer chaque année en argent ou en nature au « crédi-rentier », en contrepartie de l'aliénation par celui-ci d'un bien immobilier ou d'un capital immobilier (Barr.Suppl.1974, s.v. rente). − Empl. adj. L'effort principal évidemment sera d'alléger le budget du poids de la dette dont il est grevé au profit de la bourgeoisie rentière et du terrible poids des dépenses militaires (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 179). ♦ P. métaph. C'est un grand secret que de compter sur la jeunesse, et c'est le moyen de la conserver; au lieu que les amoureux de la comédie moyenne n'ont qu'un plat avenir, et un amour rentier (Alain, Beaux-arts, 1920, p. 166). − En partic. Rentier de l'État. Celui, celle qui possède une rente sur l'État. Comment est-tu si juste avec les planteurs de betteraves et si injuste envers les rentiers de l'État? (Lamart., Corresp., 1836, p. 215). B. − P. anal. Celui, celle qui a des revenus suffisants pour vivre sans travailler. Mener une vie, une existence de rentier. Tant mieux! se dit encore la petite danseuse. Je voudrais qu'il [le violoniste] joue toute la nuit: pendant ce temps-là, je suis rentière! (Colette, Music-hall, 1913, p. 84): À onze heures, je m'amène ici pour leur servir leur déjeuner, au bureau... Toujours du froid, pas même de fricot à faire, juste le café... Une vraie rentière!
Martin du G., Taciturne, 1932, I, 2, p. 1248. − Loc. et expr. ♦ Vivre en rentier. Vivre sans soucis pécuniaires, tranquillement. Une fois que le père Bonderoi fut mort, la veuve se mit à vivre en rentière paisible et irréprochable. Elle fréquentait assidûment l'église, parlait dédaigneusement du prochain, et ne laissait rien à dire sur elle (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Remplaçant, 1883, p. 867).On lui donna la permission de sortir en ville et il vécut alors en petit rentier, faisant son tour jusqu'à la gare par l'avenue d'Alsace-Lorraine, flânant aux devantures, allant lire le communiqué pour voir s'il l'on parlait des secteurs où il s'était battu (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 307). ♦ Faire le rentier. (fam.). Ne plus travailler. − Qu'est-ce qui vous est donc arrivé, père Crainquebille? Il y a bien trois semaines qu'on ne vous a pas vu. Vous avez été malade? Vous êtes un peu pâle. − Je vas vous dire, m'ame Mailloche, j'ai fait le rentier (A. France, Crainquebille, 1904, p. 42).Il faisait le rentier; il allait souvent pêcher au canal et il rapportait des nouvelles du quai de Jemmapes (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p. 242). ♦ En rentier. Deux chaises de fer étaient restées sur la terrasse; Daniel en prit une par le dossier, la porta sur le bord du trottoir et s'assit en rentier sous le ciel militaire (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 79). Prononc. et Orth.: [ʀ
ɑ
̃tje], fém. [-jε:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694; 1694-1740 au masc.; dep. 1762 au masc. et au fém. Étymol. et Hist. A. 1. 1erquart xiiies. adj. et subst. « (celui, celle) qui doit payer des rentes seigneuriales » (Renclus de Molliens, Charité, 83, 10 et Miserere, 2, 8 ds T.-L.); 2. 1erquart xiiies. « celui qui encaisse les rentes » (Id., Charité, 198, 3, ibid.); 3. a) 1356 « possesseur de rentes » (Reg. du chap. de S. J. de Jerus., Arch. MM 28, f o43, r ods Gdf.); b) 1755 « personne inactive vivant de ses rentes » (Mirabeau, Ami des hommes, t. 2, p. 511). B. Ca 1463 « registre des rentes (en Bretagne) » (Chron. du Mt St Michel, éd. S. Luce, t. 2, p. 256). Dér. de rente*; suff. -ier*. Fréq. abs. littér.: 324. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 299, b) 635; xxes.: a) 544, b) 455. Bbg. Cobban (A.). The vocabulary of social history. Political science quarterly. 1956, t. 71, p. 2. |