| REMONTRER, verbe A. − Empl. trans. 1. Montrer de nouveau. Son art de description qui remontre ce qu'on a vu en le disant comme on n'osait et ne pouvait pas le dire (Alain-Fournier,Corresp. [avec Rivière], 1906, p. 295): 1. ... sa grand'mère s'épuisait à la calmer. − Voyons, voyons, mon petit lapin (...) On ne te mange pas, parce qu'on te demande en mariage... Ton cousin n'a rien dit de mal, regarde-le, ne fais pas la bête. Aucune bonne parole ne put la déterminer à remontrer sa figure.
Zola,Terre,1887, p. 488. − Empl. pronom. réfl. Paraître de nouveau en public ou devant quelqu'un. Comment ose-t-il se remontrer! (Ac.). Les aristocrates se remontrent effrontément dans les sections et dans la commune (Marat,Pamphlets, À ses concitoyens, 1792, p. 307).Mais depuis, ce brigand n'a pas eu l'impertinence de se remontrer? (Pourrat,Gaspard,1925, p. 18). 2. Vieilli. Remontrer à qqn qqc./remontrer à qqn + prop. complét.Exposer à quelqu'un, avec force ce qui est blâmable ou critiquable dans son comportement ou sa façon de penser. Remontrer sa faute, ses erreurs à qqn; remontrer à qqn qu'il est indigne. Dans le roman de Guillaume de Lorris, Raison, voulant détourner l'Amant du service d'Amour, s'applique à lui remontrer combien, à aimer, il y a peu de joie pour tant de peines (Faral,Vie temps st Louis,1942, p. 241): 2. Les soussignés, nobles de la cité de Milan (...) se permettent de remontrer humblement à Votre Sainteté le péril qu'elle fait courir au bon droit et à la justice en couvrant de sa protection l'imposteur Prospero...
Renan, Drames philos., Eau Jouvence, 1881, V, 2, p. 504. − P. ext. Remontrer à qqn + prop. complét.Faire remarquer avec autorité à quelqu'un que. J'essayai de remontrer à Mademoiselle Préfère que j'entendais ne rien changer au train de ma vie fort avancée et que j'avais autant de bonheur qu'en comportaient ma nature et ma destinée (A. France,Bonnard,1881, p. 451).Gaspard remontra que paraissaient encore dans la montagne certains gros vieux loups qui se faisaient un nom à force de ravages (Pourrat,Gaspard,1930, p. 218). ♦ [Introduisant un discours dir.] Je n'irai pas à la noce! protestait le cadet (...) − Tu es le garçon d'honneur de ta sœur, lui remontrait ma mère (Colette,Sido,1929, p. 173). B. − Empl. intrans. ou trans. indir. 1. Empl. intrans. a) HIST. DES INSTIT. Faire des remontrances. Sans prétendre leur enlever le droit de remontrance, la royauté voulut en restreindre l'exercice, assujettir les cours à enregistrer d'abord sauf à remontrer ensuite, à céder lorsque, après leurs remontrances, le roi persistait dans sa volonté (MarionInstit.1923). b) VÉN. [En parlant des chiens] Se rabattre de voies trop vieilles (d'apr. Duchartre 1973). 2. Empl. trans. indir. Remontrer et, le plus souvent, en remontrer à qqn (sur qqc.).Donner, en affectant d'être supérieur, des leçons à quelqu'un. Fontan avait mis à la porte Madame Lerat, en disant qu'il ne voulait plus la rencontrer chez lui (...). Aussi ne tarissait-elle pas contre ce grossier personnage (...) avec des mines de femme comme il faut, à qui personne ne pouvait en remontrer sur la bonne éducation (Zola,Nana,1880, p. 1308).Dans La moisson rouge, ces dialogues, menés de main de maître, sont à en remontrer à Hemingway ou à Faulkner même. Et tout le récit mené avec une habileté, un cynisme implacables (Gide,Journal,1943, p. 213). − Proverbe. C'est Gros Jean qui (en) remontre à son curé. V. curé A. REM. Remontreur, -euse, subst. masc. et adj.a) Subst. masc. Celui, celle qui fait des remontrances (v. remontrance A). (Dict. xixeet xxes.). b) Adj., rare. Réprobateur. Sa voix, petit à petit, prenait un accent pénétré, remontreur et sentencieux (Duhamel,Jard. bêtes sauv.,1934, p. 213). Prononc. et Orth.: [ʀ
əmɔ
̃tʀe], (il) remontre [-mɔ
̃:tʀ
̭]. Ac. 1694, 1718: -monstrer ,,l's ne se prononce point``; dep. 1740: -montrer. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1175 « exposer, montrer, faire connaître » (Chronique Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 33514: li remostroct [...] le bien); fin xives. pronom. « se montrer, se faire voir » (Froissart, Chron., éd. S. Luce, t. 8, p. 251: se remoustra au duch); 2. fin xives. « exposer à quelqu'un (ce qu'on lui reproche) » (Id., ibid., éd. G. Raynaud, t. 10, p. 236: Dieu [...] leur remonstrera leur orgueil); 1465 hist. « faire des remontrances au roi » (Ordonnances des Rois de France, t. 15, p. 195: plaintes et doleances remonstrer); ca 1610 absol. « faire des remontrances » (Beroalde de Verville, Moyen de Parvenir, Homélie, éd. H. Moreau et A. Tournon, fac-similé, p. 69: l'Abbesse [...] lui remonstra); 3. a) 1656 « donner des leçons, se montrer supérieur » (Molière, Dépit amoureux, II, 6: les jeunes enfans remontrent aux vieillards); ca 1803 en remontrer à qqn (Aubert, Les Nouv. mots poissards ds Quem. DDL t. 32); b) 1718 c'est gros Jean qui remonstre à son Curé (Ac.); 1875 c'est Gros-Jean qui en remontre à son curé (Lar. 19e). B. 1555 « montrer de nouveau » (Ronsard, Odes ds
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 7, p. 59, 93: remontre sa face claire); 1571 pronom. « se montrer de nouveau » (Id., Les Œuvres, ibid., t. 15, p. 328, 40: quatre fois se remonstre au passant). Dér. de montrer*; préf. re-*. Fréq. abs. littér.: 158. |