| REDOUBLER, verbe I. − Empl. trans. A. − 1. Rendre double, multiplier par deux. Redoubler une consonne, une voyelle. Un lierre Qui, redoublant cent fois ses nœuds entrelacés, Cache l'affront du temps sous ses bras élancés (Lamart., Harm.,1830, p. 394).Voyez l'enfant répéter ses premiers gestes, redoubler sans se lasser ses premières syllabes ou ses premiers mots: un de ses appels les plus fréquents, c'est « encore » (Mounier, Traité caract.,1946, p. 408). − En partic. [L'obj. désigne un effectif] Synon. de doubler.[Atala] ne put rien obtenir. On redoubla mes gardes, on multiplia mes chaînes, on écarta mon amante (Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 196). 2. Vieilli et littér. [L'obj. désigne un acte, une action] Réitérer, recommencer, renouveler avec insistance. Redoubler ses attaques, ses supplications. Il dit, et redouble ses coups; le prince n'en est point atteint, il reprend même ses avantages et perce le flanc de son rival (Cottin, Mathilde,t. 2, 1805, p. 324).Si (...) l'invasion [du parasite] est plus spécialement redoutable, un ou plusieurs de ces traitements pourront être redoublés (Levadoux, Vigne,1961, p. 75). 3. Spécialement a) CHASSE. ,,Tirer un second coup de fusil, immédiatement après le premier, sur la même pièce de gibier`` (Chasse 1974). Synon. doubler. b) ENSEIGN. Suivre une seconde fois un enseignement. Synon. vieilli doubler.L'autorisation de redoubler une année scolaire peut être accordée à un élève, dans le cas d'une maladie ayant compromis gravement ses études (Encyclop. éduc.,1960, p. 379).La classe de cinquième est celle que l'on redouble le plus (Le Monde de l'éducation,sept. 1986, p. 15, col. 3). − Absol. Papa lui dit qu'il espérait qu'en redoublant je réussirais mieux (Michelet, Mémor.,1822, p. 209). c) MUS. Reproduire (le même son) à une octave de distance. Le saxophone baryton est construit en mi ♭ comme le saxophone alto qu'il redouble à l'octave inférieure (Dureau, Instrument. et orchestr.,1905, p. 27). B. − Augmenter en force ou en nombre, en intensité ou en quantité. Redoubler ses caresses, ses cris, sa colère, ses efforts, sa terreur. 1. [Le suj. désigne une pers., un animé] Mon oncle n'a pas tardé un instant à le redoubler [mon embarras] en m'amenant le marquis pour ouvrir le bal avec moi (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1744).D'abord, tout va de mal en pis. Ils ont assez de moi, tous les deux. Et ils redoublent leur haine et leurs insultes (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 287). 2. [Le suj. désigne un inanimé abstr.] À mesure que la philosophie fait des progrès, la sottise redouble ses efforts pour établir l'empire des préjugés (Chamfort, Max. et pens.,1794, p. 44).Au cours de cet ouvrage, j'ai eu et j'aurai bien des occasions de montrer comment la jalousie redouble l'amour (Proust, Prisonn.,1922, p. 192). − Empl. pronom. La volupté qui se partage, ou bien plutôt qui se redouble, entre des amants, risque toujours quelque monotonie (Valéry, Variété[I], 1924, p. 79). C. − [Corresp. à doubler II A 2] Rare. Remettre une doublure à. Redoubler un manteau (Ac.). P. métaph. Savez-vous ce que je fais: je redouble, repeins et vernis d'anciens vers. Cela est chinois et ridicule, mais cela est traditionnel (Valéry, Lettres à qq.-uns,1945, p. 104). D. − [Corresp. à doubler III] Rare, SPORTS. Dépasser une seconde fois, lors d'une course. Redoubler un coureur. Le voici derrière Paillard, qu'il double sans lutte, puis il en fait autant avec Georgetti, puis, toujours de son allure splendide, il redouble Paillard (L'Auto,16 août 1933, p. 2 ds Grubb Sports 1937, p. 61). II. − Empl. trans. indir. Redoubler de A. − [Le suj. désigne une pers.; le compl. prép. désigne un sentiment, un comportement] Apporter plus de, agir avec encore plus de. Redoubler d'activité, d'attention, d'efforts, d'énergie, de précautions, de prudence, de soins, de vigilance, de vitesse. Redoublez de travail et de zèle pendant les dernières années de votre éducation classique (Lamart., Corresp.,1831, p. 137): Je vous affirme que je consens de bon cœur à m'humilier devant tout le monde; mais devant lui, c'est difficile, devant lui, c'est impossible. Somme toute, c'est l'encourager à redoubler d'effronterie, de discourtoisie, d'orgueil...
Duhamel, Maîtres,1937, p. 248. B. − Rare. [Le suj. et le compl. prép. désignent un inanimé concr.] Avoir avec plus d'abondance, regorger de. Raisin de choix qui peu à peu se ride, maigrit dans sa peau, surmûrit, redouble de sucre (Colette, Jumelle,1938, p. 7). C. − Vieilli. Redoubler des jambes. Marcher beaucoup plus vite. Synon. usuel doubler* le pas, l'allure.J'approchais de ma maison (...) quand il me parut y voir de la clarté. Je redoublai des jambes, et, trouvant grande ouverte la porte que j'avais laissée fermée au loquetoir, j'avançai sans froidir (Sand, Maîtres sonneurs,1853, p. 70). III. − Empl. intrans. A. − [Le suj. désigne une pers., un animé] Réitérer, recommencer. Au milieu de notre souper, on frappa doucement à la porte. Elle me dit: « C'est quelqu'un qui se trompe! Si c'est maman, elle redoublera (...) » (Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p. 215).L'instinct vital qui défendait à Flaubert d'écrire une seconde Bovary était probablement plus sûr que le conseil des critiques qui l'invitait à redoubler (Thibaudet, Réflex. litt.,1936, p. 109). B. − [Le suj. désigne un inanimé] Devenir plus intense, reprendre de plus belle. 1. [Le suj. désigne un phénomène] Le bruit, l'obscurité, le vent redouble. La pluie redoublait; une profonde obscurité pesait sur les champs déserts que de violents coups de tonnerre éclairaient par instants (Musset, Confess. enf. s.,1836, p. 167).Mais à ce moment le froid redoubla: des bises cinglantes se mirent à souffler (Pergaud, De Goupil,1910, p. 63).V. méningite ex. 2. [Le suj. désigne un sentiment, un comportement] L'attention, l'ennui, la gaieté redouble; les cris, les larmes, les sanglots redoublent. M. Delteil demanda ingénument la cause de cette hilarité, qui redoubla quand Larmuzeaux apparut avec sa petite veste verte (Champfl., Souffr. profess. Delteil,1853, p. 95).Tant pis si le désir charnel redouble au lieu de s'amortir! On fait venir pour lui une femme à qui l'on ne se souciera pas de plaire (Proust, Sodome,1922, p. 884). Prononc. et Orth.: [ʀ
əduble], (il) redouble [-dubl̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Intrans. 1. ca 1225 « reprendre avec plus d'intensité, continuer de plus belle » (G. de Coincy, Mir. Vierge, II Mir 28, 74, éd. V. Fr. Koenig, t. 4, p. 324); 2. 1514 « doubler à nouveau (en quantité ou valeur) » (Coutume du Poitou ds Nouv. Coutumier gén., t. 4, p. 141); 3. 1842 escr. « exécuter un redoublement » (Ac. Compl.). B. Trans. 1. 1375-79 [éd. 1541] « rabattre, doubler en repliant » (Jehan de Brie, Bon Berger, éd. P. Lacroix, p. 79); 2. 1405 « remettre une doublure à » (Tut. des enfants de Jaquem-Oliette, A. Tournai ds Gdf. Compl.); 3. ca 1462 « renforcer, accroître en intensité » (Cent Nouvelles Nouvelles, éd. F. P. Sweetser, XXXII, 118, p. 218); 4. a) fin xves. [éd. 1501] « réitérer, répéter » (ici dans le rondeau redoublé) (Jardin de Plaisance, éd. A. Vérard, f obIII v o); b) 1510 « réitérer, doubler en quantité » (Coutume d'Auvergne, 29, 3 d'apr. K. Baldinger ds Z. rom. Philol. t. 67, p. 39); 5. a) 1822 empl. abs. « poursuivre une deuxième fois la même année d'étude » (Michelet, loc. cit.); b) 1875 redoublant subst. (Lar. 19e); 6. 1757 empl. abs. « se faire servir à nouveau, reprendre (à boire ou à manger) » (J.-J. Vadé,
Œuvres posth., p. 119); 7. 1933 « dépasser une nouvelle fois » (L'Auto, loc. cit.). C. Pronom. 1540 se redoubler « doubler d'intensité, augmenter » (Amadis, 19 ds IGLF). D. Trans. indir. 1721 redoubler de (Montesquieu, Lettres persanes, t. 1, p. 23). Dér. de doubler*; préf. re-*. Fréq. abs. littér.: 1 324. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 850, b) 2 159; xxes.: a) 1 922, b) 884. Bbg. Notes de lexicogr. critique. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1986, t. 24, n o1, p. 230. − Quem. DDL t. 3, 13. |