| RAGE, subst. fém. I. A. − Maladie infectieuse mortelle, causée par un virus neurotrope qui peut être inoculé à l'homme par la morsure de certains animaux infestés (notamment le chien et le renard), caractérisée par une méningo-encéphalite diffuse et se manifestant par un état d'agitation et d'angoisse allant jusqu'au délire furieux et à la paralysie. Synon. vx hydrophobie.Prendre la rage; vaccin contre la rage. Aussi longtemps que la rage a été jugée incurable, on cherchait à éloigner de l'esprit des malades le nom même de cette maladie (Pasteurds Travaux, 1886, p. 404).La rage existe chez certains animaux: chien, loup, chat, etc. que ceux-ci, malades, viennent à mordre l'homme, et celui-ci à son tour est atteint (Quillet Méd.1965, p. 187): 1. ... tout à coup une crise subite, extraordinaire, foudroyante, me saisit. Je poussai un cri effroyable (...). C'était la rage, l'horrible rage. J'étais perdue! Henry me releva, effaré, voulut savoir. Mais je me tus. J'étais résignée maintenant. J'attendais la mort. Je savais qu'après quelques heures de répit, une autre crise me saisirait, puis une autre, puis une autre, jusqu'à la dernière qui serait mortelle.
Maupass.,Contes et nouv., t. 2, Enragée? 1883, p. 886. ♦ MÉD., MÉD. VÉTÉR. Rage furieuse; rage mue, muette; rage paralytique. C'est à l'obligeance de M. Bourrel, vétérinaire à Paris (...) que nous avons dû les deux premiers chiens à rage furieuse et à rage mue employés au début de nos expériences (décembre 1880) (Pasteur,ds Travaux, 1882, p. 381). − Proverbe. Quand on veut noyer son chien, on dit qu'il a la rage. Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage. V. chien1II B 4 b.[Var.] Le maître trouve la rage à son chien quand il veut le tuer (Balzac,Annette, t. 1, 1824, p. 183). ♦ [P. allus. à la loc. fam. vieillie dire rage, la rage, des rages de qqn] Dire tout le mal imaginable de quelqu'un. (Ds Ac., Littré). Suivaient sur Valentin des horreurs et des rages que Mariette écoutait avec une grande mine apitoyée (Pourrat,Gaspard, 1930, p. 132). − Au fig. (infra II C 2 b). B. − Rage de dents. Mal de dents provoquant de vives douleurs. Vers le soir Marc pique une rage de dents. Le voici couvert de sueur et se tordant de douleur (Gide,Retour Tchad, 1928, p. 995).Sa tête défigurée par l'enflure lorsqu'il souffre de ses terribles rages de dents (Bernanos,Mouchette, 1937, p. 1270). ♦ Arg., vx. ,,Grande faim`` (Delvau 1883, France 1907). II. A. − 1. État affectif pouvant se manifester par une grande violence verbale ou physique, ou par un silence hargneux fait de colère, de ressentiment ou de haine, qui est généralement causé par un sentiment d'impuissance devant une situation frustrante. Synon. partiel colère, fureur, furie.Accès, crise, moment de rage; mouvement, transport de rage. La rage s'empare de tous les cœurs, les yeux roulent du sang, la main frémit sur l'épée (Chateaubr.,Martyrs, t. 1, 1810, p. 287).Sa rage redoubla. − Oh! Je me vengerai, s'écria-t-il en frappant la table du poing, je me vengerai! (Theuriet,Mariage Gérard, 1875, p. 107).V. houle D 1 ex. de Roy: 2. Ma fureur s'exaspérait encore à me dire que cet amour, né de la veille, m'avait été arraché juste au moment où j'allais pouvoir le développer dans sa plénitude, à l'heure précise de l'action décisive. Il doit y avoir de cette rage-là chez le joueur qui, forcé de quitter la table, apprend la sortie du numéro sur lequel il voulait ponter et qui lui aurait ramené trente-six fois sa mise.
Bourget,Disciple, 1889, p. 179. ♦ [Constr. avec un compl. introd. par contre désignant l'objet et/ou la cause de ce sentiment] Je crains que la rage des Français contre l'Angleterre ne leur donne l'idée de saisir les paquebots qui vont de Douvres à Ostende (Staël,Lettres L. de Narbonne, 1793, p. 152).En même temps une colère le prenait, une rage contre leur impuissance (Genevoix,Raboliot, 1925, p. 60). ♦ [Constr. avec un compl. introd. par de désignant la cause de ce sentiment] Si Versailles ne se dépêche pas, nous verrons la rage de la défaite se tourner en massacres, fusillades et autres gentillesses de ces doux amis de l'humanité (Goncourt,Journal, 1871, p. 758).Une seconde fureur, plus violente que la première, m'emporte soudain: c'est la rage d'avoir été agi (Vailland,Drôle de jeu, 1945, p. 115). ♦ [Constr. avec une complét.] Rare. Une sourde rage qu'elle pût être gagnée si facilement étouffait en lui la compassion. « Peut-être ne s'arrêtera-t-elle pas... » se dit-il (Roy,Bonheur occas., 1945, p. 46). − P. anal. [Chez l'animal] La rage du tigre, que rien ne fléchit, ni les bons ni les mauvais traitemens, et qui, gorgé de sang et de chairs, n'en est que plus ardent à déchirer tout ce qui lui présente l'image de la vie (Cabanis,Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 321).Le loup se débattait avec des élancements de rage et de douleur (Hugo,Han d'Isl., 1823, p. 294). − Au plur. ♦ [Plur. d'amplification] Rare. Je me sentais des rages à me jeter par la fenêtre (Maupass.,Une Vie, 1883, p. 171). ♦ Moments, causes de rage. Il réfléchit qu'on se moquerait de lui s'il mettait à nu ses rages et ses blessures (Champfl.,Avent. MlleMariette, 1853, p. 238).Toutes sortes de pensées, de souvenirs, de projets, d'amours secrètes, et de rages étouffées, qu'on remâche sempiternellement (Vailland,Drôle de jeu, 1945, p. 40). − Locutions a) [Combiné avec une prép.] ♦ Vieilli. À la rage. Synon. à la folie.C'est peut-être un blasphème, et je le dis tout bas. Mais je l'aime à la rage (Musset,Namouna, 1832, p. 418).Cette passion éclatait avec une violence aveugle; il aimait à la rage (Zola,Th. Raquin, 1867, p. 50). ♦ [Combiné avec avec]
Œdipe, les bras au corps, comme paralysé, tente avec rage de se rendre libre (Cocteau,Machine infern., 1934, ii, p. 81).C'est pourquoi il la frappait avec tant de rage: il avait honte d'elle, et peur d'elle (Montherl.,Demain, 1949, ii, 1, p. 720).V. adonner (s') ex. 8. ♦ [Combiné avec dans] Je les traitai toutes les deux sans ménagements, et dans ma rage, j'allai jusqu'à menacer mon rival (Restif de La Bret.,M. Nicolas, 1796, p. 184).Ce pathétique réveillait en sursaut, dans l'épouvante ou dans la rage, quelques-uns de mes meilleurs amis (Sartre,Mots, 1964, p. 162). ♦ De rage. [Combiné avec un verbe ou un adj. décrivant un état ou un comportement] De rage, il quitte le parti, et se fait libéral (Courier,Pamphlets pol., Livret de Paul-Louis, Vigneron, 1823, p. 169).Ceux-là mêmes qu'elle avait, les yeux étincelants de rage, souhaité déshonorer, tuer, faire condamner (...) elle ne leur voulait plus aucun mal (Proust,Fugit., 1922, p. 604).V. hurler I B 1 ex. de Huysmans.De rage de + inf.J'ai failli tuer trois facteurs, de rage de n'avoir rien de toi. J'attends, chaque matin (Mallarmé,Corresp., 1862, p. 43). ♦ En rage. J'ai les nerfs agacés comme des fils de laiton. Je suis en rage sans savoir de quoi (Flaub.,Corresp., 1852, p. 383).Il bégaye si fort en rage qu'il explose de postillons (Céline,Mort à crédit, 1936, p. 386). ♦ Par rage (rare). Il monta se coucher, le ventre vide, par rage (Zola,Terre, 1887, p. 301). b) [Combiné avec un verbe] ♦ [Avec avoir] Avoir une rage (+ adj.), (expr. quantifiante) + rage. Gérard eut une rage sourde, et se dit que, si sa maîtresse faisait un pas de plus vers la voiture, il se jetterait par la croisée avec l'espoir de se tuer et d'écraser en même temps son rival et Mariette (Champfl.,Avent. MlleMariette, 1853, p. 47).Avoir la rage au cœur, dans le cœur, dans l'âme, aux dents. Tu demandes pourquoi j'ai tant de rage au cœur Et sur un col flexible une tête indomptée; C'est que je suis issu de la race d'Antée (Nerval,Chimères, 1854, p. 699). ♦ [Avec donner] Donner la rage. Tourbillon des pensées sans issue et sans terme, à donner la rage ou à rendre idiot (Amiel,Journal, 1866, p. 296).L'immense bêtise moderne me donne la rage (Flaub.,Corresp., 1872, p. 36). ♦ Faire rage Vx. Accomplir des méfaits ou des exploits. Il se promettait de faire rage contre les marauds qui attaqueraient Sigognac, cela n'étant pas dans son caractère de laisser ses amis en péril (Gautier,Fracasse, 1863, p. 214).Tu l'opprimes [le genre humain], César; Saint-Père, tu le pilles. Vos lansquenets font rage, et violent les filles (Hugo,Légende, t. 3, 1877, p. 401).Vieilli. Faire de violents efforts, beaucoup de désordre et de bruit. Cette cuisine effrayante, est jour et nuit pleine de vacarme (...). On a beau faire rage autour de lui, les hommes jurent, les femmes querellent, les enfants crient (Hugo,Rhin, 1842, p. 30).Il courut à pied jusque chez son pensionnaire (...) frappa sans l'éveiller, fit rage, et, en désespoir de cause, jeta la porte en dedans (About,Nez notaire, 1862, p. 195). ♦ (Se) mettre en rage. Il se mit en rage contre la sottise de la domestique, qui était sortie en son absence et qui n'avait même pas été capable de donner des instructions pour qu'on fît attendre Christophe (Rolland,J.-Chr., Révolte, 1907, p. 565).Remettant ma copie in-extenso à Guillaume Apollinaire qui se bornait à y pratiquer des coupes sombres (ce qui avait le don de me mettre en rage!) (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p. 381). ♦ [Avec prendre] Prendre de la rage, une rage (+ adj.). Il surveilla Maria, elle s'en aperçut et en prit de la rage. Ils en vinrent aux coups (Aragon,Beaux quart., 1936, p. 20).(Être) pris de rage. Je me trouvai dans un état comparable à celui d'un homme pris de rage contre une femme aimée de lui et qui, soudain, voit un hasard le priver de toute issue: mettons l'arrivée d'un visiteur (G. Bataille,Exp. int., 1943, p. 194).Se prendre de rage. Quand il pensait (...) que tout était fini, qu'on l'emportait dans la terre, il se prenait d'une rage farouche, noire, désespérée (Flaub.,MmeBovary, t. 2, 1857, p. 194).Il se prit de rage lui aussi contre tant de malencontre. Il se retourna tout d'une pièce pour que sa mère ne vît pas ses premières larmes et il se jeta dans la porte ouverte (Drieu La Roch.,Rêv. bourg., 1937, p. 109). SYNT. Éprouver de la rage, une rage (+ syntagme déterm.); sentir de la rage; la rage dévore, étouffe, emporte, saisit qqn; la rage s'empare de qqn, monte en qqn (au cœur, à la gorge de qqn); qqn assouvit, passe sa rage sur qqc., s'emporte, s'exalte jusqu'à la rage; rage aveugle, blanche, contenue, folle, froide, furieuse, impuissante, intérieure, muette, rentrée, sombre, sourde; male rage; rage homicide, meurtrière; crever, crier, écumer, étouffer, frémir, grincer des dents, hurler, pleurer, serrer les poings, suffoquer, trépigner de rage; être blanc, blême, écarlate, fou, ivre, pâle, plein, vert de rage; cri, hurlement, larme de rage; colère, délire, désespoir, douleur, fiel, fureur, haine, jalousie, rancune, violence et rage. 2. P. méton. Accès de rage. Les rages d'un enfant. Soudain une rage me prenait, et m'emparant des pincettes, je fondais sur le monstre, le lardant de coups au flanc et au ventre (Lorrain,Sens. et souv., 1895, p. 116).Une rage terrible le secoua: il tremblait (Green,Moïra, 1950, p. 32): 3. Et, tout d'un coup, comme ils passaient près d'un talus gazonné, dans un chemin désert, et qu'elle l'y entraînait, s'allongeant, le besoin monstrueux le reprit, il fut emporté par une rage, il chercha parmi l'herbe une arme, une pierre, pour lui en écraser la tête. D'une secousse, il s'était relevé, et il fuyait déjà, éperdu...
Zola,Bête hum., 1890, p. 281. ♦ [Combiné avec différents verbes] Avoir, prendre une rage, des rages; piquer une rage; jeter qqn dans les rages (+ adj.). Le mutisme obstiné de Désirée (...) son indifférence toujours croissante à soigner les plats, jetèrent Vatard dans des rages sourdes qui compromirent ses digestions (Huysmans,Sœurs Vatard, 1879, p. 198).Le peintre prit une rage. − Je ne sais pas, criait-il, ce que vous appelez l'intelligence (Duhamel,Désert Bièvres, 1937, p. 221). B. − 1. [Constr. avec un compl. désignant un sentiment ou une expression] Caractère très violent, très intense de quelque chose. De par la rage de sa passion partout (Faure,Hist. art, 1921, p. 135).De par la rage de sa passion Jacques eût eu acquis des boutons sur la face s'il n'eût eu Martine pour s'exercer tout en pensant à Dominique (Queneau,Loin Rueil, 1944, p. 172). 2. [Constr. avec un compl. ou un adj. désignant un sentiment ou une sensation] Accès, bouffée très violent(e), très intense de quelque chose. ♦ [Constr. avec un compl. prép.] Rage d'ambition, de dégoût, de désespoir, d'ennui, de fureur, de jalousie. L'envie de tuer me court dans les moelles. Cela est comparable aux rages d'amour qui vous torturent à vingt ans (Maupass.,Contes et nouv., t. 2, Fou, 1885, p. 1016).Une rage de faim les soulevait, comme si, brusquement, ils ne pouvaient attendre davantage, sans expirer sur cette route (Zola,Germinal, 1885, p. 1450). ♦ [Constr. avec un adj.] Rage amoureuse, rancunière, vengeresse. Ils vécurent (...) dévorés de soucis, de rage ambitieuse, ou se coupèrent le cou, las de mentir, de tromper (Courier,Pamphlets pol., Réponses aux anon., 1, 1822, p. 149): 4. Il l'aimait plus ardemment que jamais. Dans sa jalouse rage, la soupçonnant, non sans vraisemblance, d'envoyer et de recevoir des lettres, il jura de les intercepter, rétablit le cabinet noir, jeta le trouble dans les correspondances privées...
A. France,Île ping., 1908, p. 380. C. − 1. a) Ardeur forcenée à faire quelque chose. Mettre de la rage à faire quelque chose. Elle était retombée dans son mutisme, sa froide indifférence et sa rage au travail (...) où elle endormait les pensées obscures de sa trouble nature (Rolland,J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1358).La sottise des subordonnés fit le reste, et leur rage à montrer du zèle (Ambrière,Gdes vac., 1946, p. 186). ♦ [Combiné avec avec] Rare. L'adroite Morisque et quatre ouvrières, levées avant le jour avaient cousu avec rage (Sand,Beaux MM. Bois-Doré, t. 1, 1857, p. 286). ♦ [Constr. avec un compl. à l'inf. introd. par de] Rage d'aimer, d'écrire, de vivre. b) [Avec une valeur dépréc.] Passion (individuelle ou collective) immodérée pour quelque chose, manie (individuelle ou collective) de faire quelque chose. Synon. folie, fureur, manie.J'ai voulu, oui, voulu absolument tenter de renverser cette marche uniforme; la nouveauté est ma rage (Musset,Nuit vénit., 1834, 2, p. 36).Bonjour, ma chère Madame Vigneron, allons, embrassez-moi. C'est plus qu'une mode ici, c'est une rage, on s'embrasse toutes les cinq minutes (Becque,Corbeaux, 1882, i, 4, p. 71).V. érotomanie ex. de Courier. ♦ [Constr. avec un compl. nom. introd. par de; plus rarement pour] J'avais heureusement alors la rage du grec; je traduisais L'Odyssée et la Cyropédie jusqu'à deux heures (Chateaubr.,Mém., t. 1, 1848, p. 162).Mon frère est pris d'une rage pour la chasse et je reste, comme Job sur son fumier, à gratter ma vermine (Flaub.,Corresp., 1860, p. 405). ♦ [Constr. avec un compl. à l'inf. introd. par de] Quand un jeune homme est amoureux (...) il devient indécent (...) et a la rage de se promener tout nu (Boylesve,Leçon d'amour, 1902, p. 208).Ce sont des excentriques. Ils ont la rage de se faire passer pour ce qu'ils ne sont pas (Barrès,Cahiers, t. 13, 1921, p. 106).V. corporiser ex. de Barbey d'Aurevilly. ♦ [Constr. avec un adj.] Maxime va recommencer ses rages photographiques (Flaub.,Corresp., 1850, p. 167). − Faire rage. Être l'objet d'un engouement collectif. Synon. faire fureur.Mes portraits faisaient rage: ne voilà-t-il pas le commandant qui a envie d'avoir le sien! Je fais son portrait, je fais le portrait de sa femme, d'après un daguerréotype (Goncourt,Journal, 1872, p. 868).« L'antique » faisait rage dans les arts et donc dans la mode (Brillant,Probl. danse, 1953, p. 184).V. fureur B 3 b ex. de Maurras. − C'est plus de l'amour, c'est de la rage (expr. fam.). Voir Giono, Baumugnes, 1929, p. 194. 2. P. méton. a) Moment où l'on s'adonne avec passion à quelque chose. Ragu, qui s'était attardé dans une rage de travail, demeurait seul (Zola,Travail, t. 2, 1901, p. 31).Migraines, rages de travail, paresses, goût de vivre, et Marinette est toujours au centre (Renard,Journal, 1906, p. 1063). b) Synon. de épidémie (v. ce mot B).Cette rage de mouchardise fit d'incroyables progrès (Vidocq,Mém., t. 3, 1828-29, p. 227).Je vous annonce une rage de suicides contre laquelle vous ne pourrez rien (Bernanos,M. Ouine, 1943, p. 1525). D. − P. anal., littér. 1. Déchaînement brutal et violence soutenue (d'un phénomène physique, d'un fléau). Redoubler de rage. Je (...) m'en irai droit à Paris si je ne m'arrête en Suisse, comme je fis l'an passé pour fuir la rage de la canicule (Courier,Lettres Fr. et Ital., 1810, p. 823).Il s'y mêle [au bruit des camions] le tambourinement de la pluie fouettante et la rage du vent contre les pauvres arbres de la route (Loti,Vertige mond., 1917, p. 215): 5. Que toutes les rages de la tempête
Se déchaînent sans vous vaincre la tête;
Et que la vie, avec ses ouragans déments,
Vous reste chère, immensément,
Ainsi qu'une admirable et tragique conquête.
Verhaeren,Mult. splendeur, 1906, p. 143. ♦ [Combiné avec avec, sans] La foudre éclate avec moins de rage sur les sommets de l'Apennin (Chateaubr.,Martyrs, t. 1, 1810, p. 289).La pluie s'écroula en blocs de plus en plus pesants pendant une quarantaine d'heures; sans rage; avec une sorte de paix tranquille (Giono,Hussard, 1951, p. 220). − Faire rage. Se déchaîner brutalement et avec une violence soutenue. La fusillade, l'incendie, la mer, le soleil, la tempête, le vent fait rage. L'ouragan fit rage, ils furent battus par un effroyable déluge (Zola,Débâcle, 1892, p. 122).La bataille (...) faisait rage en Tunisie (De Gaulle,Mém. guerre, 1956, p. 93). ♦ [Le suj. désigne la source d'un bruit] Nous étions attablés au Dupont-Latin, sur le Boul'Mich', au milieu d'une foule d'étudiants criards (...). Le pick-up faisait rage (Abellio,Pacifiques, 1946, p. 383). 2. Une rage de (suivi d'un subst. au plur.). Synon. déchaînement.En ce moment la bastonnade, multipliée par cent mains, fit du zèle, les coups de plat de sabre s'en mêlèrent, ce fut comme une rage de fouets et de bâtons; les galériens se courbèrent (Hugo,Misér., t. 2, 1862, p. 109).Le village, les bêtes, toute cette marée de vie qui débordait, engloutit un instant l'église sous une rage de corps faisant ployer les poutres (Zola,Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1488). Prononc. et Orth.: [ʀa:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. a) 1100 « violent transport de colère » (Roland, éd. J. Bédier, 747); 1130-40 plains de rage (Wace, Vie de Sainte Marguerite, 235 ds T.-L.); b) 1erquart xiiies. p. métaph. en parlant du vent (Reclus de Molliens, Charité, 59, 9, ibid.); 1671 faire rage id. (La Fontaine, Imitation d'Anacréon ds Littré); 2. ca 1160 « passion violente pour quelque chose » (Enéas, 813 ds T.-L.); 3. 1erquart xiiies. « douleur violente » (Reclus de Molliens, Miserere, 61, 12, ibid.: De si grant famine le rage); fin xives. en parlant d'un mal de dents (Jehan Froissart, Chroniques, éd. G. Raynaud, t. 9, p. 281); 1549 rage de dens (Est.). II. 1288 avoir rabe « être enragé » (Jacquemart Gielee, Renart le Nouvel, éd. H. Roussel, 3289); 1360-70 rage (Baudouin de Sebourc, XI, 746, éd. Brocca). Du lat. pop. *rabia, altér. du lat. class. rabies « rage (maladie) »; fig. « transport furieux, fureur ». Fréq. abs. littér.: 2 863. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 308, b) 5 191; xxes.: a) 5 251, b) 3 411. |