| RECONSTITUER, verbe trans. A. − 1. Constituer, former de nouveau (un tout, quelque chose disparu récemment), à l'aide d'éléments épars. Reconstituer sa fortune. a) [L'obj. désigne un ensemble inanimé] Pierre, marbre reconstitué. Il en était arrivé peu à peu, par empiétements successifs, à reconstituer dans son intégrité l'ancien domaine de La Seiglière (Sandeau, Mllede la Seiglière, 1848, p. 76).Les experts désignés par les tribunaux ne découvraient aucun fragment qui leur permît de reconstituer l'engin employé à l'œuvre de destruction (A. France, Île ping., 1908, p. 415). b) [L'obj. désigne un ensemble d'êtres vivants] Reconstituer un cheptel. Poursuivis sous inculpation de former ou de reconstituer une congrégation non autorisée (Huysmans, Oblat, t. 2, 1903, p. 115).L'idée de parti correspond à un effort de volonté. Oui, il y a des hommes qui voudraient reconstituer les partis, voire créer des partis nouveaux (Barrès, Cahiers, t. 14, 1923, p. 176). − Empl. pronom. Dès l'instant que les ressorts du régime théocratique et féodal en vigueur au Moyen Âge s'étaient détendus, la société avait aspiré sourdement à une organisation nouvelle. Mais, avant d'en venir à se reconstituer sur d'autres bases, elle avait à franchir bien des siècles (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr., 1828, p. 285). 2. BIOL. Rétablir une substance, un organe, un organisme dans sa forme normale, dans son état antérieur. Synon. régénérer.Reconstituer par synthèse. Le décorticage [des souches de vignes] ne doit être renouvelé que tous les trois ans car les écorces mettent ce temps pour se reconstituer (Brunet, Matér. vitic., 1909, p. 337): ... dans le tissu nerveux, la réserve [de glycogène] est faible (...) mais, chose remarquable, cette réserve est reconstituée par le sang au moment même où elle se dépense, de sorte que le nerf se recharge d'énergie potentielle instantanément.
Bergson, Évol. créatr., 1907, p. 123. − P. métaph., empl. pronom. La France se reconstituait, elle reprenait des forces au moment où l'Europe avait besoin d'elle (Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 198). B. − 1. Reproduire quelque chose appartenant au passé, le rétablir dans sa forme originale, à l'aide d'éléments nouveaux, de recherches diverses. Reconstituer un monument; reconstituer tant bien que mal. Sur les 115 fragments de cette loi que Voigt est parvenu à reconstituer, il n'y en a que 66 qui puissent être attribués au droit restitutif, 49 ont un caractère pénal accentué (Durkheim, Divis. trav., 1893, p. 114).Au monastère de Solesmes, trois générations successives de moines bénédictins, au cours d'environ cinquante-cinq ans, se sont employées à reconstituer le chant grégorien (Carrel, L'Homme, 1935, p. 60).V. cohérent ex. 1. 2. Imaginer, à partir de renseignements, de témoignages le déroulement d'événements survenus dans le passé et les évoquer, les faire revivre en paroles, écrits ou œuvres artistiques. Reconstituer une scène; reconstituer son enfance. Tout était dit sur Ben Joyce. Son passé venait d'être reconstitué par le major, et le misérable apparaissait tel qu'il était, un audacieux et redoutable criminel (Verne,Enf. cap. Grant, t. 2, 1868, p. 225).Dix-huit mois de recherches acharnées, dont on ferait une thèse, m'ont permis de reconstituer, jusque dans le plus humble détail, la journée précédente (Péguy, Argent, 1913, p. 1153). − En partic. Déterminer les circonstances d'un événement survenu dans un passé plus ou moins proche d'après des témoignages, des indices, et en établir le déroulement en le simulant, généralement sur les lieux mêmes où il s'est produit. Reconstituer un accident, un crime: Il me fallait naturellement reconstituer l'affaire en deux phases (...): la première phase pendant laquelle on avait réellement tenté d'assassiner MlleStangerson (...), la seconde phase pendant laquelle (...) ceux qui étaient dans le laboratoire avaient cru qu'on l'assassinait!
G. Leroux, Myst. ch. jaune, 1907, p. 142. Prononc. et Orth.: [ʀ
əkɔ
̃stitɥe], (il) reconstitue [-ty]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1. a) 1534 « créer, établir de nouveau » (G. Michel, De l'Antiquité judaïque (trad. du lat.), Paris, f o2 v o); b) 1790 « constituer, former de nouveau » (Le Moniteur universel, 13 déc. d'apr. Th. Ranft ds Z. fr. Spr. Lit. t. 35, p. 143); 2. 1845 reconstituant adj. « propre à redonner des forces à l'organisme » (Journ. de méd. et de chir. pratiques, XVI, p. 259 ds Quem. DDL t. 8); 1864 subst. (ibid., XXXV, 176, ibid.); 3. a) 1853 trans. « déterminer avec exactitude la façon dont un événement s'est déroulé » (Du Camp, Mém. suic., p. 14); b) 1888 « rétablir dans sa forme, dans son état d'origine (une chose disparue) » (Zola, Rêve, p. 89). Dér. de constituer*; préf. re-*. Fréq. abs. littér.: 640. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 158, b) 261; xxes.: a) 1 095, b) 1 785. DÉR. Reconstituable, adj.Qui peut être reconstitué; qui est propre à être reconstitué. Tous les autres concepts dont l'expérience me suggère l'idée ne sont qu'en partie reconstituables a priori (Bergson, Évol. créatr., 1907, p. 212).Ces paroles (...) ne constituaient pas l'exposé le plus ordonné d'une pensée (...). Mais elles étaient les débris informes et reconstituables de cette pensée que j'avais fait exploser, en la heurtant (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 929).− [ʀ
əkɔ
̃stitɥabl̥]. − 1reattest. 1907 (Bergson, loc. cit.); de reconstituer, suff. -able*. BBG. − Dub. Dér. 1962, p. 53 (s.v. reconstituable). |