| PÉTILLER, verbe intrans. A. − 1. [Le suj. désigne une matière en combustion] Éclater avec des petits bruits secs et répétés, généralement en jetant des étincelles. Synon. crépiter, péter.Le bois, la branche, la bûche, le charbon, le laurier pétille. L'allumette pétilla, la lumière devint blanche et claire (Zola,Th. Raquin, 1867, p.104).Sous le chaudron noir, pétillait un fagot de sarments (Bosco,Mas Théot., 1945, p.87). − [P. méton. du suj.] L'âtre, le bûcher, les étincelles, le foyer pétille(nt). Déjà la flamme pétillait au foyer (Toepffer,Nouv. genev., 1839, p.355).Feu! (...) Ne pétille pas trop, ne crache pas d'étincelles sur ma fourrure, sois clément, feu varié (Colette,Dialog. bêtes, 1905, p.101). 2. P. anal. Faire des petits bruits secs et répétés. À des distances lointaines, (...) des coups de feu pétillent, se répondent (Gozlan,Notaire, 1836, p.273).Un chant d'alouettes qui pétillaient dans l'air comme des flammes au bout de hauts cierges (Renard,Journal, 1896, p.334).Des sonneries de clairons (...) pétillaient ou s'éteignaient selon les sursauts de la brise (Duhamel,Cécile, 1938, p.271). − [Le suj. désigne un liquide] Rare. Synon. grésiller.Vous faites cuire quatre onces de beurre d'Isigny à la noisette, c'est-à-dire qu'après l'avoir écumé et qu'il ne pétille plus, vous le laissez se colorer légèrement (Gdes heures cuis. fr.,Carême, 1833, p.147). 3. [Le suj. désigne une boisson gazeuse] Mousser, dégager des petites bulles qui éclatent en bruissant à la surface. L'eau gazeuse, le vin pétille. Le rose pâle d'un reste de champagne pétille dans les flûtes (Goncourt,Ch. Demailly, 1860, p.358). − [P. méton. du suj.] Je remplis mon verre de nouveau, pour avoir le plaisir de voir pétiller la mousse (Gobineau,Pléiades, 1874, p.4). B. − P. anal., littér. 1. Briller d'un éclat très vif. Synon. chatoyer, étinceler, flamboyer, rayonner, scintiller.Les diamants, les joyaux, le soleil pétille(nt). Autour de sa tête, dans ses nattes noires, il y avait des plaques de métal qui pétillaient au soleil et faisaient à son front une couronne d'étoiles (Hugo,N.-D. Paris, 1832, p.375). − Pétiller de + subst. concr.Cette campagne où la feuille découpée de la vigne, le maïs oriental, les tiges de la fève, les plantes artistiques du midi, pétillaient partout de lumière (Goncourt,MmeGervaisais, 1869, p.157). 2. [Le suj. désigne les yeux, le regard] Briller sous l'effet de quelque chose. − Pétiller de + subst. concr., vx.Cet oeil gris pétille d'une larme (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t.6, 1852, p.504). − Pétiller de + subst. abstr.Manifester, révéler quelque chose (un trait de caractère, un sentiment, une émotion) par l'éclat du regard. Yeux qui pétillent d'intelligence, d'ironie, de malice, de passion. Les yeux de charbon de la servante pétillèrent de curiosité maligne (Gautier,Rom. momie, 1858, p.293).Il avait rosi: derrière ses lunettes ses yeux pétillaient de rancune et de gloire (Sartre,Mort ds âme, 1949, p.70). − Empl. abs. Quelques douzaines de gamins dont les yeux pétillaient dans les guenilles comme des diamants noirs (Gautier,Tra los montes, 1843, p.33). − P. méton. [Le suj. désigne un sentiment humain] Se révéler, se manifester par l'éclat du regard. Synon. briller, éclater.La pauvre fille essaya de cacher sa joie, mais elle pétillait dans ses yeux (Balzac,Peau chagr., 1831, p.134). C. − Au fig. 1. Vieilli, fam. [Le suj. désigne une pers.] Pétiller de + inf. ou subst.Être extrêmement impatient de. Synon. bouillir de, brûler de.Pétiller de dire, de faire qqc. Pendant toute cette première partie de l'expédition [de Crimée], le maréchal de Saint-Arnaud, on le conçoit, pétille d'impatience; il voudrait tout hâter, tout concentrer dans sa main pour une exécution rapide (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t.13, 1857, p.442). − Empl. abs. Je pétille, je n'y tiens plus (Besch.1845). − Loc. Avoir le sang qui pétille dans les veines. Être bouillant d'excitation, d'ardeur, d'irritation, d'impatience. Synon. avoir le sang* qui bout.Gertrude [à Pauline]: Son sang-froid me fait bondir le coeur ! Mon sang pétille dans mes veines. Je vois du noir devant mes yeux! Sais-tu que je préfère la mort à la vie sans lui? (Balzac,Marâtre, 1848, ii, 11, p.70). 2. [Le suj. désigne une pers. et p. méton., un aspect de sa personnalité] a) Manifester quelque chose avec spontanéité, vivacité. Pétiller de colère, d'indignation, de joie. Ses lèvres, si bien scellées naguère, pétillaient d'interrogations (Gautier,Fracasse, 1863, p.433).J'envie Marthe, qui, dès la gare, pétillait d'un enthousiasme de convention (Colette,Cl. s'en va, 1903, p.175). − Empl. abs. Tout-à-coup monsieur de Valois avisa madame Granson qui avait arboré son chapeau vert à bouquets d'oreilles d'ours, et dont la figure pétillait (Balzac,Vieille fille, 1836, p.334). b) Pétiller (d'esprit). Manifester un esprit brillant, éclatant, vif, plein d'humour. Il a de l'esprit, il en pétille (Goncourt,Journal, 1862, p.1135).La curiosité [du duc] naquit très vite. Il pétille, il étincelle (La Varende,Saint-Simon, 1955, p.35). − P. méton. [Le suj. désigne l'esprit, les choses de l'esprit, etc.] Se manifester d'une manière vive, pétulante; jaillir avec éclat. Les paroles, les traits d'esprit pétillent. Tout y pétille d'esprit et d'impertinence [dans le discours de l'abbé de Caumartin]. C'est le modèle classique du persiflage (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t.11, 1856, p.344): . C'est en eux le coeur qui déborde, c'est l'esprit qui s'élance, qui pétille, qui bondit, qui s'arrête, qui retourne au coeur, qui circule, se hâte, se ralentit, s'emporte, bat, frémit, s'enflamme, bouillonne et s'apaise, et va sans savoir où, et partout comme le sang.
Vigny,Mém. inéd., 1863, p.17. REM. Pétilleux, -euse, adj.,vieilli. [Corresp. à supra A 3] qui pétille. Ferment pétilleux. (Ds Boiste 1819-1834, Ac. Compl. 1842, Besch. 1845). Prononc. et Orth.: [petije], (il) pétille [petij]. Ac. 1694-1798: petiller; 1835: pe-, pé-; dep. 1878: pé-. V. péter. Étymol. et Hist. 1. Ca 1440 part. prés. yeux ... pétillans «qui brillent d'un vif éclat» (Amant rendu cordelier, éd. A. de Montaiglon, 1546); 1765 pétiller d'esprit (Encyclop.); 2. a) 1575 «craquer, crépiter en se consumant dans le feu» (Paré, OEuvres, éd. J. F. Malgaigne, III, p.560); 1660 «mousser, produire un bruit (d'un vin)» (Oudin); b) 1564 «être agité par un sentiment» (Thierry); 1606 pétiller de dépit (Nicot); 1690 pétiller d'impatience (Fur.); c) 1572 part. prés. jeunesse pétillante «vive, pleine d'ardeur» (Amyot, Comm. nourrir les enfants, 39 ds Littré); 1776 le sang lui pétille dans les veines (Voltaire, Lett. d'Argental, 19 juill., ibid.); d) 1669 «se manifester (de traits d'esprit)» (Boileau, Art poétique, éd. C.H. Boudhors, I, 175, p.86). Dér. de pet1*; suff. -iller*. Fréq. abs. littér.: 265. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 392, b) 698; xxes.: a) 303, b) 233. Bbg. Gohin 1903, p.346. _ Vaganay (H.). Pour l'hist. du fr. mod. Rom. Forsch. 1913, t.32, p.125. |