| RECOMPOSER, verbe trans. A. − [Corresp. à composer I] 1. a) Réunir un ensemble défait, décomposé ou les éléments dissociés d'un ensemble. Synon. reconstituer, reformer.L'œil recompose [dans les toiles de Monet] ce que le pinceau a dissocié (Mauclair, Maîtres impressionn., 1923, p. 71). − Empl. pronom. Elle disparut à la façon des vapeurs que le soleil dissipe. Ici c'était l'ombre qui la dissipait. Je la vis se recomposer au-delà des taillis, dans une éclaircie des feuillages (Giono, Chron., Noé, 1947, p. 178). − En partic. [Le suj. désigne des pers.] Toutes les sommités du bal s'avancent (...) en se tenant par la main. À chaque tour de salon, les couples se défont et se recomposent (About, Grèce, 1854, p. 372). b) Reconstituer un tout dont les divers éléments ont d'abord été décomposés par l'analyse. [Zénon] recompose le mouvement d'Achille selon la même loi que le mouvement de la tortue, oubliant que l'espace seul se prête à un mode de décomposition et de recomposition arbitraire, et confondant ainsi espace et mouvement (Bergson, Essai donn. imm., 1889, p. 94). − CHIM. Reconstituer un corps composé. On a cet avantage dans l'analyse de l'air de l'atmosphère; on peut le décomposer et le recomposer (Lavoisier, Traité chim., t. 1, 1789, p. 34).La charge d'une batterie d'accumulateurs est l'action de fournir du courant à cette dernière de manière à recomposer la matière chimique précédemment décomposée (Chapelain, Techn. automob., 1956, p. 301). c) Au fig. Reconstituer par la mémoire, par la pensée. Je m'assis longtemps sur le rebord de la fenêtre, essayant de recomposer dans ma mémoire le lieu, les meubles, le lit, la lampe, les heures, qui étaient restés à leur place en moi quand tout avait déjà été déplacé par un an d'absence (Lamart., Raphaël, 1849, p. 311).D'ailleurs, Jacques, je ne l'affectionne jamais autant qu'en son absence, où je le recompose (La Varende, Indulg. plén., 1951, p. 112).Empl. pronom. Tout son passé se recomposait formant une longue suite de paysages et de scènes qui se déroulaient devant ses yeux comme une banderole (L. de Vilmorin, Retour Érica, 1946, pp. 112-113). 2. Recréer ce qui a disparu. Synon. reconstituer, reformer.C'est à vous de rebâtir le domaine et de recomposer le cheptel (Sand, Meunier d'Angib., 1845, p. 363).Un tronc de vieux frêne cinquante fois blessé (...) ayant chaque fois recomposé autour de sa blessure le bourrelet d'écorce (Giono, Eau vive, 1943, p. 69).V. jachère ex. 1.Empl. pronom. passif. Si elle marche, les plis [de la robe] se détruisent et se recomposent (Saint-Exup., Citad., 1944, p. 945). 3. a) IMPR. (typogr.). Composer à nouveau un texte. Recomposer une ligne, une page, un passage. [La machine] permet les corrections de mauvaise frappe grâce à une touche « faute » sur laquelle on tape, après quoi l'on recompose correctement son texte (Civilis. écr., 1939, p. 8-6).Empl. abs. Je vous en prie, faites enlever les corrections à l'imprimerie, en recomposant à nouveau, cela coûtera moins (Balzac, Corresp., 1832, p. 91). b) Composer à nouveau (un ouvrage de l'esprit). Synon. récrire, refondre, retravailler.Recomposer un article, un livre, un opéra, une pièce, un poème, un roman, un scénario. Dans ma jeunesse, j'ai souvent écrit douze et quinze heures sans quitter la table où j'étais assis, raturant et recomposant dix fois la même page (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 471).Le cantique des trois enfants, tel que l'a traduit ou plutôt tel que l'a recomposé Pierre Corneille, appelant, à la manière de saint François, le monde tout entier à louer son créateur (Brasillach, Corneille, 1938, p. 425). 4. LING. Modifier un élément d'un mot composé en lui restituant la forme qu'il avait comme mot simple. Le latin recludere a été recomposé en bas latin en reclaudere, sur le modèle du mot simple claudere (Ling.1972). B. − [Corresp. à composer II] Littér. Modifier les traits de son visage pour donner de soi telle ou telle apparence. Il recomposait ses traits pour un rictus ironique (Duhamel, Cécile, 1938, p. 62).Empl. pronom. réfl. indir. Immobile devant la table, elle a un moment d'abandon et elle sanglote un très court instant. Puis elle se reprend et se recompose un visage dur et solide (Sartre, Engrenage, 1948, p. 99).[En parlant du visage] Puis son visage se recomposa, devint aussi sévère que son passe-montagne (H. Bazin, Huile sur feu, 1954, p. 133). − Se reprendre, se ressaisir. Malade? oh! non, ce n'est rien, c'est fini, répondit-elle en se recomposant et en se levant (L. de Vilmorin, Lettre ds taxi, 1958, p. 46). Prononc. et Orth.: [ʀ
əkɔ
̃poze], (il) recompose [-po:z]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. 1545 « composer de nouveau » (B. Le Chandelier ds J. Bouchet, Épîtres familières, n o106, f o71 v o); 1549 (Est.); 2. 1560 typogr. (ds P. Chaix, Rech. sur l'impr. à Genève de 1550 à 1564, Genève, 1954, p. 24 cité ds Wolf (L.) Buchdruck, p. 132); 3. 1690 chim. (Fur.); 4. 1690 « composer de nouveau (un travail scolaire) » (ibid.). Dér. de composer*; préf. re-*. Fréq. abs. littér.: 217. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 332, b) 149; xxes.: a) 225, b) 419. DÉR. Recomposable, adj.,rare. Qui peut être recomposé. Anton. décomposable.Corps (chimique) recomposable. On ne prévoit de l'avenir que ce qui ressemble au passé ou ce qui est recomposable avec des éléments semblables à ceux du passé (Bergson, Évol. créatr., 1907, p. 28).− [ʀ
əkɔ
̃pozabl̥]. − 1reattest. 1842 chim. (Ac. Compl.); de recomposer, suff. -able*. |