| RENDRE, verbe I. − Rendre qqn/qqc. à A. − Rendre qqn1/qqc. à qqn2.(Re)donner ce qui est dû ou attendu. 1. [Qqc. désigne l'obj. d'une restitution] a) [Qqc. désigne un inanimé concr.] Restituer (à son propriétaire), remettre (à son destinataire). Rendre un livre prêté. Les Espagnols (...) ont toujours eu au fond l'intention de rendre la Louisiane (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p. 203).− Que lui voulez-vous, à ce garçon-là? − Je veux lui rendre un livre qu'il m'a prêté (Bertrand, Gaspard, 1841, p. 60): 1. Les bijoux qu'il contenait avaient été volés, puis rendus, mais par qui? « Qu'en penses-tu? » me dit ma mère. Je regardai les bijoux: plusieurs agrafes ornées les unes de pierre, les autres de petites aquarelles: « Je pense que voilà une injure du voleur! Il nous rend nos bijoux parce qu'ils ne valent rien. J'en aurais fait tout autant. (...) »
Jacob, Cornet dés, 1923, p. 96. ♦ Vieilli. Rendre une lettre, un paquet. Porter une lettre, un paquet. Le frère de Jenny qui part à l'instant pour Mayence vous rendra cette lettre (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1568). ♦ P. anal. Rendre qqn à qqn.− Vous rendre Alfred, Monsieur Paturot! Mais vous n'y songez pas. Impossible, monsieur, impossible. Jamais, monsieur, jamais. − Mais, monsieur, c'est mon fils (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 420).Au bout de huit jours, on avait rendu le gamin à son père, parce qu'il avait déjà enseigné des expressions ordurières à M. Joanny (Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 202). ♦ En partic. Rendre la monnaie*. Rendre une marchandise, un article. Le rapporter (au vendeur) afin de l'échanger. MmeGuibal expliquait à MmeMarty sa tactique. Quand une robe lui plaisait dans un magasin, elle se la faisait envoyer, en prenait le patron, puis la rendait (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 639).Rendre un cadeau. Le redonner à celui qui l'a offert. Je murmurai: « J'ai voulu vous rendre votre bague. − J'ai vu, dit-il d'une voix grave. J'ai pensé: je gâche tout (...) » (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 322).Rendre le livret (aux ouvriers) (au xixes.). Les congédier. La compagnie, irritée de l'entêtement des grévistes, parlait de rendre leurs livrets aux mineurs compromis (Zola, Germinal, 1885, p. 1362). ♦ Rendre un travail, un ouvrage. Le remettre à la personne qui l'a commandé. Vers 1819, j'ai enseigné l'anglais en vingt-six jours à M. Antonio Clerichetti à Milan (...). Le trentième, il rendit à un libraire sa traduction des interrogatoires de la princesse de Galles (Stendhal, H. Brulard, t. 2, 1836, p. 102). ♦ JEUX. Rendre des points (à un adversaire). Donner des points d'avance à un adversaire plus faible pour égaliser les chances. M. le préfet Worms-Clavelin était d'une jolie force au billard; mais M. le président Peloux lui rendait des points (A. France, Orme, 1897, p. 208). ♦ HIPP. Rendre du poids, de la distance. Supporter un handicap (de poids, de distance) permettant à un adversaire plus faible de partir à égalité de chances. Trotteur rendant 25 mètres. Tel cheval peut rendre deux kilos à tel autre dans une épreuve courue assez lentement, mais la prochaine fois, si le train est très sévère, les deux kilos lui pèseront bien plus sur les reins et il ne pourra pas renouveler sa victoire (Zitrone, Courses, 1962, p. 271). − Expr. fig. ♦ [P. allus. aux paroles du Christ] Rendre à César ce qui appartient à César. Rétrocéder à quelqu'un. Suivait un paragraphe destiné à rendre à César ce qui était à César (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p. 71). ♦ Rendre sa parole, sa promesse à qqn. Délier quelqu'un de sa parole, de sa promesse. Dites-lui que je lui rends ses promesses, que moi-même je la prie de se donner au ciel (Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 304).Le Général, s'emportant: − Le polisson! Il me rend sa parole et il m'écrit qu'il part avec sa maîtresse!... (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, ii, 13, p. 55). b) P. ext.
α) [Qqc. désigne un témoignage de respect, de reconnaissance] S'acquitter d'un devoir moral. Rendre hommage, honneur; rendre les derniers hommages (v. hommage), les derniers honneurs (v. honneur), les honneurs militaires, les derniers devoirs (v. devoir2); rendre grâce(s) (v. grâce). ♦ Rendre un culte. Honorer d'un culte. Insensés et criminels sont aussi ceux qui tiennent pour des dieux, des idoles insensibles, façonnées de main d'homme, ou rendent un culte aux animaux (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 1015).Au fig. Leurs rapines, tournées en science et en stratégie financières, leur avaient asservi ce temps, qui rend un culte au veau d'or (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 336).
β) [Qqc. désigne un discours] Faire savoir, prononcer (généralement au nom d'une loi, d'un pouvoir). Rendre une sentence, un témoignage, un verdict. Quelle est donc cette justice qui rend des arrêts comme celui-ci (Proudhon, Propriété, 1840, p. 181).Laplaigne demande à la Convention, qui rendit immédiatement un décret dans ce sens, l'abolition et l'interdiction de toute substitution (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 223). ♦ Rendre (des) compte(s). V. compte.Rendre justice*. Rendre (une, cette) justice* à qqn. ♦ Rendre des oracles. Prononcer des oracles. Dieu chérit de Sion les sacrés tabernacles Plus que les tentes d'Israël; Il y fait sa demeure, il y rend ses oracles (Lamart., Médit., 1820, p. 208).Dans la lutte des générations, enfants et vieillards font souvent cause commune: les uns rendent les oracles, les autres les déchiffrent (Sartre, Mots, 1964, p. 20). ♦ Empl. pronom. à sens passif. La justice se rend, au nom de l'Empereur, par les officiers qu'il institue (Sénatus-consulte organique, 1804ds Rec. textes hist., p. 132). 2. [Qqc. désigne un inanimé abstr., obj. d'une perte] Redonner, faire recouvrer. Rendre la santé, la vie à qqn. Elle est déshonorée. Il n'y a qu'un mariage pour lui rendre sa réputation (Pagnol, Fanny, 1932, i, 2etabl., 1, p. 64): 2. Folly est jeune et piquante, et je sens que je me fais quelque peu vieille depuis notre dernière rencontre. Si vous trouvez votre bonheur à épouser Folly, je suis tout prête à vous rendre votre liberté au prix des plus chères espérances de ma vie.
Nodier, Fée Miettes, 1831, p. 143. 3. [Qqc. désigne une manifestation phys. ou affective] Donner en retour. Dieu de bonté, m'écriai-je, elle m'aime! Elle m'avait rendu mon baiser (Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 208).Il avait voulu rendre le mal pour le mal. Or, son mal devenait un bien. Il allait rendre le bien pour le bien au plus vite (Cocteau, Enfants, 1929, p. 142). − Loc verb. ♦ Rendre (un) service. [Le suj. désigne une pers.] Offrir une aide bénévole. Je veux bien vous rendre service, mais je ne veux pas me ruiner (Lamennais, Paroles croyant, 1834, p. 117).Dire que personne ne veut nous rendre service et accepter que ce soit sans retour: retour d'ordre matériel ou d'ordre sentimental (Montherl, Malatesta, 1946, iv, 4, p. 515).[Le suj. désigne un inanimé] Apporter une aide. Les admirables services qu'ont rendus l'éther et le chloroforme (Baudel., Paradis artif., 1860, p. 384).S'il est un service que les arts du temps rendent à l'homme ou à la femme, c'est de lui faciliter sa propre découverte (Arts et litt., 1935, p. 88-01). ♦ Rendre (une) visite. Aller voir. Une vieille tradition accorde un enfant à la première femme qui rend visite à une accouchée (Menon, Lecotté, Vill. Fr., 1, 1954, p. 77). − Expr. fig. ♦ Rendre (à qqn) la monnaie* de sa pièce. ♦ Rendre la pareille, rendre bien qqc. à qqn. Traiter quelqu'un comme il a fait lui-même de vous. Un libre penseur respecte la religion de sa femme; mais les femmes ne se croient pas tenues de nous rendre la pareille (Ménard, Rêv. païen, 1876, p. 183).Les officiers se méfiaient de leurs troupes indisciplinées qui le leur rendaient bien (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p. 250). B. − Rendre qqc.1à qqc.2Redonner (ce qui a été perdu, altéré). − [Qqc.1et qqc.2désignent des inanimés concr.] Quand les centaines de générations qui nous suivent auront rendu à la terre cette poignée de poussière qu'elles lui empruntent tour à tour (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 35).La nécessité de longues jachères pour rendre au sol ses éléments nutritifs (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 310). − [Qqc.1désigne un inanimé concr., qqc.2un inanimé abstr.] Quand les travaux contraignirent à cloisonner (...) on rendit cette table à la consultation normale (Cain, Transform. B.N., 1959, p. 55). − [Qqc.1désigne un inanimé abstr., qqc.2un inanimé concr.] Le frottement avec un chiffon de laine suffit pour lui rendre son éclat [au meuble] (Nosban, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 186). C. − Rendre qqn à qqc.[Qqc. désigne un état antérieur] Faire passer. Qui que vous soyez (...), je vous rends à cette nudité lumineuse que ne ternissent ni les fumées de l'opulence, ni les poisons de l'envieuse pauvreté (Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 33).La mise en non-activité ne rend pas l'officier à la vie civile (Lubrano-Lavadera, Législ. et admin. milit., 1954, p. 74). II. − Rendre qqc. A. − [Qqc. désigne ce qui ne peut pas être gardé] 1. [Le suj. désigne un animé, ou une partie du corps d'une pers.] Évacuer par les voies naturelles, en partic., vomir. Si je dépassais le moins du monde mon tirant d'eau, disait-il, mon estomac rendait aussitôt le superflu (Fain, Mém., 1814-25ds Rec. textes hist., p. 128).Un superbe cheval entier, qui, rendant du sang par la bouche et par les naseaux, étouffait au bord du précipice (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 155). − Empl. factitif. On met le pouce sur l'extrêmité G, et on rend l'air peu à peu en soulevant le pouce (Lavoisier, Chim., t. 1, 1789, p. 46). ♦ EQUIT. Rendre la main*. − P. anal. Rendre l'âme*, le dernier soupir, l'esprit. Mourir. La maladie ne dura que onze jours. Alexandre rendit l'esprit le 13 décembre 1825 (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 158).J'ai dit « oui » et, là-dessus, le pauvre Sam Watkin a rendu le dernier soupir (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 114). − Au fig. Faire rendre gorge*. 2. [Le suj. désigne une autorité milit., une armée] Laisser à l'ennemi, livrer ce que l'on ne peut pas garder. Les patriotes comprenaient bien que, si nous avions rendu la place, ce n'était pas de notre faute (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 152). ♦ Rendre les armes. V. arme.Rendre son épée*. 3. [Le suj. désigne un inanimé concr.] a) [En constr. dir. ou indir.] Laisser s'échapper. Rendre de l'eau. Madame Blondel jura que le gigot rendait le sang (Hamp, Champagne, 1909, p. 183): 3. ... les matelots pêchaient avec leurs lignes des damiers et des pétrels. On en voyait des rangées, écorchés comme des lapins, qui pendaient tout rouges dans les haubans de misaine, attendant leur tour pour être mangés. Au bout de deux ou trois jours, quand ils avaient rendu toute l'huile de leur corps, on les faisait cuire.
Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 79. b) Rendre un son. Émettre, produire un son. Ne soyez pas sévère pour celui qui ne fait encore qu'essayer sa lyre: elle rend un son si étrange! (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p. 160).Une patte de derrière, mieux musclée, frappe le sol qui rend un son assourdi (Pergaud, De Goupil, 1910, p. 125). c) Empl. intrans. [Dans un cont. sportif] Renvoyer (une balle, une boule). C'est une partie [de billard] vraiment intéressante. Les billes courent, se frôlent, croisent leurs couleurs. Les bandes rendent bien, le tapis s'échauffe (A. Daudet, Contes lundi, 1873, p. 15). B. − [Qqc. désigne l'objet d'une opération intellectuelle, artistique, un concept, un affect] 1. Exprimer fidèlement, clairement. Rendre mot pour mot. Rendre imparfaitement une idée imparfaite, c'est interposer deux écrans opaques entre la vérité et le lecteur ou l'élève (Amiel, Journal, 1866, p. 225).J'y découvris un passage assez curieux dont je vais vous rendre le sens très exactement (A. France, P. Nozière, 1899, p. 156). 2. a) Traduire par un mode d'expression artistique. Synon. représenter, reproduire.Le ciel et les lointains sont admirablement rendus (R. des Deux Mondes, t. 2, 1839, p. 102).La musique (...) ne peut rendre que des sentiments et des passions (T. Gautierds La Presse, 9 déc. 1844): 4. Le but le plus élevé qu'un chef d'orchestre doive se proposer est donc le suivant: traduire dans une forme sensible, de la façon la plus adéquate, la plus fidèle, la plus parfaite, le contenu, l'essence de l'œuvre qu'il doit rendre.
Arts et litt., 1936, p. 60-12. b) Traduire, exprimer dans une autre langue. C'est très difficile et plus que je ne croyais, non à comprendre, mais à rendre: ce vieux style allemand à la française résiste tant qu'il peut (Nerval, Corresp., 1851, p. 172).Cette exégèse indique le sens que lui accorde Commodien. Un troisième passage rend par mysterium le sens de sacrement (Théol. cath.t. 14, 11939, p. 492). − Empl. pronom. à sens passif. L'amour filial du fils d'Opheltes a électrisé celui du fils d'Énée: (...) Remarquez que l'amour filial, celui de la patrie, et même l'amour paternel, se rendent par le mot de pitié (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 312). C. − [Qqc. désigne un gain, un produit attendu] Produire, rapporter. Calculer combien de boisseaux de froment ont rendu les épis (Gautier, Rom. momie, 1858, p. 268).[Cette agriculture] couvrait une bonne partie des besoins alimentaires des Allemands qui, loin de la sacrifier, essayaient de lui faire rendre le maximum (Lesourd, Gérard, Hist. écon., 1966, p. 407). − Empl. abs. Un homme qui ne pouvait s'attacher longtemps à une entreprise, même si cela rendait (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 111).Comment peut-on perdre du temps à faire de l'histoire − alors que tant de tâches fécondes, et qui « rendent », requièrent aujourd'hui toutes les énergies (L. Febvre, Vers une autre hist., [1949] ds Combats, 1953, p. 421). III. − Rendre qqn/qqc. + attribut du compl.Faire devenir. A. − [Le compl. désigne un animé, gén. une pers.] Le malheur extrême rend l'homme barbare en concentrant tout son intérêt sur lui-même (Sénac de Meilhan,Émigré,1797,p. 1609).Le fouet d'un ignorantin vous rend un enfant plus docile et plus aimable (Janin, Âne mort, 1829, p. 41).Dieu accorde à Anne d'autres enfants pour remplacer Samuel, et Dieu rendit Anne mère de trois fils et de deux filles (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 970). − Rendre colère. Mettre en colère. Je ne sais quoi m'empêchait de pouvoir prendre aucune note et me rendait colère (Goncourt, Journal, 1894, p. 616). − Fam. Rendre tout(e) chose (v. ce mot I B). Un chant d'orgue, ça m'emplit la poitrine, puis l'estomac... ça me rend toute chose... comme en amour (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 62). B. − [Le compl. désigne un inanimé] La civilisation rend les esprits routiniers (Fourier, Nouv. monde industr., 1830, p. 30).Cette agglomération de sons dans la région grave ne rend pas la basse trop compacte (Arts et litt., 1935, p. 38-8). − Empl. pronom. réciproque. Un homme et une femme, dans une île déserte, contribueraient à se rendre la vie heureuse (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 333). SYNT. Rendre qqn amoureux, attentif, fou, furieux, heureux, irritable, jaloux, malade, malheureux, meilleur, odieux, pensif, responsable, sensible, triste; rendre père; rendre qqc. difficile, durable, facile, familier, habitable, impossible, impropre, intéressant, intelligible, inutile, invisible, manifeste, possible, utile; rendre une œuvre accessible, une position difficile, la lecture agréable, la société meilleure, la terre fertile. IV. − Se rendre A. − Se rendre + compl. prép. désignant un lieu 1. [Le suj. désigne une pers.] Se déplacer, aller. Se rendre à l'église, au bureau, à la gare. Je sortis pour me rendre à mon atelier (Gobineau, Pléiades, 1874, p. 68).Il doit se rendre sur les lieux du sinistre et en noter les péripéties (Coston, A.B.C. journ., 1952, p. 112). − [P. méton. du n. désignant le lieu] Ma tante, dit-il, ma femme n'a pu se rendre à votre invitation (Karr, Sous tilleuls, 1832, p. 199).V. empressement ex. de Courteline. 2. [Le suj. désigne un inanimé] Aboutir, aller. L'eau de ruissellement et l'eau de pénétration se rendent à la mer, mais elles prennent des chemins différents (Boule, Conf. géol., 1907, p. 12).Un tube de plomb par où les vapeurs et les gaz mal odorants qui se dégagent sous la cloche, se rendent à la cheminée (Quéret, Industr. gaz, 1923, p. 271). B. − Se rendre à qqc.Se laisser convaincre par quelque chose, se soumettre à quelque chose. Monsieur, cela suffit; je vais me rendre aux ordres de sa majesté (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 378).Elle se rendait à sa supplication, (...) elle renonçait à faire le Matterhorn (Peyré, Matterhorn, 1939, p. 249). ♦ Se rendre à l'évidence*. C. − Se rendre (à qqn).Se soumettre parce que l'on est vaincu. Synon. capituler, tomber.Le siége de Sens dura peu. La ville se rendit deux jours après que le roi d'Angleterre et le duc de Bourgogne se furent présentés (Barante, Hist. ducs de Bourg., t. 4, 1821-24, p. 309): 5. J'ai vu des jeunesses plus insolentes que la vôtre, et elles ont fini par se rendre... Elles se sont rendues corps et âme. − Est-il possible? fit-elle, en regardant le psychiatre avec une surprise indicible. Peut-on se rendre? (...). − Comprenez-moi, dit-elle. À qui se rend-on? À qui rendrait-on son âme? Je crois qu'on se refuse ou qu'on se donne, mais se rendre?
Bernanos, Joie, 1929, p. 664. − En partic. (sans compl. prép.). Se livrer. [Le complice au meurtrier:] Pour éviter qu'on te poursuive, je vas me rendre [aux agents] (Méténier, Lutte pour amour, 1891, p. 151). D. − Se rendre + attribut du suj.Devenir de son fait, par sa faute; faire qu'on se montre. Se rendre insupportable, malade, utile. Les hommes deviennent petits en se rassemblant: ce sont les diables de Milton, obligés de se rendre pygmées (Chamfort, Max. et pens., 1794, p. 23).Il faut être familier avec certaines règles de droit pour pouvoir raisonner sur ces questions: un profane s'exposerait à se rendre ridicule en en parlant (Sorel, Réflex. violence, 1908, p. 213).Peu de mortels furent d'abord assez heureux pour se rendre possesseurs d'un véhicule à roues (P. Rousseau, Hist. transp., 1961, p. 20). Prononc. et Orth.: [ʀ
ɑ
̃:dʀ
̥], (il) rend [ʀ
ɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Conjug. ind. prés.: je rends, tu rends, il rend, nous rendons, vous rendez, ils rendent; imp.: je rendais; passé simple: je rendis; fut.: je rendrai; impér.: rends, rendons, rendez; subj. prés.: que je rende, que nous rendions; subj. imp.: que je rendisse; part. prés.: rendant; part. passé: rendu, -ue. Étymol. et Hist. A. « Donner en retour (une chose reçue ou prise, son équivalent, ou ce qui est dû) » 1. a) 2emoit. xes. « donner à nouveau » (St Léger, éd. J. Linskill, 26: Et cum il l'aut doit de ciel'art, Rende.l qui lui lo commandat); b) fin xes. (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 11: La sua morz vida nos rend); c) ca 1050 (Alexis, éd. Chr. Storey, 100: Se lui'n remaint [de l'aumosne], sil rent as poverins); 2. a) fin xes. « donner quelque chose de semblable » (Passion, 161: Jesús li bons ben red per mal); b) ca 1100 rendre colps, rendre cest asalt (Roland, éd. J. Bédier, 1397, 2142); c) ca 1140 (Voyage de Charlemagne, éd. G. Favatti, 166: Karlemaignes l'en rent saluz et amistez); d) ca 1590 rendre la pareille (Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 533); e) 1690 part. passé subst. (Fur.: Ce n'est pas un presté, c'est un rendu); 3. a) fin xes. « donner en retour ce qui est dû » (Passion, 472: [Jesus] qui venra toz judicar A toz rendra e ben e mal); b) fin xes. (ibid., 513: Te posche retdrae graciae); c) ca 1100 rendre malvais servis « servir mal » (Roland, 1406); 1585 (N. Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 1, p. 307: rendre quelque autre service signalé); d) ca 1100 (Roland, 3784: Ben set parler e dreite raisun rendre); e) ca 1120 (St Brendan, éd. I. Short et B. Merrilees, 1028: Cil en rendent Deu la glorie); f) ca 1130 (Lois de Guillaume, éd. J. E. Matzke, § 1: rendist ceo qu'il aveit pris); g) 1150 (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 1360: E grant loënge a Deu rendirent); h) 1155 rendre cunte de (Id., Brut, éd. I. Arnold, 6626); i) ca 1170 (Marie de France, Lais, éd. J. Rychner, Lanval, 543: Puis ad tuz ses baruns mandez, Que li jugemenz seit renduz); ca 1288 rendre sentence (J. de Journi, Dîme de penitence, 251 ds T.-L.); j) ca 1170 (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 2036: lor droit rendent a chascun manbre); k) 1176-81 rendre la promesse « exécuter » (Id., Chevalier Charrette, éd. M. Roques, 1154); l) ca 1240 rendre sa perte (à qqn) « dédommager » (Mort Aymeri, 2634 ds T.-L.); 4. a) 2emoit. xes. « produire, rapporter » (St Léger, 215: Rendet ciel fruit esperitiel); b) 1174-80 (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 4: Qui petit seme petit quialt, Et qui auques recoillir vialt, An tel leu sa semance espande Que fruit a cent dobles li rande); 5. a) ca 1200 rendre (un message) « répéter, rapporter » (Aiol, éd. Foerster, 5267); 1269-78 rendre par queur « répéter de mémoire (une leçon) » (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 4336); b) mil. xvies. « rapporter (un fait) » (Marguerite de Navarre, Nouv., XXI ds Littré). B. « Laisser échapper, redonner ce qu'on ne peut garder, céder, livrer » 1. a) ca 1100 (Roland, 2849: Li reis se drece, si ad rendet ses armes); b) ca 1160 se rendre « capituler » (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 5459); c) déb. xiiies. renduz « fatigué » (Jean Renart, Galeran, éd. L. Foulet, 5800); d) ca 1240 fig. (Deux Coll. angl. norm. mir. Vierge, 14, 41, p. 68 ds T.-L.: Dame (Ste Marie), sëez moy socurs, Jeo me renc en ta duçurs); e) 1580 (Montaigne, Essais, p. 551: Il faut que nostre belle sagesse se rende en cet endroit et quitte les armes); f) 1588 (Id., ibid., p. 853: se rendre aux efforts de l'amour; p. 328: Tantost c'est le corps qui se rend le premier à la vieillesse); 2. a) 1130-40 (Wace, Vie Sainte Marguerite, éd. E. A. Francis, ms. A, 708: iluec chaï Les la virge l'ame rendi); b) 1306 (Joinville, Vie St Louis, éd. N. L. Corbett, p. 239: le saint Roy [...] rendi a Nostre Createur son esperit); 3. a) ca 1165 « vomir » (Benoît de Sainte-Maure, Troie, éd. L. Constans, 29291); b) ca 1210 (Herbert de Dammartin, Folque de Candie, éd. Schultz-Gora, 11480: Guichart [...] parmi le nes rent sanc, qui li cuevre le vis); 4. a) ca 1170 « émettre » (Chrétien de Troyes, Erec, 433: Si oel si grant clarté randoient Que deus estoiles ressanbloient); b) ca 1220 (Gautier de Coinci, Mir., éd. V. F. Koenig, II Mir 21, 149: quel son que rende la vïele); c) 1694 (Ac.: cette orange rend bien du jus). C. Empl. comme verbe d'état, avec compl. d'obj. et attribut du compl. 1. a) ca 1100 (Roland, 2198: La meie mort me rend si anguissus); b) ca 1180 (Marie de France, Fables, éd. K. Warnke, 68, 42: de vostre mal vus rendra sain); 2. 1174-78 spéc. se rendre a moine « entrer en religion » (Étienne de Fougères, Manières, éd. R. A. Lodge, 260) également trans., surtout att. aux xiiie-xives., v. T.-L. − xvies., v. Hug. D. « Remettre à destination » a) 1176-81 « mener » (Chrétien de Troyes, Chevalier Charrette, 855: point li uns ancontre l'autre Tant con cheval lor poerent randre); b) ca 1200 pronom. (Chanson de Guillaume, éd. Duncan Mac Millan, 291: Jo me rendrai al dolerus peril); c) 1283 en parlant de marchandises (Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. A. Salmon, t. 1, p. 384: .X. muis de blé rendus a Clermont). E. Domaine intellectuel ou esthét. « présenter (après interprétation) » 1. a) 1549 (Du Bellay, Deffense et Illustration, éd. H. Chamard, p. 160: je veux aussi que tu t'eforces de rendre, au plus pres du naturel que tu pouras, la phrase et maniere de parler Latine); b) 1579 rendu mot pour mot (en traduction) (H. Estienne, Precellence, éd. E. Huguet, p. 41); 2. a) 1733 (Dubos, Réflexions crit., t. 1, p. 81: Ce que Cornelie dit à César [...] ne peut être rendu par un peintre; t. 3, p. 232: Roscius rendoit donc par un jeu muet le sens de la phrase que Ciceron venoit de composer); b) 1740 (Ac. Add.: Une glace qui rend nettement les objets); c) 1745 (Bosse, Manière de graver, p. 129: On dirigera la gravûre de façon que le blanc du papier, comme on l'a dit, rende le luisans du tableau); d) 1754 (Bonnet, Essai psychol., p. 146: des couleurs mal rendues). Du lat. pop. *rendere, altér., sous l'infl. de prendere « prendre » (v. ce mot), du class. reddere « donner en retour; s'acquitter de; restituer; traduire; répéter; émettre; transmettre; ramener à un état antérieur, amener d'un état à un autre; faire sortir » (comp. de re-, red- marquant un retour en arrière, un retour à un état antérieur et dare « donner »). Fréq. abs. littér.: 39 612. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 69 791, b) 53 314; xxes.: a) 44 577, b) 53 535. DÉR. Rendeur, -euse, subst.Personne qui rend (quelque chose). Je ne sais pas comment il se fait que Daudet, d'un commerce si séducteur, et si rendeur de services, récolte des inimitiés comme pas un (Goncourt, Journal, 1894, p. 646).− [ʀ
ɑ
̃dœ:ʀ], fém. [-ø:z]. − 1resattest. a) ca 1220 « celui qui rend (ce qu'il a pris) » (Gautier de Coinci, Mir., éd. V. F. Koenig, II Dout 34, 734), b) av. 1544 « celui qui rend ce qu'on lui a prêté » (Marot, Épigrammes, CLXXVI, éd. C. A. Mayer, p. 235); de rendre, suff. -eur2*; l'a. et m. fr. ont empl. rendeor au sens de « garant, celui qui répond de » (du xiiies. à 1415, v. Gdf. et FEW t. 10, p. 172). BBG. − Breal (M.). Notes d'étymol. B. Soc. Ling. 1910-11, t. 16, p. 66. − Moignet (G.). Incidence et attribut du compl. d'objet. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1975, t. 13, n o1, p. 261. − Querido (A.). Les Séries verbales du type être, devenir, rendre. In: Congrès Internat. de Ling. et Philol. Rom. 13. 1971. Québec, 1976, t. 1, pp. 1107-1124. |