| RANCIR, verbe intrans. A. − [Le suj. désigne un corps, le plus souvent un corps gras, et p. méton. une odeur, une saveur] Devenir rance (v. rance1A). La maison entière le sentait, l'oignon frit, cette bonne odeur qui rancit vite et pénètre les briques des corons d'un empoisonnement tel, qu'on les flaire de loin dans la campagne (Zola, Germinal, 1885, p. 1234).Ces laits desséchés se conservent bien s'ils sont à l'abri de l'air, mais ils rancissent assez vite dans le cas contraire (R. Lalanne, Alim. hum., 1942, p. 77). − Empl. pronom. Les sucs divers dont le poisson est imbibé, qui sont éminemment inflammables, et s'oxigènent et se rancissent par la digestion (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 93). B. − Au fig. [Corresp. à rance1B] S'altérer, s'abîmer, se corrompre avec le temps. Tout en croyant piétiner sur place, il n'est donc pas impossible que j'avance. On mûrit, on vieillit, sans le vouloir. Heureux si l'on n'aigrit ou ne rancit pas en même temps (Amiel, Journal, 1866, p. 162).Il s'étonne que Lisette ait gardé à rancir dans son âme toutes les vilaines choses qu'elle lui offre (Quéffelec, Recteur, 1944, p. 21). − Empl. pronom. Ne laissez pas vos idées se rancir en province, communiquez promptement avec les grands hommes qui représenteront le dix-neuvième siècle (Balzac, Illus. perdues, 1837, p. 152).Dès que la conscience se replie dans une intériorité méprisante, la valeur est frappée d'une stérilité qui l'altère profondément. Elle se rancit et s'irréalise, elle s'endurcit et fait écran entre le génie inventif de la volonté et la pâte d'existence où les valeurs doivent s'éprouver (Ricœur, Philos. volonté, 1949, p. 187). Prononc. et Orth.: [ʀ
ɑ
̃si:ʀ], (il) rancit [-si]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1538 se rancir (Est. d'apr. FEW t. 10, p. 54a); 1636 rancir « id. » (Monet); b) fig. 1801 se rancir « perdre ses qualités par l'effet du temps (en parlant du temps) » (Mercier Néol.); 1854 rancir « id. » (en parlant d'une personne) » (Flaub., Corresp., p. 29); 2. a) part. passé adj. 1538 ranci (Est., s.v. rancidus, rancidulus); b) subst. 1867 le ranci de la désolation (Baudel., Poèmes prose, p. 28); 1932 le ranci d'un mets (Lar. 20e). Dér. de rance1*; dés. -ir. Fréq. abs. littér.: 15. DÉR. 1. Rancissement, subst. masc.Action, fait de rancir. C'est la présence dans le beurre de ces produits fermentescibles surajoutés qui le rend si rapidement altérable; la production d'acide butyrique détermine le rancissement, qui rend le beurre impropre à la consommation. Pour empêcher ces fermentations et conserver le beurre plus longtemps, on l'additionne de sel à 2, 4 ou 8 pour cent; ou bien on le maintient quelques heures en état de fusion (Macaigne, Précis hyg., 1911, p. 244).− [ʀ
ɑ
̃sismɑ
̃]. − 1reattest. 1877 (Littré Suppl.); de rancir, suff. -(e)ment1*. 2. Rancissure, subst. fém.État de ce qui est devenu rance; partie rance (d'un corps). Enlever les rancissures (Lar. Lang. fr.). L'homme guignait les oranges et humait l'odeur de la boutique: rancissure, moisissure et solitude (Arnoux, Paris,1939, p. 232).− [ʀ
ɑ
̃sisy:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1reattest. 1538 (Est., s.v. rancor); de rancir, suff. -ure*. |