| RENFERMER, verbe trans. A. − Enfermer complètement, mettre, tenir dans un lieu clos, fermé. 1. a) Vieilli. [Le compl. d'obj. désigne un animé] Synon. cloîtrer, confiner, emprisonner, séquestrer.Le Turc qui renferme sa femme lui prouve au moins par-là qu'elle est nécessaire à son bonheur (Staël, Allemagne, t. 1, 1810, p. 80).Alors je prends Yves par les épaules, et, passant devant ses trois ennemis, qui se rangent pour nous faire place, je l'emmène dans ma chambre et l'y renferme à double tour. Là, pour le moment, il est en sûreté (Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 155).[Dans une tournure factitive] M. Dumoulin (...) a fait plusieurs actes de folie qui, en Europe, l'auraient fait renfermer (Voy. La Pérouse, t. 4, 1797, p. 183). ♦ Au fig. J'ai maintenant l'esprit assez tranquille et suis tout entier renfermé dans le plaisir de vous écrire (M. de Guérin, Corresp., 1839, p. 373). − Empl. pronom. réfl. S'enfermer complètement. Se renfermer chez soi, dans sa tour d'ivoire. Le père Stanislas se renfermait au verrou quand il entrait chez lui et emportait sa clef quand il en sortait (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 419).Ernst ne faisait pas d'avance, à Christophe, pour être présenté à Ada; mais il se renfermait mélancoliquement dans sa chambre et refusait de sortir, disant qu'il ne connaissait personne (Rolland, J.-Chr., Adolesc., 1905, p. 354). b) [Le compl. d'obj. dir. désigne un inanimé] Synon. ranger, serrer (vieilli).Elle (...) m'a renfermé alors un billet de mille francs en plein dans la main et puis encore un autre en plus pour être sûre (Céline, Voyage, 1932, p. 425).[À la forme passive] Il n'existe hors de chez moi que deux manuscrits d'Hernani. L'un est déposé au théâtre. C'est celui sur lequel on répète tous les jours. Dès que la répétition est terminée, ce manuscrit est renfermé sous triple clef (Hugo, Corresp., 1830, p. 464). 2. Au fig. a) Vieilli. Tenir caché, ne pas dévoiler ses sentiments. Renfermer son impatience, sa peine. Que répondre à un amour si passionné? Maurice pleura, ne répondit rien et renferma son secret (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 72). − Empl. pronom. réfl. Se replier sur soi-même, ne rien exprimer de ses sentiments, de ses pensées. Se renfermer dans le mutisme, dans le silence; se renfermer sur soi-même. Je me suis renfermé en moi-même, j'ai repris mes bouquins, je suis revenu à ma solitude (Rivière, Corresp., [avec Alain-Fournier], 1907, p. 272). b) Loc. fam. Ça l'a renfermé. Cela l'a replié sur lui-même. Mon père, le drame des Cortilène ça aurait pu lui fournir des occasions pour des transes et des motifs de pires gueulements. Au contraire ça l'a renfermé. Il ne nous parlait presque plus (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 89). B. − Vieilli. Tenir dans des bornes, dans des limites. Synon. borner, circonscrire, limiter.Tout corps, quel qu'il soit, pierre ou diamant, est renfermé sous les trois formes de longueur, de largeur et de hauteur (Lacord., Conf. N.-D., 1848, p. 50). − Au fig., empl. pronom. Se limiter à. − Empl. pronom. réfl. V. avertissement ex. 4: Le ministre de l'Instruction publique (...) avait (...) montré à l'Empereur les attaques des livres de Renan au christianisme. On le fait venir, il promet de se renfermer dans des questions de philologie et de langue orientale.
Vigny, Journ. poète, 1862, p. 1368. ♦ Empl. pronom. passif. Deux fois, en ces cinquante jours, la comtesse s'avança peut-être au-delà des bornes dans lequelles se renfermait notre affection (Balzac, Lys, 1836, p. 216). C. − Contenir en soi, dans un espace, dans un lieu. Flacon qui renferme un parfum, médicament qui renferme un produit dangereux. La marquise courut à un petit meuble en bois de rose qui renfermait ses écrins (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 279).Cette ville (...) renferme une curiosité qui nous aurait fait venir de plus loin. C'est la grotte, si bien nommée, de las Maravillas (T'Serstevens, Itinér. esp., 1933, p. 165). − Au fig. Avoir en soi, inclure. Synon. comprendre, contenir, impliquer.Je sentis le besoin de faire dévier par une plaisanterie une conversation beaucoup trop tendue pour ce qu'elle renfermait de si apparemment platonique, et dont le badinage un peu forcé n'était pas innocent (Gracq, Beau tén., 1945, p. 92). D. − MAN. Renfermer un cheval. ,,Le bien tenir dans la main et dans les jambes`` (Ac.). REM. Renfermement, subst. masc.,vieilli. Action de renfermer; résultat de cette action. Vie de renfermement. Mon petit Daudet (...) grandit, grandit,... tandis que Zola me paraît diminuer en son renfermement de Médan (Goncourt, Journal, 1883, p. 268). Prononc. et Orth.: [ʀ
ɑ
̃fε
ʀme], (il) renferme [-fε
ʀm]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1555 se renfermer en « se tenir contenu dans » (Ronsard, Hymnes ds
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 8, p. 176); b) 1558 trans. (Du Bellay, Regrets, CX, éd. H. Chamard, t. 2, p. 140); c) 1587 fig. (Ronsard, Elegies, t. 18, p. 246: Il faut de main rampart ta langue renfermer, Qui veut toujours causer); d) 1654 « tenir caché (un sentiment) » (Scudéry, G. de Alaric ou Rome vaincue, p. 172); e) 1637 « réduire à certaines limites (ici: temporelles) » (Id., Observations sur le Cid, p. 79); 2. 1671 (Nicole, Essais de Morale, t. 2, p. 141: c'est encore un plus grand mal que (...) de se renfermer en soi seul, de ne songer qu'à soi); 1766 part. passé adj. (MmeRiccoboni, Comtesse de Sancerre, lett. 52 ds Littré: M. de Montalais est incompréhensible... on ne le connaît pas, il est renfermé); 3. 1680 (Rich.: Il sent ici le renfermé). Dér. de enfermer*; préf. re-*. Fréq. abs. littér.: 2 464. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7 693, b) 3 055; xxes.: a) 2 381, b) 842. |