| RAVAGEUR, -EUSE, adj. et subst. I. − Adj. Qui cause, qui produit des ravages. Synon. dévastateur. A. − [Corresp. à ravage A et B] Ô mon Dieu, Vous avez donc laissé recommencer cela. Vous avez donc laissé les bandes ravageuses Enflamber [mettre le feu à] nos maisons, nos granges et nos blés (Péguy, Tapisserie Ste Geneviève et J. d'Arc, 1913, p. 93): 1. ... le silence de la nuit nous prenait tout entier: un silence harassé, un accablement morbide, d'hôpital jeté en pleine nuit, de charnier pas encore refroidi, tiède encore après le passage d'une épidémie ravageuse d'une peste plus meurtrière que la peste...
Genevoix, Éparges, 1923, p. 223. B. − [Corresp. à ravage C] Pensée ravageuse (v. étymol. B 2 a); passion ravageuse. Ces romans sont si ravageurs que j'en redoute le passage (E. de Guérin, Lettres, 1840, p. 358). II. − Substantif A. − Personne, animal qui cause des ravages. Nous Lorrains où aurions-nous appris à aimer les Bourbons, ces ravageurs de province (Barrès, Cahiers, t. 2, 1899, p. 162).[Les enfants] criaient, se bousculaient amicalement, chassaient les bêtes, frappaient les arbres. Tout vibrait, tout palpitait, ils étaient heureux de produire une dissonance, et de passer comme des petits ravageurs (Barrès, Cahiers, t. 8, 1910, p. 208). − P. anal., fam. ♦ Au masc. Séducteur. V. égrugeur rem. s.v. égruger ex. ♦ Au fém. Femme séduisante, qui aime se faire désirer. [Moi] qui pouvais appeler par leur prénom toutes les ravageuses des salons de thé de New-York, j'avais peur de ne pas savoir y faire avec les dix-sept ans d'une jeune provinciale du Mississipi (Camus,Requiem, 1956, 1repart., 3etabl., p. 856).Femme de mauvaise vie, prostituée. Il raffolait plus encore des dépravations des ravageuses de haute lice; leurs senteurs énergiques, leurs toilettes tourmentées, leurs yeux fous, le ravissaient (Huysmans, Sœurs Vatard, 1879, p. 159). B. − Au masc., pop., vx. Chiffonnier qui recueillait dans la vase des ruisseaux et des fleuves, notamment la Seine, des débris métalliques. Des ravageurs fouillaient activement la Seine pour toucher la prime (Zola, Th. Raquin, 1867, p. 82): 2. S'avançant dans l'eau aussi loin qu'il peut aller, le ravageur puise, à l'aide d'une longue drague, le sable de rivière dans la vase (...). Souvent même, les ravageurs trouvent dans le sable des fragments de bijoux d'or ou d'argent apportés dans la Seine, soit par les égouts...
Sue, Fleur de Marie, 1857, p. 6. Prononc. et Orth.: [ʀavaʒ
œ:ʀ], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1835 (masc.). Étymol. et Hist. A. Subst. 1. 1578 « celui qui ravage » cont. milit. (Brantôme, Discours sur les duels ds
Œuvres, éd. L. Lalanne, t. 6, p. 430), très rare; 2. 1688 fig. (Bossuet, Var., I, 30 ds Littré: ce ravageur de monastères [en parlant de Luther]); 3. 1832 spéc. « celui qui recherche les fragments de métal dans les ruisseaux, les rivières » (Raymond). B. Adj. 1. 1583 le ravageur sanglier (Cl. Gauchet, Plaisir des champs, éd. P. Blanchemain, p. 211); 2. fig. a) 1842 pensée ravageuse (Balzac, Mém. deux jeunes mariées ds
Œuvres, éd. M. Bouteron, Paris, 1962, t. 1, p. 313: dans la solitude, une pensée ravageuse vous conduit au suicide); b) 1931 arg. souris ravageuse (Chautard Vie étrange Argot, p. 670: prostituée faisant souffrir moralement ou physiquement [...] Elle ronge). Dér. de ravager*; suff. -eur2*; cf. le synon. ravageux (1583 [d'apr. éd. 1611] ravageux torrens, Du Bartas, 1resemaine, 3ejour, p. 108 ds Hug.; 1587 [éd.] les torrens ravageux, Ronsard, Chant pastoral, 277, var. ds
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 9, p. 189); suff. -eux*. Fréq. abs. littér.: 39. Bbg. Dossiers de mots... Néol. Marche. 1976, n o2, pp. 136-137. − Gohin 1903, p. 318. |