| RENIFLER, verbe I. − Empl. intrans. et trans. indir. A. − Empl. intrans. 1. [Le suj. désigne un animal] Aspirer l'air bruyamment par le nez, par les naseaux, pour manifester du mécontentement, un refus, de la peur. Cheval qui renifle (synon. renâcler).Le lion eut tout à coup un mouvement de colère. D'abord il renifla, gronda sourdement, écarta ses griffes, étira ses pattes (A. Daudet, Tartarin de T., 1872, p. 31). 2. [Le suj. désigne une pers.] Aspirer plus ou moins bruyamment l'air ou des mucosités à travers les narines. Ferdinand boucha l'une de ses narines avec le pouce et renifla pour soulager un éternel rhume de cerveau (Duhamel, Terre promise, 1934, p. 11): Et il pleurait, de toute son âme (...). Puis quand le major l'eut quitté, il renifla, s'essuya les yeux, et sentit soudain un immense délabrement. Alors, il bredouilla tout de suite: « Cré nom... j'ai faim! »
Benjamin, Gaspard, 1915, p. 72. B. − Empl. trans. indir., vieilli. Renifler sur qqc.Marquer de cette façon sa répugnance pour quelque chose. Cet enfant renifle sur sa soupe; ce cheval renifle sur l'avoine (Ac.1935). − Au fig., vx. La société des Jacobins combattait encore; elle ne pouvait renifler sur la mort (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 323). II. − Empl. trans. Renifler qqc. A. − [Le suj. désigne une pers./un animal] 1. Aspirer par le nez. Renifler du tabac, la poussière. Sur la place de Touggourt il y avait des marchands d'aromates. Nous leur achetâmes différentes sortes de résines. On reniflait les unes. On mâchait les autres (Gide, Nourr. terr., 1897, p. 236).La tante à Bébert (...) reniflait un peu l'éther, habitude contractée alors qu'elle servait chez un médecin et qu'elle avait eu si mal aux dents de sagesse (Céline, Voyage, 1932, p. 303). ♦ En partic. Renifler ses larmes. Chercher à retenir ses larmes en reniflant. Babette pleure, Marguerite renifle ses larmes (Giono, Colline, 1929, p. 162). 2. Aspirer fortement par le nez pour discerner une odeur. Renifler une bonne, mauvaise odeur. Au dessert, madame, qui durant le repas n'avait cessé de renifler mes mains, mes bras, mon corsage, a dit d'une voix nette et tranchante: − Je n'aime pas qu'on se mette des parfums (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 33). ♦ Empl. subst. masc., rare. Le renifler. Le fait de renifler, de sentir en humant. Il précéda sa cliente au fond de la boutique pour lui faire tâter des camemberts. Les uns étaient moelleux, mais au renifler d'autres semblaient mieux à point (Aymé, Maison basse, Paris, Gallimard, 1935, p. 44). ♦ Empl. abs. Chien de chasse qui renifle. Mais il l'assommait, il reniflait dans tous les endroits pas propres, jusque dans ses pantoufles. − Oui, ma chère, dans mes pantoufles... Oh! un vieux saligaud! (Zola, Nana, 1880, p. 1314).Il y a sous bois de vagues petites fleurs (...). Camille en cueillit une, elle la mit sous le nez de Jacquot. − Tiens, sens! Jacquot renifla consciencieusement. − Ça ne sent rien, dit-il (Queneau, Loin Rueil, 1944, p. 48). B. − P. métaph. ou au fig. [Le suj. désigne une pers.] 1. Fam. Deviner, soupçonner. Synon. flairer (fam.), subodorer.Renifler qqc. de louche. T'es un copain, et un copain pas fier, quoiqu'tu soyes bachelier... J'tai reniflé, comprends-tu, et j'sais comment qu'tu causes (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 13).Thérèse: Mais ce n'est pas ma faute si je l'aime! Gosta: Non, bien sûr. C'est ton instinct. Je te croyais propre mais tu reniflais l'argent avec ton sale petit museau comme les autres (Anouilh, Sauv., 1938, i, p. 161). 2. Arg. [Dans des tournures nég.] Supporter. Synon. blairer (pop.), sentir (fam.).Il peut pas me renifler. Il avait bien plu, et à tout le monde, dans ses fonctions. Et puis à un moment donné il a cessé de plaire... Ils en ont eu marre de sa gueule et de ses façons... Ils pouvaient plus le renifler (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 31). III. − Empl. intrans, arg. Ça renifle. Ça pue. Ça renife [sic], ce poisson (Esn.1966). Prononc. et Orth.: [ʀ
ənifle], (il) renifle [-nifḽ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1530 intrans. « aspirer bruyamment par le nez » (Palsgr., p. 724a); 1755 fig. « marquer de la répugnance pour » (Saint-Simon, 34, 142 ds Littré); 2. 1767 trans. « aspirer par le nez, sentir » (Volt., Dict. phil. Epopée, Milton ds Littré). Dér., à l'aide du préf. re-* marquant le renforcement, de l'a. fr. nifler « id. » (1remoit. xives. [date ms.] Dial. de S. Grég., ms. Evreux, f o60bds Gdf. − 1660 Oudin Fr.-Esp. qui le qualifie de vx), qui subsiste dans les pat. (v. FEW t. 7, p. 123), d'un rad. onomat. niff.- imitant le bruit qu'on fait en reniflant, le n- évoquant la résonance nasale, le -f le bruit de l'aspiration. Fréq. abs. littér.: 404. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 73, b) 371; xxes.: a) 726, b) 1 015. DÉR. 1. Reniflade, subst. fém.,région. (Provence). Action de renifler et, p. méton., bruit ainsi produit (supra I A et II A). Le jeune Amaudric vient faire boire le cheval. La bête souffle sur le bassin à pleins naseaux pour crever la peau de l'eau. Le savon lui pique le nez. Il tire une reniflade (Giono, Gd troupeau, 1931, p. 145).On n'entend plus rien, sinon, au fond du couloir, la reniflade du père qui vient de se faire peur à force de ronfler (Giono, Gd troupeau, 1931, p. 220).− [ʀ
əniflad]. − 1reattest. 1653 renifflade (Scarron, Dom Japhet d'Arménie, éd. 1786, III, 4, t. 6, p. 436); de renifler, suff. -ade*. 2. Reniflerie, subst. fém.,vx, fam. Action ou habitude de renifler. Tout le monde s'écarte de lui à cause de sa reniflerie (Ac.1935).− [ʀ
əniflə
ʀi]. Att. ds Ac. dep. 1798. − 1reattest. 1653 renifflerie (Scarron, op. cit., p. 433); de renifler, suff. -erie*. 3. Reniflard, subst. masc.a) Mécan. automob. Dans un moteur à explosion, dispositif monté sur le carter et servant à évacuer les vapeurs d'huile de graissage. Un reniflard permet de mettre le carter en liaison directe avec l'air extérieur, afin d'assurer la ventilation du carter d'une manière sommaire (Chapelain, Techn. automob., 1956, p. 163).b) Technol.
α) ,,Petite soupape s'ouvrant automatiquement sous l'action d'une différence de pression entre la pression atmosphérique et une conduite ou un appareil hydraulique, pour laisser échapper, ou au contraire laisser rentrer une petite quantité d'air`` (Colas-Cab. 1968).
β) Appareil servant à évacuer les eaux de condensation dans certaines conduites. On place des reniflards aux coudes placés à l'extrémité de pentes ou de longs tuyaux, dans le chauffage à la vapeur (Chabat1881).− [ʀ
ənifla:ʀ]. − 1reattest. 1821 (O. Evans, Man. de l'ingénieur mécanicien, trad. Doolittle, p. 97 ds Quem. DDL t. 3); de renifler, suff. -ard*. 4. Renifleur, -euse, adj. et subst.a) Adj. ou subst. (Personne ou animal) qui renifle, qui a l'habitude de renifler (supra I A). Enseigner les rudiments de la musique à des marmots somnolents et renifleurs (Duhamel, Désert Bièvres, 1937, p. 55).Deux énormes chiens-loups gras et renifleurs se tenaient près de l'hôtelier (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 38).[P. méton.] Le frère et la sœur (...) sont allés aux Buttes-Chaumont − les pattes flaneuses, le nez en avant, renifleur, attirés par l'odeur (Frapié, Maternelle, 1904, p. 212).Au fig. Ce pseudo érudit, renifleur de textes, ne savait, en réalité, presque rien (L. Daudet, Brév. journ., 1936, p. 212).b) Subst. masc., technol. Appareil servant à détecter la présence de certains corps (fumée, gaz). [Au Centre Pompidou de Beaubourg] sept cents portes coupe-feu, mille deux cents renifleurs de fumée, des arroseurs automatiques partout (Le Monde loisirs, 4 févr. 1984, p. IV, col. 3).Pétrol. Appareil utilisé en prospection marine ou dans la lutte contre la pollution, et servant à détecter d'éventuelles émissions d'hydrocarbures gazeux. (Dict. xxes.). − [ʀ
əniflœ:ʀ], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1resattest. 1576 (Sasbout Dict. flam.-franç. ds Fonds Barbier: reniffleur, ronfleur), 1642 reniffleur (Oudin, Fr.-Ital.), de renifler, suff. -eur2*. |