| RALLIER, verbe trans. I. A. − [Le compl. est plur. ou coll.] Qqn rallie qqn.Rassembler, unir de nouveau des éléments qui ont été dispersés. Anton. disperser.Rallier des troupes. Je suis obligé de courir de tous côtés pour rallier nos amis et en venir à une résolution (Chateaubr., Corresp.,t. 2, 1821, p. 260).Le sire de Rosimbos avait relevé la bannière de Bourgogne, et rallié une partie des fuyards (Barante, Hist. ducs Bourg.,t. 4, 1821-24, p. 344).Les tribuns Et les centurions, ralliant les cohortes, Humaient encor (...) La chaleur du carnage et ses âcres parfums (Heredia, Trophées,1893, p. 78). − Empl. pronom. Synon. se rassembler, se regrouper, se réunir.Toute la journée ils avaient été en tirailleurs (...). La retraite décidée, ils se rallièrent et se mirent à filer grand train (Mérimée, Colomba,1840, p. 14).Le maréchal Grouchy fut chargé (...) d'atteindre l'ennemi (...), de le talonner, de l'empêcher de se rallier (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 3, 1862, p. 141). − VÉN. Rallier les chiens. Arrêter les chiens et les rappeler quand ils s'écartent de la meute. Le son lointain d'une trompe, ralliant les chiens, se fit entendre (Ponson du Terr., Rocambole,t. 1, 1859, p. 568).Ralliant les meutes de la voix, Artémis court auprès de ses guerrières (Banville,Exilés,1874, p. 93). B. − 1. a) Regrouper des éléments divers dans un but précis ou en vue d'une action commune. Synon. rassembler; anton. disperser.
α) Qqn1rallie qqn2autour de/auprès de qqn3/qqc.3Alors Tristan, ralliant sa lignée autour de lui (...) se retira dans son castel (Sand, Mauprat,1837, p. 14).Je comprends de reste le besoin d'en appeler à une autorité et de rallier les masses autour d'elle (Gide, Journal,1933, p. 1182): 1. ... m'eût-on laissé l'indépendance de la pensée, je me serais fait fort de rallier un immense parti autour des débris du trône...
Chateaubr., Mém.,t. 3, 1848, p. 650. − Empl. pronom. Du temps de la Ligue, le roi était libre et ses partisans pouvaient se rallier auprès de lui, le royaume était resté dans son ancienne organisation (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1748).
β) Qqn1rallie qqn2sous qqc.3On eût voulu (...) les rallier sous un seul et même gouvernement (Guizot, Hist. civilis.,leçon 10, 1828, p. 4).Les dieux du polythéisme offraient essentiellement ce juste degré de généralité qui permettait de rallier sous leurs drapeaux des populations suffisamment étendues (Comte, Philos. posit.,t. 5, 1894 [1841], p. 143). − Empl. pronom. Les nouveaux fanatiques se rallièrent sous l'étendard du fils de Marie (Condorcet, Esq. tabl. hist.,1794, p. 83).
γ) Qqn1rallie qqn2sur qqc.3Pour que la monarchie vaille, il faudrait qu'il se trouvât en France une famille ralliant sur son nom (...) la grande majorité des électeurs (Barrès, Cahiers,t. 2, 1900, p. 292).
δ) Qqn1rallie qqn2par qqn3.Le roi s'attache Duguesclin, rallie par lui quelques-unes des grandes compagnies, en forme peu à peu des troupes régulières (Bainville, Hist. Fr.,t. 1, 1924, p. 102). b) Qqc.3rallie qqn2.Être ce qui regroupe des éléments divers dans un but précis ou en vue d'une action commune. Synon. rassembler; anton. diviser, séparer: 2. ... le Libéral tirait peu et mademoiselle Deniseau recevait toute la ville. Le clergé, la grosse propriété, la noblesse, la presse cléricale se penchaient sur elle et buvaient ses paroles. Sainte Radegonde ralliait les adversaires défaits de la République et rassemblait les « conservateurs ».
A. France, Orme,1897, p. 92. − P. anal. Synon. de attirer, capter.L'aigrette rouge de l'artilleur rallie tous les yeux [dans le cortège funéraire] (Renard, Lanterne sourde,1893, p. 15). 2. [Avec un compl. introd. par à indiquant ce qui est rejoint] a) Faire que quelqu'un rejoigne, s'associe à un groupe, un ensemble. Anton. séparer de, écarter de. − Qqn1rallie qqn2à qqc.3/qqn3(par qqc.4).Je suis décidé (...) à toute opération destinée à prévenir l'attaque de Vichy contre l'Afrique libre et à nous rallier de nouveaux territoires en Afrique occidentale (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 429). − Empl. pronom. réfl. À cette heure, il est trop tard. En me ralliant à la branche cadette, j'ai brûlé mes vaisseaux (Sandeau, Sacs,1851, p. 17). ♦ [P. ell. du compl. en à] [Il] voua sérieusement une haine mortelle aux Bourbons, ne se rallia point (Balzac, Rabouill.,1842, p. 282). b) P. anal.
α) Faire adhérer un individu ou un groupe à une cause, à une opinion, à un principe. Synon. gagner; anton. dresser contre. − Qqn1rallie qqn2à qqc.3(par qqc.4).En partic. [Le compl. désigne un attribut, une manifestation, un affect du suj.] Le Garde des Sceaux (...) déclara rallier son avis à l'avis de son honorable collègue et fit de la question une question de cabinet (Courteline, Train 8 h 47,1888, 3epart., 2, p. 230). ♦ Empl. pronom. réfl. Qqn1se rallie à qqc.3Se rallier à l'exemple de qqn; se rallier à une idée. Néanmoins, elle se rallia au projet d'Olivier (Rolland, J.-Chr.,Amies, 1910, p. 1125).[Desjardins] a proposé que l'on examinât le lendemain le cas de Nietzsche. Nous nous y sommes tous ralliés, sentant que c'était un excellent sujet pour faire rebondir l'entretien (Du Bos, Journal,1922, p. 170).Une découverte nouvelle du physicien Teller, un des grands protagonistes du développement de l'arme thermonucléaire, montra que celle-ci était sûrement réalisable. Oppenheimer se rallia alors lui-même à la décision prise (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 88). − P. ell. Qqn1rallie qqn2.Ils voulaient soulever et rallier la Bretagne, se joindre à la Vendée, et marcher sur Paris (Vigny, Mém. inéd.,1863, p. 25).
β) Être ce qui fait adhérer un individu, un groupe, à une cause, à une opinion, à un principe. − [Le suj. désigne la cause] Qqc.4rallie qqn2à qqc.3Une conception neuve (...) dont l'utilité, la beauté sont si éclatantes, que le plus simple exposé ne peut manquer de lui rallier toutes les approbations (Taine, Notes Paris,1867, p. 169).[Pissaro] peignait selon de sages formules un peu timides lorsque l'exemple de Manet le rallia à l'impressionnisme auquel il est resté fidèle (Mauclair, Maîtres impressionn.,1923, p. 147). − [Le suj. désigne une opinion, un principe] Qqc.4rallie qqn1.Susciter l'adhésion de quelqu'un. Cette théorie rallie beaucoup de partisans. La « Magie » de Circé rallia tous les suffrages (La Laurencie, Éc. fr. violon,1922, p.293).La « guerre d'Espagne » devait rallier tous les « bons Français » (Bainville, Hist. Fr.,t. 1, 1924, p. 173).
γ) Qqn1rallie qqc.2Adhérer à une cause, une opinion, un principe.Synon. épouser.Lafaurie avait été déçu qu'il fondât le S.R.L. au lieu de rallier le communisme (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 168).Quant au parti socialiste, il avait, en fin de compte, officiellement rallié ma thèse (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 269). C. − Atteindre un lieu, un objectif vers lequel on se dirige. Anton. abandonner, déserter, partir de, quitter.Rallier son corps, son régiment. Les mouches à miel, ayant rallié les paillotes du rucher, laissaient le jardin silencieux (Genevoix, Raboliot,1925, p. 116): 3. ... sur toutes les voies ferrées de l'Est, défilaient d'interminables rames de wagons vides qui ralliaient les grandes gares, pour venir ensuite s'accumuler en réserve dans la banlieue parisienne.
Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 513. − MARINE ♦ Rallier un vaisseau. ,,Le rejoindre`` (Ac. 1835-1935). Je m'étais embarqué dès six heures pour rallier les corvettes (Dumont d'Urville, Voy. Pôle Sud,t. 1, 1841, p. 115).Empl. abs. À deux heures, nos hommes ont tous rallié; nous appareillons (Bellot, Voy. mers polaires,1863, p. 10). ♦ Rallier (la terre). Se rapprocher de (la terre). Aucun navire n'avait rallié la baie depuis une semaine (Verne, Enf. cap. Grant,t. 2, 1868, p. 254). ♦ Rallier le vent, rallier au vent (Ac.). Serrer le vent, aller aussi près que la direction du vent le permet. Synon. aller/ naviguer au près, lofer. II. − Allier de nouveau. Empl. pronom. S'unir à nouveau par des liens d'affection, de convenance ou d'intérêt. [Ils] ont eu un fils, Roger, qui est lieutenant, et une fille, Blanche, qu'ils ont mariée l'année dernière à M. de Bussac, maître des requêtes. Ils se rallient dans leurs enfants (Zola, Cap. Burle,1883, p. 64). REM. 1. Ralliable, adj.,hapax. Qu'on peut rallier, qu'on peut convaincre ou mettre de son côté. Quelques changements de préfets, quelques avances faites aux gens ralliables auraient peut-être empêché bien des tracas (Mérimée, Lettres Viollet-le-Duc,1863, p. 99). 2. Rallieur, -euse, subst.,hapax. Personne capable de rassembler des personnes ou de les faire adhérer à une cause, une opinion. [Lamartine] rêve un grand rôle et la régence, et s'y prépare. Il veut (les autres hommes politiques étant alors supposés usés), arriver comme le chef et le rallieur des générations neuves (Sainte-Beuve, Corresp.,t. 5, 1843, p. 51). Prononc. et Orth.: [ʀalje], (il) rallie [ʀali]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 ralier « réunir, regrouper » (Roland, éd. J. Bédier, 1319); 2. fin xives. « attirer à une cause » (Eustache Deschamps, Fiction du Lyon, éd. G. Raynaud, t. 8, p. 317, 2278); 3. 1694 « rejoindre » (Corneille). Dér. de allier*; préf. r(e)-*. Fréq. abs. littér.: 899. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 404, b) 1 253; xxes.: a) 882, b) 1 420. Bbg. Dub. Pol. 1962, p. 397. − Weil (S.). Trésor des expr. fr. Paris, 1981, p. 32. |