| PÉNÉTRANT, -ANTE, part. prés., adj. et subst. fém. I. − Part. prés. de pénétrer*. II. − Adjectif A. − [Corresp. à pénétrer I A, II A] 1. Qui pénètre. a) [En parlant d'un objet] Corps, projectile, instrument pénétrant. Scie pénétrante (Dub.). b) [En parlant d'un élément plus ou moins fluide ou gazeux, d'un corps en solution] Qui agit en profondeur. Substance, humidité pénétrante. Le sel est caustique et pénétrant (Ac.).L'air de la mer, si tonique et si pénétrant, raffermit sa santé chétive (Sand, Indiana, 1832, p.296).Emploi de fixateurs peu pénétrants (Husson, Graf, Biol. gén., 1965, p.8). − [P. méton., en parlant de la lumière, du soleil] Madeleine, fatiguée, s'était assoupie sous la caresse pénétrante du soleil (Maupass., Bel-Ami, 1885, p.219). ♦ P. métaph. L'habitude du pouvoir avait mis dans ses yeux cette lumière pénétrante qui fait reconnaître entre tous les divinités et les rois (Gautier, Rom. momie, 1858, p.307).Qu'ils sont rares les auteurs comme Horace et Montaigne, qui gagnent à être sans cesse relus, compris, entourés d'une pleine et pénétrante lumière (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t.14, 1859, p.282). ♦ PHYS., MÉD. [En parlant de tout rayonnement capable de traverser une épaisseur notable de matière] Rayons durs ou pénétrants. Les rayons X constituent une gamme assez étendue dont les plus grandes longueurs d'onde sont appelées, dans le langage médical, rayons mous ou peu pénétrants (Roussy dsNouv. Traité Méd.fasc. 5, 21929, p.688).P. méton. À l'inverse des gerbes en cascades, où sont successivement produits des rayons gamma et des électrons, les gerbes pénétrantes contiennent des particules capables de traverser 15 à 20 cm de plomb (Musset-Lloret1964). − CHIR. Plaie pénétrante. Plaie qui s'étend jusqu'à l'intérieur d'une cavité viscérale. Une blessure pénétrante jusqu'à l'estomac, (...) et alors (...) [l'accident] est presque toujours mortel (Geoffroy, Méd. prat., 1800, p.353).Une plaie pénétrante de poitrine peut être suivie de pneumonie (Ménétrier, Stévenin dsNouv. Traité Méd.fasc. 11926, p.221). ♦ P. métaph. L'effet de la mine avait été si violent que la tour avait été fendue (...). C'était une ponction au flanc de la tour, une longue fracture pénétrante (Hugo, Quatre-vingt treize, 1874, p.156). 2. P. anal. ou au fig. a) Qui agit sur les sens, qui procure une sensation forte. Sensations pénétrantes et voluptueuses, brusques et pénétrantes. Des effluves sortaient [de la poitrine penchée de Mmede Penhauën] qui l'envahissaient [le général] tout entier, il ne savait quelle chaude émanation de désir, si intense et si pénétrante que sa main tremblait (Céard, Soir. Médan, Saignée, 1880, p.181).Elle dégage une si poignante détresse [la pluie chez Zola] une sensualité à la fois si pénétrante et si morbide, qu'on en conserve une sorte de froid dans l'âme, de frémissement triste (Carco, Voix basse, 1938, p.219). b) Qui procure une vive impression (sensorielle, en particulier d'ordre auditif, gustatif, olfactif ou tactile).
α) [d'ordre auditif] Les deux cordes aiguës [de l'alto] ont une vibration pénétrante jusqu'à l'âpreté (Gevaert, Instrument., 1885, p.149).Andrée dit à ce moment un mot à Albertine et celle-ci rit du même rire pénétrant et profond que j'avais entendu tout à l'heure (Proust, Sodome, 1922, p.796). − [P. méton.; en parlant de l'heure qui sonne] Une heure du matin sonnait aux horloges du Val-de-Grâce et de Saint-Jacques, heure pénétrante et brève, plus solennelle encore à entendre et plus nocturne que celle de minuit (Sainte-Beuve, Volupté, t.2, 1834, p.161). SYNT. Bruit très pénétrant; silence pénétrant; son fin et pénétrant; timbre sonore et pénétrant d'une voix, du cor; accents, accords, notes pénétrant(e)s; atmosphère sonore et pénétrante; diction pénétrante et animée; mélodie pénétrante; voix déliée et pénétrante, haute et pénétrante; pénétrante et argentine; avoir une sonorité pénétrante.
β) [d'ordre gustatif] [Les tubercules de la fumeterre bulbeuse] ont une saveur âcre, amère, pénétrante (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog., t.1, 1821, p.98).
γ) [d'ordre olfactif] Arôme pénétrant et frais (des bois); (l'acide sulfureux est) pénétrant et volatile; parfums pénétrants et musqués, très pénétrants; odeur (de nécrose) fétide et pénétrante, aromatique et pénétrante, pénétrante et vivifiante; senteur pénétrante et poivrée. Un jasmin (...) exhalait continuellement son haleine pénétrante (Maupass., Une Vie, 1883, p.14).[Cet homme] dégage je ne sais quoi de puissant... et aussi une odeur de mâle... un fumet de fauve, pénétrant et chaud... qui ne m'est pas désagréable (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p.31): 1. Un baiser libertin de la maigre Adeline,
Les sons d'une musique énervante et câline,
(...) Tout cela ne vaut pas, ô bouteille profonde,
Les baumes pénétrants que ta panse féconde
Garde au coeur altéré du poëte pieux.
Baudel., Fl. du Mal, 1857, p.190.
δ) [d'ordre tactile ou cutané] Qui transperce les vêtements, qui se fait vivement sentir. Synon. mordant, perçant, piquant.Un froid pénétrant, une pluie pénétrante ; se faire plus pénétrant. Un vent tiède agitait la charmille (...). Ils se sentaient dans une atmosphère d'orage vibrante, pénétrante (A. Daudet, Fromont jeune, 1874, p.67).Il faisait un temps aigre et noir. Une bruine tombait, plus froide et plus pénétrante que la pluie (A. France, Crainquebille, 1904, p.50). B. − Au fig. 1. [Corresp. à pénétrer I C 1] Qui agit fortement sur l'âme; qui touche, qui affecte profondément: 2. Cette nébuleuse de l'enfance (...) n'en recèle pas moins le mystère d'une joie si aiguë, si pénétrante qu'à travers l'épaisseur des années sa pointe m'atteint encore.
Mauriac, Mém. intér., 1959, p.10. − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui est pénétrant, qui affecte profondément. Sa tenue, son air (...) ses regards, dégageaient le vague, le pénétrant, le troublant qu'on sentirait auprès d'un paysan apôtre (Goncourt, Man. Salomon, 1867, p.278). SYNT. Charme pénétrant; grâce pénétrante et douce; (musique) d'une grâce et d'une tristesse absolument pénétrantes; beauté, suavité pénétrante; pénétrante affection, tendresse; douleur, mélancolie pénétrante; peur obscure et pénétrante. 2. [Corresp. à pénétrer II C 2 et à pénétration C 2] Qui est capable de pénétrer, de comprendre promptement les choses difficiles en finesse et en profondeur. Synon. clairvoyant, perspicace, sagace.Guide, homme pénétrant; pénétrant critique, observateur; chroniqueur attentif et pénétrant; moraliste exquis et pénétrant; (être) l'un des interprètres les plus pénétrants de qqn. Enfin, comme toujours, sois pénétrant et sage (Dumas père, Hamlet, 1848, iii, 5, p.216).On devait s'en tenir à ce stade rudimentaire de l'analyse jusqu'au début du XXesiècle, où le pénétrant génie de Bichat sut reconnaître l'hétérogénéité des organes eux-mêmes (Cuénot, J. Rostand, Introd. génét., 1936, p.82). − Empl. subst. masc. Quelqu'un de pénétrant. C'était ainsi. Il voyait. Il voyait de ses yeux de chair ce qui reste caché au plus pénétrant −à l'intuition la plus subtile −à la plus ferme éducation: une conscience humaine (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p.188). − [P. méton., en parlant d'un attribut de l'homme, d'une caractéristique, d'une émanation de son esprit] Synon. aigu, fin, profond, subtil.(Doué d'un) esprit (très) pénétrant et inventif, pénétrant et acéré; faculté d'observation pénétrante et sagace, minutieuse et pénétrante; avec une intelligence (supérieure) fine et pénétrante, vive et pénétrante; avec une pénétrante lucidité; psychologie des plus pénétrantes. Sur les assemblées, les partis et les foules, ses jugements sont aussi exacts que pénétrants (Taine, Dern. Essais crit. et hist., 1893, p.100). ♦ [En parlant d'un ouvrage, du style d'un auteur, de la langue d'un orateur] Une étude pénétrante sur (un thème). Depuis les Syracusains, on n'avait plus revu cette fermeté dans la frappe, ce modelé savoureux et nuancé, cette pénétrante et vigoureuse élégance d'expression (Faure, Hist. art, 1914, p.428).MUS. [En parlant d'une oeuvre de musique, d'un compositeur, d'un orchestre, d'un instrument] J'aime cet orchestre [de l'Eleison de Camille Benoît], sans luxe banal, rigoureux, pénétrant, avec sa sévère polyphonie et la tension continue de ses phrases implorantes (Willy, Bains de sons, 1893, p.299).Ceci (...) différencie ces quatuors [les 3 quatuors op. 59 de Beethoven] de ceux qui vont suivre, plus recueillis, plus pénétrants, plus intimes (Marliave, Quat. Beethoven, 1925, p.63). − En partic., dans le domaine de la vue.[En parlant des yeux, du regard] Qui scrute, qui examine, qui sonde; qui voit loin et atteint jusqu'aux plus petits détails. Soutenir l'oeil, le regard pénétrant d'un partenaire; éviter l'oeil pénétrant d'une personne; sous l'oeil clair et pénétrant de (qqn); (projeter sur l'avenir) un coup d'oeil pénétrant. On y reconnaît [sur le portrait de Sénac de Meilhan] avant tout ce bel oeil perçant, plein de feu, ces yeux d'aigles pénétrants dont le prince de Ligne était si frappé (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t.10, 1854, p.98). ♦ P. métaph. ou au fig. Avoir l'oeil, le coup d'oeil, le regard pénétrant. ,,Deviner d'un regard la pensée, les sentiments de celui à qui on a affaire`` (Quillet 1965). III. − Subst. fém. [Corresp. à pénétrer I A 1 a β, B 1 a et à pénétration A 2 a α] A. − Domaine milit.Grande voie de communication allant de l'arrière vers l'avant d'un front militaire, dont l'importance est capitale au combat. Les pénétrantes constituent généralement les axes de progression des grandes unités blindées (Lar. encyclop.). B. − P. anal. [P. oppos. à radiale] Grande voie de communication allant de la périphérie vers le centre d'une ville ou d'une région. Les représentants des associations ont dénoncé la destruction du bois de L. provoquées par le passage de la «pénétrante» Cagnes-Vence (Le Monde,21 juill. 1978ds Gilb. 1980). Prononc. et Orth.: [penetʀ
ɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:t]. Ac. 1694, 1718: pene-; 1740: pene- mais ,,Un homme à l'esprit pénétrant``; dep. 1762: péné-. Fréq. abs. littér.: 1200. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1679, b) 2071; xxes.: a) 1957, b) 1382. Bbg. Quem. DDL t.1. |