| RATIONNER, verbe trans. A. − Rationner qqc. Attribuer à quelqu'un des rations limitées et déterminées d'une chose qui n'est disponible qu'en quantité limitée. Comme on ne pouvait plus manger, Enjolras défendit de boire. Il interdit le vin et rationna l'eau-de-vie (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 417).Paris grelottant sous son manteau de glace, Paris à qui on rationnait son pain noir et sa viande de cheval (Zola, Débâcle, 1892, p. 575). − P. ext. Mesurer, réduire (la nourriture de quelqu'un). Un bon vivant, buvant dru, auquel le grand-père était obligé, quand il venait, de rationner son vin (Goncourt, Journal, 1862, p. 1134).Afin de mieux s'exalter, ils vivaient la nuit, jeûnaient, et, voulant faire de Germaine un médium plus délicat, rationnèrent sa nourriture (Flaub., Bouvard, t. 2, 1880, p. 82). − P. anal. Réduire (en quantité, en nombre). Quand un esprit est porté au rêve, il ne faut pas l'en tenir écarté, le lui rationner (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 843). ♦ Empl. pronom. réfl. C'est embêtant d'économiser son travail, de se rationner les lectures! (Goncourt, Journal, 1889, p. 962). B. − Rationner qqn. Soumettre au rationnement, mettre quelqu'un à la ration. Certaines municipalités ravitaillèrent les marchands et rationnèrent le consommateur. À Paris, après la carte de pain, on créa au printemps celle de viande (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p. 406). − P. ext. Soumettre quelqu'un à une réduction de nourriture. Dès le premier jour, la servante rationna-t-elle Pascal et Clotilde, supprimant les anciennes douceurs, les crèmes, les pâtisseries, réduisant les plats à la portion congrue (Zola, DrPascal, 1893, p. 228).L'abbé soigna Decraemer (...). Il le ménageait, le rationnait, choisissait une alimentation légère pour cet organisme en ruine, incapable de soutenir le combat qu'est la nutrition (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 448). ♦ Empl. pronom. réfl. C'est un poisson mystérieux [qui] (...) s'assouvit gloutonnement et se rationne jusqu'au jeûne complet et prolongé (Pesquidoux, Chez nous, 1923, p. 61). − P. anal. Soumettre quelqu'un à une réduction de quelque chose. Si elle continuait à se donner le régal des garçons de la ferme, elle le rationnait, lui, le fouettait d'abstinences, afin d'augmenter son pouvoir (Zola, Terre, 1887, p. 95).Il aurait voulu lui rendre visite [à son amie] chaque jour, mais Lady Bradford avait mille choses à faire et le rationna. « Trois fois par semaine, c'est bien peu! » (Maurois, Disraëli, 1927, p. 258). Prononc. et Orth.: [ʀasjɔne], (il) rationne [-sjɔn]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. a) 1795 « mettre (quelqu'un) à la ration; distribuer par ration » (Journal de Paris, 24 avr., p. 869); b) 1868 se rationner « s'imposer une ration » (Verne, Enf. cap. Grant, t. 1, p. 220). Dér. de ration*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 37. |