| RACLER, verbe trans. A. − 1. Qqn racle qqc.Gratter, frotter la surface d'un corps avec un objet dur et tranchant afin de le nettoyer ou de l'égaliser. Racler une peau, le fond d'une casserole, des sabots pleins de boue. La métayère, qui venait de boulanger, raclait sa maie avec un vieux couteau (Pourrat,Gaspard, 1922, p. 173).Elle a râclé sa bêche, soigneusement, avec une petite pierre plate, pour faire tomber la terre (Giono,Colline, 1929, p. 194). ♦ Loc. fig., fam. Racler les tiroirs, les fonds de tiroirs. Rassembler tout l'argent disponible, recourir à ses dernières économies. Ma mère avait pas dit les sommes que ça coûterait au ménage pour m'équiper... de pied en cap... C'était un total fabuleux par rapport à nos moyens... On a raclé les fonds de tiroirs (Céline,Mort à crédit, 1936, p. 353). − En partic. ♦ Racler une mesure de grain. ,,Passer la racloire sur une mesure, pour faire tomber le grain qui s'élève au-dessus des bords`` (Ac.). ♦ Racler la gorge ou, plus couramment, en empl. pronom. réfl. indir., se racler la gorge. Produire une expiration brutale et un son rauque pour débarrasser la gorge des mucosités qui l'encombrent. Gondran s'est raclé la gorge où la salive s'empâtait (Giono,Colline, 1929, p. 58).Ce léger gonflement [de la muqueuse] donne l'impression d'une mucosité collante (...) qui oblige à râcler la gorge avant le chant (Wicart,Chanteur, t. 1, 1931, p. 205). 2. Qqn racle qqc.1de qqc.2Enlever en grattant.Voûtés, cassés, ratatinés, raclant le gravier de leurs semelles, ils surprenaient d'abord par la faiblesse de leur taille (Druon,Gdes fam., t. 2, 1948, p. 241). − [Avec ell. du compl. second.] Il commençait de brosser sa veste et, de temps en temps, avec la pointe du canif, il raclait quelque petite tache d'un air appliqué (Duhamel,Cécile, 1938, p. 37). 3. Arg., vieilli. Prendre, voler. Racler le pognon (France1907).Schorel se tenait les côtes: « (...) Il fait l'usure à toute la jeunesse dorée d'Amsterdam. Sur le seul Van Beverningk il a râclé une petite fortune (...) » (L. Daudet,Voy. Shakespeare, 1896, p. 191).[Le capitaine:] Cette somme était dans l'avant-dernier fourgon; l'ennemi me l'a volée (...). [Le général:] Se faire racler de sept mille francs! (D'Esparbès,Guerre sabots, 1914, p. 62). B. − 1. Qqc. racle qqc.Frotter rudement. On n'entendait que le clapotis de l'eau courant le long de la nacelle, le bruit de l'aviron raclant régulièrement le bois du bordage (Moselly,Terres lorr., 1907, p. 51).Sauf (...) le doux frottement des chaînes qui râclaient de temps en temps le bord du râtelier de bois, il n'y avait plus un seul bruit autour du mas Théotime (Bosco,Mas Théot., 1945, p. 42). 2. En partic., fam. Qqc. ou qqn racle qqc. ou qqn a) [Le suj. désigne une boisson ou qqc. d'irritant pour la gorge] Gratter, produire une sensation d'âpreté. Synon. râper.Le cidre qu'ils buvaient (...) râclait la gorge et piquait la langue (Lorrain,Sens. et souv., 1895, p. 196).Sa tiédeur rayonnante [du poêle] créait dans la pièce (...) un voile de fumée jaunâtre (...), fumée qui vous picotait les yeux à la longue et dont l'âpreur vous râclait la gorge (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p. 341). b) Gén. péj. [Le compl. désigne un instrument à cordes] Racler un/du violon; racler une/de la guitare. En jouer maladroitement. Mais c'est une demoiselle (...) très bien (...) qui joue du piano (...) Le père râcle du violon (Labiche,Pieds ds crime, 1866, I, 3, p. 330).Dans le soir, quelqu'un raclait une mandoline, et il y avait des voix fraîches qui chantaient dans la langue de là-bas (Aragon,Beaux quart., 1936, p. 161). − [P. méton.] Racler un air. Jouer maladroitement un air (sur un instrument à cordes). Le gros Blaise, monté sur un tonneau et raclant sur son violon ce vieil air (Murger,Scène vie jeun., 1851, p. 137).Le violoniste ambulant (..) raclait un air de la Favorite ou du Trouvère (A. Daudet,Rois en exil, 1879, pp. 230-231). Prononc. et Orth.: [ʀ
ɑkle], [ʀa-], (il) racle [ʀ
ɑ:kl], [ʀakl]. Martinet-Walter 1973 [-ɑ-], [-a] (13, 4). Att. ds Ac. dep. 1694. Besch. 1845: râcler. Étymol. et Hist. 1. a) α) 1377 raicler « enlever avec un instrument quelques parties de la surface d'un corps (en le grattant ou en le frottant) » (doc. ds B. Prost, Inv. mobiliers des ducs de Bourgogne, t. 1, 3123); de nouv. 1495 [éd.] racler (Bernard de Gordon, Pratique I, 27 ds Littré);
β) vers 1450 part. passé « pelé » (Sottie du gaudisseur et du sot, 142 ds Rec. Trepperel, Sotties, éd. E. Droz, p. 12: deux malastrus racletz); b) α) 1579 « piller, rafler » (H. Estienne, De la precellence du langage françois, éd. Ed. Huguet, p. 129);
β) 1936 racler les fonds de tiroirs (Céline, loc. cit.); c) 1887 champ. « faire remonter avec effort de la trachée les mucosités qui s'y trouvent » (A. Baudouin, Gloss. du pat. de la Forêt de Clairvaux ds Mém. de la sté ac. d'agric., des sc., arts et belles-lettres du départ. de l'Aube, 3esérie, t. 24, p. 16); 1929 se racler la gorge (Giono, loc. cit.); 2. a) 1623 mus. racler les boyaux (Sorel, Francion, éd. E. Roy, t. 1, p. 111); b) 1772 racler un air (Voltaire, Mélanges de poésies, 35 ds Littré); 3. a) 1768 [éd.] gozier raclé par la piquette (Id., Guerre civile de Genève, Chant V, Bezançon, N. Grandval, p. 58); b) 1839 « frotter rudement sur » (Flaub., Smarh, p. 90). Empr. au prov.rasclar « passer la racloire sur une mesure de grains pour faire tomber ce qui s'élève au-dessus du bord » (ca 1240, Donat provensal ds Levy Prov.) et « enlever avec un instrument quelques parties de la surface d'un corps » (xives., Merveilles d'Irlande, ibid.), d'un lat. pop. *rasclare, issu par syncope de *rasǐcŭlare, du lat. rasus (v. ras3), part. passé de radere « raser ». Fréq. abs. littér. Racler: 281. Râcler: 9. Fréq. rel. littér. Racler: xixes.: a) 122, b) 260; xxes.: a) 571, b) 598. Bbg. Sculpt. 1978, p. 652. |