| REFLET, subst. masc. A. − Phénomène par lequel une lumière, colorée ou non, renvoyée par un corps ou une surface réfléchissante, produit dans une zone moins éclairée une image affaiblie de cette lumière. 1. PEINT. Le reflet est pour les couleurs ce que l'écho est pour les sons (Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 331).La tête de Velasquez est éclairée par reflet (Mérimée, Mosaïque,1833, p. 523). 2. [Le compl. désigne la source lumineuse] Il fait nuit; mais la scène est éclairée par le reflet de la lune (Sardou, Patrie!1869, III, 5etabl., 1, p. 114).Elle le conduisit elle-même jusqu'à la porte qui donnait sur le jardin et elle regarda s'enfoncer dans la nuit sa grande ombre lente qu'éclairait un reflet de lampe (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Après, 1893, p. 106).[P. méton. du compl.] Un reflet d'aurore. Florence est dans une vasque de montagnes (...) et sa dentelure de pierre s'argente avec des teintes d'acier sous les reflets du soir (Taine, Voy. Ital.,t. 2, 1866, p. 86). − Plus rarement. [Le compl. désigne la surface réfléchissante] Le grand autel est orné de lames d'argent et de soleils de cristal, dont les reflets miroitants forment des jeux de lumière d'un éclat singulier (Gautier, Tra los montes,1843, p. 46).Il recevait en grand seigneur, fin, byronien, en son frac, plus pâle au reflet de son plastron immaculé (Blanche, Modèles,1928, p. 35). − [Dans un cont. métaph.] Beaucoup de sociétés ne se soutiennent que par les talens de quelques-uns de ses [sic] membres, tandis que les autres brillant du reflet de leurs collègues, ressemblent aux frelons qui se nourrissent du miel des abeilles (Baudry des Loz., Voy. Louisiane,1802, p. 339). B. − P. méton. Image réfléchie. On voit des bêtes boire des reflets au lieu de l'eau qui reflète (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 42).Souvent (...) il ne lui déplaisait pas de rester sans autre compagnon que son reflet dans la glace (Druon, Gdes fam.,t. 2, 1948, p. 63). − PHILOS. (Théorie du) reflet. Théorie anti-idéaliste de la critique marxiste, selon laquelle la pensée ne peut que refléter le monde, toute représentation étant déterminée par le représenté. À oublier le reflet pour le procès, l'idéalisme réintervient de l'intérieur de la dialectique (Marxisme1982). C. − Au fig. 1. Éclat qui rejaillit. a) [À propos d'une entité] Reflet de la divinité. Au sortir de ces entretiens célestes, son visage (...) resplendissait d'une clarté merveilleuse, reflet de la splendeur divine qui avait rejailli sur elle (Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. 262). b) [À propos de l'esprit, d'un sentiment] Reflet de l'âme, de la pensée. Ayant sur le visage le même reflet de satisfaction que donne la réalisation d'un désir longtemps caressé (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 202).C'est toujours chose intéressante que ce reflet de la joie du riche au fond de l'œil du pauvre (Baudel., Poèmes prose,1867, p. 68). c) En partic. Synon. de influence.Nous avons vu le reflet des Ardennes sur Taine, le reflet de la Bretagne sur Renan, le reflet de la Provence sur Mistral, le reflet de notre Alsace-Lorraine sur Erckmann-Chatrian (Barrès, Scènes et doctr.,t. 1, 1902, p. 98). 2. Image, représentation a) de quelqu'un. − Synon. de double.La longue habitude de vivre avec mon père et de l'aimer avait fait d'elle comme un reflet de lui (Duras, Édouard,1825, p. 113).J'en conclus que toutes choses et toutes gens avaient leur reflet, leur double, leur autre moi, et je souhaitai vivement de voir le mien (Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 205). − Image affaiblie. Tant que la femme se fait esclave et reflet de l'homme (...) elle doit reconnaître que ses infidélités l'arrachent plus radicalement à son mari que des infidélités réciproques (Beauvoir, Deux. sexe,t. 2, 1949, p. 374). b) de quelque chose. Reflet du passé. La bonne tradition du siècle de Louis XIV, dont le siècle de la reine Anne ne fut qu'une espèce de prolongement ou de reflet (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 390).Les galeries les plus souterraines du sommeil, où aucun reflet de la veille, aucune lueur de mémoire n'éclairent plus le monologue intérieur (Proust, Guermantes 2,1921, p. 91). c) Loc. Être un pâle reflet, n'être que le reflet de qqn ou qqc. Être une image affaiblie de. À Soissons, gouvernait le « patrice » Syagrius, pâle reflet de l'Empire effondré (Bainville, Hist. Fr.,t. 1, 1924, p. 20). D. − Teinte, nuance lumineuse qui peut changer selon l'éclairage. Ses cheveux (...) étaient noirs, à reflets bleus comme l'aile d'un corbeau (Mérimée, Carmen,1845, p. 22).Un excellent petit vin aux reflets presque verts (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 17). ♦ Huit-reflets. V. ce mot, comp. s.v. huit. REM. Anti-reflet, adj.Qui ne produit pas de reflet. Lunettes, verres anti-reflets. Le tableau de bord [d'une voiture] est beau et anti-reflet (L'Express,11 oct. 1976, p. 197, col. 1). Prononc. et Orth.: [ʀ
əflε]. Ac. 1718: reflex, reflé, reflet; 1740: reflet, reflex; dep. 1762: reflet. Étymol. et Hist. 1. 1651 peint. « teinte lumineuse qui joue sur des fonds différents » (R. F. [réart] de Chambray, Peint. de Vinci [trad. de l'ital.], p. 15 et 23 d'apr. Brunot t. 6, p. 696); 2. 1662 reflex « réflexion affaiblie de la lumière, de la couleur renvoyée par un corps ou une surface réfléchissante » (Richer, L'Ovide bouffon, p. 125, ibid., t. 4, p. 500); 1763 au fig. reflet (Marmontel, Poétique fr., t. 1, p. 119: L'art de placer, d'assortir les mots, [...] de ménager à celui qui manque de clarté, de couleur, de noblesse, le reflet d'un terme plus noble, plus lumineux, plus coloré, cet art, dis-je, ne peut se prescrire). Empr., avec infl. deréfléchir*, à l'ital. riflesso, att. comme terme de peint. dep. le xvies. (Vasari d'apr. DEI), du lat. tardif reflexus « retour en arrière », part. passé subst. de reflectere (réfléchir*). Fréq. abs. littér.: 2 788. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 501, b) 4 302; xxes.: a) 4 544, b) 4 684. Bbg. Gohin 1903, p. 359. − Hope 1971, p. 300. |